Face à une baisse de leur attractivité, quel avenir pour les classes prépa ?

Malika Butzbach Publié le
Face à une baisse de leur attractivité, quel avenir pour les classes prépa ?
rea prépa ipesup // ©  Stephane LAGOUTTE/Challenges-REA
Alors que la tendance est à la diminution des effectifs, en particulier pour les CPGE économiques et commerciales, de nombreux acteurs s’interrogent sur le devenir des classes prépa. Les enseignants, rejetant la nécessité d’une réforme, soulignent l’importance de communiquer sur la plus-value de ces cursus.

Lorsqu’elle a rempli ses vœux sur Parcoursup au printemps 2022, Éléonore a longtemps hésité à mettre deux hypokhâgnes, ces classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) littéraires. "Mes enseignants de lycée ont fini par me convaincre, mais j'hésitais avec une double licence de la Sorbonne, puisque je rêvais d’étudier à Paris", témoigne la jeune Nordiste. Elle a finalement été prise au lycée Victor Duruy, à Paris. Mais d’autres n’ont pas fait ce choix.

Depuis plusieurs années, les effectifs dans les classes prépa sont en baisse. Le phénomène n’est pas massif et touche inégalement chaque filière, mais la tendance est bien là. À la rentrée 2021, le nombre d’élèves inscrits en première année de CPGE baissait de 2,5% par rapport à l’année précédente. Alors que leur nombre augmente en littéraire (+2,2%), il diminue de 1,5% en scientifique et chute de 10% dans la filière économique. Force est de constater que ces classes prépa subissent une crise d’attractivité.

Plusieurs causes à la baisse d'attractivité des prépa

Cette baisse des effectifs s’explique par plusieurs facteurs. Pour la filière économique, les enseignants pointent la réforme du lycée. "Le nombre de lycéens étudiant les maths en terminale a chuté de 40%. Or, pour entrer dans nos cursus, il est nécessaire d’avoir suivi cet enseignement, d’où une diminution de notre vivier de recrutement", pointe Alain Joyeux, président de l’Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC). Du côté des scientifiques, on s’inquiète de l’absence des jeunes femmes dans ces filières.

D’autres observateurs pointent aussi la concurrence d’autres formations, nouvelles, dans le paysage du supérieur. "La classe prépa n’a plus le monopole", constate Damien Framery, président de l’Association des professeurs de premières et de lettres supérieures (APPLS). Des formations sélectives et exigeantes sont apparues dans les universités, - à l'instar des CPES -, les IEP ou à l’international tandis que les grandes écoles ont développé leur propre cursus post-bac, sous forme de bachelor.

La classe prépa n’a plus le monopole. (D. Framery, APPLS).

C’est le cas d’Excelia : l'école de management a obtenu l’année dernière le grade licence pour son bachelor business. "Ce cursus s’adresse à des profils différents de ceux qui se dirigent vers une classe prépa", explique Caroline Hermet, directrice du master Grande école et des MSc. "Le recrutement est régional, avec des élèves qui souhaitent, dès le bac, rejoindre notre école. Tandis que la CPGE ouvre sur l’ensemble des écoles de commerce". L'école a tout de même choisi d'ouvrir son programme grande école à un accès post-bac, en plus de l'accès post-prépa.

Vers une nouvelle réforme de la prépa économique ?

Les ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur se sont emparés de cette problématique d’attractivité, mettant en place un comité de pilotage des classes prépa économiques et commerciales. C’est dans ce cadre-là qu'un scénario a fuité en décembre. Le document évoquait une diminution du nombre d'heures disciplinaires hebdomadaires dans l’ensemble des matières au profit d'"enseignement de spécialités" ou de "modules experts", dont les contours demeurent flous.

Du côté de l’APHEC, les enseignants s’opposent à toute réforme des prépas économiques. "Introduire de la modularité dans le cursus les rendraient moins lisibles, pointe Alain Joyeux, président de l’association. Est-ce que toutes les prépas pourront proposer la totalité de ces enseignements modulaires ? Si tous les lycées ne peuvent pas, se poserait alors la question de l’inégalité entre les étudiants."

Si le ministère précise que rien n’est tranché et que le document n'est qu’un support de travail, nombreux sont enseignants de CPGE qui demeurent méfiants. Le sort de la filière économique et commerciale est aussi scruté de près par les enseignants des autres filières, qui craignent que les possibles changements ne les concernent aussi.

"L’enseignement modulaire ne semble pas adapté à aux CPGE", estime ainsi Denis Choimet, président de l'Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques (UPS). "En prépa, les cours généraux donnent un niveau et une méthode de travail solides dans diverses matières, nécessaire pour appréhender les enjeux contemporains." Cependant, l'enseignant estime tout de même que la question sur le contenu des enseignements mérite d’être posée.

Plutôt qu’une réforme des CPGE, les acteurs insistent sur la nécessaire communication autour de ces cursus. "Nous manquons d’études sur le devenir des étudiants passés par nos formations", regrette Alain Joyeux de l’APHEC. "Cela permettrait de mettre en lumière, auprès des candidats et de leurs familles, la plus-value d’une classe prépa."

Après six mois d’hypokhâgne, Éléonore ne regrette pas son choix. "Qu’importe si j’obtiens une grande école ou que je vais à la fac. Là, j’apprends une méthode de travail qui me servira sans doute toute ma vie".

Les prépa "de proximité" en danger

Si leurs voies de recrutement se sont diversifiées, les grandes écoles demeurent très attachées au modèle des CPGE. "Ces élèves sont extrêmement bien formés, ils ont suivi un socle d’enseignements généraux importants qu’ils peuvent décliner dans nos enseignements appliqués", estime Delphine Manceau à la tête de Neoma Business School.

Pour les grandes écoles, le recrutement des jeunes issus de classes prépa est aussi signe de prestige. D’ailleurs, les plus importantes d’entre elles - à l’image de Polytechnique, l’ENS ou HEC -, ne sont accessibles, à de rares exceptions, qu’après une prépa. De fait, ce sont sur les prépa prestigieuses, celles qui envoient régulièrement des étudiants dans les meilleures écoles, que se concentrent les candidatures.

À l’inverse, les CPGE dites de proximité, connaissent des difficultés de recrutement et sont les premières à fermer. "C’est d’autant plus dommage que ces « petites» prépa ont une réelle mixité sociale et jouent le rôle d’ascenseur social pour les élèves", déplore Alain Joyeux.

Malika Butzbach | Publié le