Vulgariser les sciences, mission incontournable des universités

Camille Jourdan Publié le
Vulgariser les sciences, mission incontournable des universités
Ma thèse en 180 secondes, un dispositif qui permet aux doctorants de partager leurs travaux au grand public. // ©  Ma thèse en 180 secondes
Fête de la science, Nuit européenne des chercheurs, Ma thèse en 180 secondes… En dehors de ces grands rendez-vous auxquels elles participent, les universités développent leurs propres actions de diffusion de la "culture scientifique", terme préféré à celui de "vulgarisation".

Si Ma Thèse en 180 secondes a contribué depuis 2014 à médiatiser les doctorants, les universités mènent de nombreuses autres actions pour sortir leurs chercheurs de leurs laboratoires. Cette démarche résulte avant tout d’une obligation légale, datant de 1984.

Depuis 2013, le Code de l’Éducation parle de contribution "au renforcement des interactions entre sciences et société". Avec les musées, les associations, ou encore les collectivités, les universités apparaissent en effet parmi les acteurs principaux de cette mission.

"Notre positionnement est spécifique, puisque nous sommes les producteurs de ces connaissances", constate Jean-Louis Kerouanton, vice-président de l’université de Nantes en charge de la culture scientifique et technique.

Ce rôle justifie leur engagement : "La diffusion et la restitution de leurs recherches à la société font partie de leurs devoirs, estime Ewa Maczek, directrice par intérim de l’Office de coopération et d’information muséales (OCIM), d’autant plus que ces recherches sont financées avec de l’argent public."

Institutionnalisation et professionnalisation de la culture scientifique

Ainsi, même si les universités menaient des actions de culture scientifique de façon diffuse depuis plusieurs années, elles se sont peu à peu dotées de services dédiés, qui se sont "multipliés depuis le début des années 2000", remarque Nicolas Beck, lui-même en charge de ces actions à l’université de Lorraine.

Aujourd’hui, toutes ont leur "service de la culture scientifique", ou un équivalent, rattaché tantôt à la direction de la recherche, tantôt à celle de la communication, parfois à celle de la culture… Les universités y consacrent un budget propre, qui reste cependant restreint, le gros du financement émanant de subventions et appels d’offres.

L’apparition de ces services traduit une institutionnalisation et une professionnalisation de la culture scientifique, à travers la formation de "médiateurs scientifiques" – parfois titularisés, mais souvent contractuels. "Les chercheurs sont des professionnels de la recherche mais n’ont pas forcément l’approche de la médiation ; ils ne sont pas des professionnels de la communication", observe Lionel Maillot, chargé de médiation scientifique à l’Université de Bourgogne (UB).

C'est un moyen de casser les stéréotypes du chercheur, souvent imaginé comme un homme, avec une blouse blanche. (E. Maczek)

Ainsi, en plus d’imaginer des opérations de culture scientifique, les services comme le sien accompagnent et forment les doctorants et les chercheurs au partage de leurs connaissances.

Privilégier la rencontre avec des publics éloignés de la science

Finies (ou presque !) les conférences ultra-techniques ou les expositions aux longs pavés d’explications au sein même des facs : les universités prisent d’une part les rencontres entre le public et les chercheurs, et d’autre part les événements "hors-les-murs", tout en veillant à garantir la pluridisciplinarité de leurs actions.

"Nous voulons aller vers le public qui ne vient pas vers nous", confirme Nicolas Beck. Les chercheurs et doctorants vont ainsi parler de leur thèse avec des écoliers grâce à l’Experimentarium né à l’UB, ou débattre de thématiques sociétales ("Quel futur pour notre nourriture ?", "Quelles solutions pour un été sans moustiques ?") dans une brasserie, rebaptisée pour l’occasion "le bar des sciences", à Montpellier.

"C’est aussi un moyen de casser les stéréotypes du chercheur, souvent imaginé comme un homme, avec une blouse blanche", schématise Ewa Maczek. L’objectif est aussi de mettre en lumière le processus de recherche. "Sur nos expositions, un médiateur est là pour expliquer les choix qui y sont faits, et comment les recherches sont construites", décrit par exemple Séverine Casalis, vice-présidente Valorisation et Innovation à l’université de Lille.

Et les chercheurs se prêtent facilement au jeu ? Oui, assurent les universités. "Il faut proposer des programmes intéressants pour le public, mais aussi pour les chercheurs, note Lionel Maillot, et les convaincre que cette démarche leur est avantageuse : parler de leurs recherches les invite à se poser de nouvelles questions", "et ils sont plus en connexion avec la société", renchérit Nicolas Beck.

Cerise sur le gâteau : diffuser la culture scientifique peut susciter des vocations. "Mais ce ne doit pas être son objectif", s’accordent à dire Nicolas Beck et Jean-Louis Kerouanton. Quand le premier voit derrière la médiation scientifique un "éveil à l’esprit critique", le second insiste sur le sens du terme "culture", qui implique un "partage et une mise en débat nécessaire dans la société". Pour que la culture scientifique fasse partie intégrante, à terme, de la culture, comme en appellent de leurs vœux de nombreux médiateurs scientifiques et chercheurs.

Camille Jourdan | Publié le