Bilan du quinquennat Macron : entre transformations en profondeur et manque de moyens, une action en demi-teinte dans le supérieur

Malika Butzbach Publié le
Bilan du quinquennat Macron : entre transformations en profondeur et manque de moyens, une action en demi-teinte dans le supérieur
Frédérique Vidal, à l'Enseignement supérieur, avec Jean-Michel Blanquer, à l'Education nationale, sont restés aux côtés d'Emmanuel Macron pendant tout son mandat. // ©  Stephane Lemouton/POOL/REA
A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, quel est bilan du quinquennat écoulé pour les universités ? Si la plupart des engagements pris par Emmanuel Macron en 2017 ont été tenus, les acteurs universitaires dressent un bilan en demi-teinte. Alors que le premier cycle universitaire a été réformé en profondeur, le gouvernement n’est pas parvenu à résoudre la question du financement des universités.

"Nous avons commencé, sur beaucoup de sujets, à colmater les brèches", déclarait le président Emmanuel Macron devant les présidents d’universités au sein de la Sorbonne, le 13 janvier dernier. À ses côtés, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, affirmait que "jamais un ministre n’aura donné autant de moyens aux universités pour assumer leurs missions". Restée en poste durant tout le quinquennat, Frédérique Vidal a incarné les politiques menées sur l’enseignement supérieur.

D’un point de vue global, "durant ces cinq dernières années, il y a eu des transformations très importantes du supérieur, davantage que lors des quinquennats précédents", analyse Julien Gossa, maître de conférences à l’université de Strasbourg. Pour Franck Loureiro, du Sgen-CFDT, le bilan de ce quinquennat est complexe : "la plupart des réformes menées partent de très bonnes intentions, c’est leur mise en place qui laisse parfois à désirer".

La transformation du premier cycle universitaire

En mettant fin à APB, à la Paces et au DUT, le gouvernement a transformé en profondeur le premier cycle universitaire. La mise en place de Parcoursup réforme l’accès au supérieur et désormais 640.000 lycéens et 200.000 étudiants en réorientation candidatent aux formations qui affichent leurs attendus. Si lors de sa création, la plateforme a déclenché la mobilisation des étudiants et enseignants, aujourd’hui, l’outil a été complètement intégré dans l’enseignement supérieur.

Pour les opposants, "cette réforme a généralisé la sélection à l’ensemble des formations universitaires et durcit l’accès à l’enseignement supérieur", tranche cependant Anne Roger du Snesup-FSU. Pour d’autres acteurs, c’est un outil apprécié : "Parcoursup a été pour nous une solution alternative bienvenue, raconte Aurélien Pichon de la C3D (directeurs et doyens d'UFR Staps). En Staps, nous avions recours au tirage au sort pour départager les candidats faute de places ! Cette réforme rationalise l’orientation des bacheliers qui peuvent mieux connaître les formations, notamment via les attendus."

Une réussite étudiante qui exclut les bacheliers pro et techno ?

Si la plateforme peut être améliorée, il en ressort que la loi ORE dans laquelle Parcoursup s’inscrit a mis l’accent sur la réussite des étudiants en licence. "Les établissements sont dorénavant obligés d’accompagner les étudiants avec de faibles chances de réussite, par exemple avec les dispositifs oui si, contextualise Franck Loureiro. C’est un élément positif du quinquennat." Une note du ministère souligne que les taux de réussite en licence s’améliorent légèrement (+0,3 points) entre les sessions 2018 et 2019.

Parcoursup rationalise l’orientation des bacheliers qui peuvent mieux connaître les formations, notamment via les attendus. (A. Pichon, C3D)

Mais, "peut-on vraiment saluer une meilleure réussite alors que les bacheliers technologiques et professionnels ont été évincés des licences via Parcoursup ? Quelle définition donner à la réussite étudiante ?", s’interroge Julien Gossa.

D’autant que, si la volonté d’accompagnement est inscrite dans la loi, elle se heurte à l’augmentation des étudiants. "Alors qu'en cinq ans, les universités ont accueilli 200.000 étudiants supplémentaires, il n’y a pas eu davantage de recrutements d’enseignants. De fait, le taux d’encadrement (nombre d’étudiants pour un enseignant) est passé de 21% à 23%...", constate Anne Roger.

La question du financement des universités demeure irrésolue

Au-delà de ces réformes, le manque de financement est toujours pointé du doigt. Ces moyens financiers sont d'ailleurs souvent évoqués comme limites aux réformes menées durant le quinquennat. "On l’a vu sur celle de l’accès aux études de santé", observe Aurélien Pichon. La fin de la Paces, remplacée par les PASS et les L.AS, a été "mal anticipée et trop vite appliquée", pointait le Sénat dans un rapport de mai 2021. De plus, si la loi réforme en profondeur l’accès aux études de santé, aucun plan de financement ne lui a été associé, indique le rapport.

Pour Franck Loureiro, il faut pourtant souligner les efforts financiers considérables menés sur le supérieur durant ce quinquennat, "bien plus important qu’auparavant". "Mais cet effort budgétaire se concentre majoritairement sur la recherche et les moyens dédiés aux formations ont été engloutis par la hausse des effectifs étudiants."

Concernant les financements publics, le syndicaliste remarque un recours de plus en plus important aux appels à projet. "Ce mode de financement montre un manque de confiance envers les universités puisqu’il permet au ministère de contrôler l’usage de l’argent qu’il donne."

Le financement par appels à projet montre un manque de confiance envers les universités puisqu’il permet au ministère de contrôler l’usage de l’argent qu’il donne." (F. Loureiro, Sgen-CFDT)

Dans une note sur le bilan du quinquennat, l’Institut Montagne constate que la question du financement des universités demeure irrésolue. "Le demi-échec de la réforme de l’augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers non-communautaires, que les universités ont largement refusé de mettre en œuvre, a conduit à un blocage préjudiciable, de nature idéologique, sur le modèle de financement des universités", estime le think tank libéral.

Autonomie des universités : des nouvelles formes de regroupements

Loin d’être une nouveauté, le quinquennat d’Emmanuel Macron s’est appliqué à approfondir l’autonomie des universités. L’ordonnance du 12 décembre 2018 permet notamment une plus grande souplesse pour les regroupements d’établissements, - simplifiant le système de Comue, fusion ou regroupement. Depuis l'ordonnance, 17 établissements publics expérimentaux ont vu le jour. "Dans certains cas, cette construction a été collective et s’est très bien passée, analyse Franck Loureiro. Mais dans d’autres, le projet a été mené sans concertation ni cohésion, d’où des difficultés importantes."

L’ordonnance, qui permet à ces nouveaux regroupements de déroger au code de l’éducation, "remet en cause la démocratie universitaire", estime de son côté Anne Roger. Il y a les Comue, les Idex-Isite, maintenant les EPEx … "Ces formes de regroupements s’empilent et s’éloignent toujours plus des étudiants et enseignants universitaires, remarque Julien Gossa. On a là des objets politiques dont la priorité n’est plus forcément la formation ou la recherche."

Ces formes de regroupements d'établissements s’empilent et s’éloignent toujours plus des étudiants et enseignants universitaires. (J. Gossa, Unistra)

Dans sa note, l’institut Montaigne considère que "cette autonomisation progressive des universités se heurte au quotidien à l’incapacité de l’État à changer sa relation aux établissements supérieurs". Ainsi, plutôt qu’une nouvelle étape de l’autonomie, "c’est le choix de la déconcentration des services de l’État qui a été fait", retrace la note en citant la création de recteurs délégués à l’ESRI et la mise en place du dialogue de gestion.

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