Présidentielle : pourquoi France Universités demande une hausse du budget de l'ESR

Amélie Petitdemange Publié le
Présidentielle : pourquoi France Universités demande une hausse du budget de l'ESR
REA France Universités // ©  Mathilde MAZARS/REA
France Universités a publié une série de propositions à l'attention des candidats à l'élection présidentielle d'avril 2022. Parmi elles, l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche de cinq milliards d'euros, qui contribue notamment à la réussite étudiante et à la croissance économique. Une demande récurrente des universités depuis de nombreuses années...

A l'approche de la présidentielle, France Universités a rédigé des propositions à l'attention des candidats. Le financement de l'enseignement supérieur fait partie des priorités. France Universités demande "dès 2022 une Loi de programmation de l’enseignement supérieur, pendant indispensable de la Loi de programmation de la recherche, avec 1 milliard d’euros supplémentaire par an pendant cinq ans pour l’enseignement supérieur".

Baisse continue de la dépense par étudiant : un impact sur la réussite à l'université

Depuis une vingtaine d'années, l'augmentation de l’accès à l’enseignement supérieur se traduit par une hausse continue du nombre d'étudiants. Mais, l'augmentation du budget ne suit pas pour autant : la dépense par étudiant est par conséquent en baisse depuis 2010. Cette dépense par étudiant est par ailleurs très inégale selon les établissements. Ainsi, une note du Conseil d'analyse économique (CAE), publiée en décembre dernier, observe des disparités de montant allant de un à quatre, entre un étudiant en licence et un étudiant en prépa par exemple.

La dépense par étudiant est liée au nombre d'heures de cours et au taux d'encadrement, elle a ainsi une conséquence directe sur la réussite. Le CAE note "une forte corrélation entre le coût d’une année de formation et le taux de réussite des étudiants".

Le sous-investissement en licence et master à l’université est associé à des taux de réussite beaucoup plus faibles que dans les autres formations. (Note du CAE)

L'université est particulièrement touchée. "Le sous-investissement en licence et master à l’université est associé à des taux de réussite beaucoup plus faibles que dans les autres formations, alors même que les étudiants ont un profil scolaire équivalent voire meilleur", souligne la note. Le CAE considère "crucial de diminuer les disparités entre formations en augmentant l’investissement en licence et en master, ce qui permettrait d’augmenter le taux d’encadrement et les taux de réussite dans ces filières".

Des contrats d'objectifs et de moyens pour autonomiser les établissements

"Tout le monde convient aujourd'hui qu'il y a un sous-investissement de l'ESR dans le pays. D'une part, il y a un problème dans le financement socle dont ont tant besoin les universités pour fonctionner. D'autre part, il faut une partie de financement sur des objectifs fixés avec l'Etat", souligne Manuel Tunon de Lara.

Selon le président de France universités, l'organisation est aussi à revoir. "L'argent ne suffit pas, il faut que l'investissement s'accompagne d'une responsabilisation des établissements par rapport à des objectifs donnés. Les établissements doivent être plus autonomes et l'Etat plus stratège, ce qui passe par des contrats d'objectifs et de moyens".

L'argent ne suffit pas, il faut que l'investissement s'accompagne d'une responsabilisation des établissements par rapport à des objectifs donnés. (M. Tunon de Lara, France U)

L'augmentation du budget de l'enseignement supérieur permettrait également d'accueillir davantage d'étudiants. "Créer des places nécessite des ressources humaines. Ça ne se fait pas n'importe comment. Les politiques de ces dernières années n'ont souvent pas fonctionné car on imagine qu'en finançant des places, on modifie l'encadrement. Ce n'est pas le cas si le financement n'est pas pérenne ou suffisant", explique Manuel Tunon de Lara.

Investir dans l'ESR, rentable pour le pays tout entier

Cet investissement dans l'enseignement supérieur a un intérêt pour l'Etat, rappelle le CAE dans sa note. D'une part, l’investissement dans l’enseignement supérieur accroît l’innovation, ce qui augmente la croissance économique. D'autre part, les bénéfices privés augmentent les salaires et donc les recettes fiscales. "Il faut considérer qu’investir dans une université est un investissement pour le pays. Il y a un retour en termes de croissance, de progression salariale, de compétence, d’éducation…", confirme Manuel Tunon de Lara.

Selon lui, l'objectif de 5 milliards d'euros sur le prochain quinquennat est atteignable. "France 2030 représente plus de 30 milliards d'euros. Si vous rajoutez l'argent du PIA, nous ne sommes pas loin de 50 milliards d'investissement. Or une très grande partie de la réussite de ce plan de réindustrialisation et d'innovation dépend de l'université, de la formation des jeunes aux nouveaux métiers et de la recherche universitaire. Si vous mobilisez 50 milliards, il est tactiquement intéressant de mobiliser 10% de cette somme pour que le projet fonctionne", pointe Manuel Tunon de Lara.

L'autre volet du financement concerne la recherche. France Universités souhaite que 1% du PIB soit investi en recherche publique d’ici 2027. "Nous sommes loin des 3% fixés au niveau européen. Il faut rattraper notre retard sur les deux pans", affirme Manuel Tunon de Lara.

Diversifier les sources de revenus des universités

Face au sous-investissement étatique, existe-t-il d'autres solutions ? Des sources de revenus complémentaires sont possibles, bien que marginales : la formation continue, la taxe d'apprentissage, les contrats avec le monde industriel, le financement des agences de recherche…

Les droits d'inscription des étudiants représentent quant à eux moins de 2% du budget d'une université. "Augmenter ces frais ne résoudra pas le modèle économique de l’université française et augmentera les inégalités", prévient Manuel Tunon de Lara.

Augmenter les frais d'inscription ne résoudra pas le modèle économique de l’université française et augmentera les inégalités . (M. Tunon de Lara)

Il balaie également l'augmentation des frais pour les étudiants étrangers prévue par le plan Bienvenue en France. "Faire venir des étudiants étrangers qui paient très cher, cela pose des inconvénients au niveau de la souveraineté. Les universités australiennes ont adopté ce modèle et l'Etat s'est alors désengagé. La viabilité de leurs universités repose grandement sur les étudiants chinois et donc sur leur relation avec la Chine. Je ne crois pas que ce soit un modèle cohérent".

Les présidents d'université appellent par conséquent à la responsabilité du prochain chef de l'Etat. Pour Manuel Tunon de Lara, le constat est clair : "L'Etat a intérêt à ce que les universités fassent de la recherche et contribuent à la réussite des étudiants plutôt que de passer leur temps à chercher des ressources supplémentaires pour équilibrer leur budget".

Amélie Petitdemange | Publié le