Ukraine : l’enseignement supérieur se mobilise pour les universitaires réfugiés

Oriane Raffin Publié le
Ukraine : l’enseignement supérieur se mobilise pour les universitaires réfugiés
De nombreux réfugiés ukrainiens sont arrivés en France, ici au centre d'accueil Porte de Versailles à Paris. // ©  Mathilde MAZARS/REA
Les établissements d'enseignement supérieur français s’organisent pour accueillir enseignants et chercheurs ukrainiens qui le souhaiteraient.

Parer à l’urgence, soutenir, accueillir. Les établissements de l’enseignement supérieur français se sont rapidement mobilisés pour l’Ukraine. Pour leurs étudiants en échange dans la zone géographique, pour les étudiants ukrainiens et russes accueillis en France, mais aussi pour leurs homologues, enseignants et chercheurs.

Dans le sud de la France, l’Université de Toulouse 3-Paul Sabatier a ainsi réagi dès les premiers jours du conflit. "Nous sommes très attachés à l’Ukraine, notre ville est jumelée avec Kiev. Nous avons des collaborations anciennes, notamment dans le domaine de la chimie", détaille Fabrice Gamboa, vice-président relations internationales et mobilités.

Un dispositif PAUSE d’urgence pour les Ukrainiens

L’université a débloqué des fonds pour accompagner pendant six mois des enseignants ou chercheurs. Une aide rendue possible notamment dans le cadre du programme PAUSE (Programme d’aide à l’accueil en urgence des scientifiques en exil) porté par le Collège de France, qui accompagne le recrutement temporaire de chercheurs et doctorants réfugiés.

Lancé en 2017, le programme a mis en œuvre un dispositif spécial d’urgence pour les Ukrainiens, d’une durée de trois mois, grâce à un fonds d’urgence octroyé par le ministère de l’Enseignement supérieur. Il permet de financer le séjour d’un chercheur et de sa famille, le temps de s’organiser pour monter un dossier complet, avec un projet de recherche, pour candidater au programme PAUSE classique, d’un an.

A Toulouse, six dispositifs PAUSE sont en train d’être spécialement fléchés pour des réfugiés ukrainiens. "C’est un premier round d’actions, précise Fabrice Gamboa. Nous avons voulu privilégier dans un premier temps les personnes avec lesquelles nous avions un lien scientifique direct, car cela facilite les choses", ajoute-t-il. Une première réfugiée est ainsi arrivée, accompagnée de sa fille, âgée d’une vingtaine d’années.

"Les premiers jours, elles vont être hébergées chez un collègue, qui a l’habitude de recevoir des chercheurs étrangers, détaille Stéphane Mazières, enseignant-chercheur en chimie. Ensuite, nous leur avons trouvé un appartement meublé qui va leur être prêté". La solidarité se met en effet en œuvre à tous les niveaux, et dans l’entourage des personnels. "On sent une chaleur, une solidarité. A chaque fois que l’on sollicite des collègues, nous recevons un très bon accueil", se félicite Fabrice Gamboa.

Science for Ukraine : une mobilisation pour coordonner la venue de chercheurs ukrainiens

Pour aiguiller les universitaires ukrainiens, le collectif Science for Ukraine s’est également mobilisé dès fin février, à l’initiative de Sanita Reinsone, chercheuse lettone. Des bénévoles de nombreux pays recensent sur leur site Internet les places disponibles et les aides offertes aux réfugiés par les universités et établissements du supérieur du monde entier : logement, emploi, bourses, etc.

Pour la France, deux coordinateurs échangent avec leurs réseaux et les laboratoires pour identifier les possibilités. Iryna Gozhyk, physicienne installée en région parisienne, d’origine ukrainienne, est l’une d’elles. Quand elle a découvert l’initiative Science for Ukraine sur les réseaux sociaux, elle a voulu y apporter sa bonne connaissance des systèmes universitaires français et ukrainiens. "Les réfugiés scientifiques ukrainiens ont traversé la guerre et ont souvent des enfants à nourrir. Tout cela induit une charge mentale tellement lourde qu’ils ont besoin d’un accompagnement", confie la jeune femme.

Les personnels en recherche de postes sont essentiellement des femmes, car les hommes de 18 à 60 ans présents sur le territoire ukrainien sont soumis à la mobilisation militaire générale. K. (l’identité de la personne n’est pas précisée par souci de sécurité), Ukrainienne inscrite dans une université russe, fait partie des personnes en contact régulier avec Science for Ukraine : "J’ai écrit aux coordinateurs de pays et à des universités dont les programmes m’intéressaient. J’ai eu la plupart des réponses en deux ou trois heures ! Toutes ces personnes ont essayé de m’aider et se sont aussi enquises de comment ma famille et moi allions. C’est la première fois de ma vie que je ressens un tel soutien et un tel amour de la part d’étrangers."

Un besoin de coordination de l'accueil des enseignants réfugiés à l'échelle territoriale

A Rennes, des représentants des différents établissements de l’enseignement supérieur de la ville se sont réunis pour partager et organiser leurs actions. "Tout n’est pas encore calé, prévient Erwan Hallot, vice-président de la commission formation et vie universitaire de l’université Rennes 1. Mais on essaie au mieux de coordonner nos actions avec les collectivités locales, les associations, etc." Avec par exemple une réflexion sur comment offrir une formation linguistique à des personnels ou des étudiants maîtrisant mal le français. Et la volonté d’optimiser les actions, alors que les élans de solidarité sont nombreux.

Cinq demandes d’accueil d’enseignants-chercheurs sont en cours de traitement. L’université a fait en parallèle un premier état des lieux de ses capacités d’accueil pour les doctorants, les chercheurs mais aussi les étudiants. Les modalités se calent progressivement. Les universités attendent également une circulaire du ministère sur les conditions d’accueil des différents publics - avec notamment la question des statuts. La solidarité se met en place, étape par étape.

Oriane Raffin | Publié le