B. Bonaimé (DGER au ministère de l'Agriculture) : "Tous les diplômes de l'enseignement agricole sont revus au regard des transitions"

Etienne Gless Publié le
B. Bonaimé (DGER au ministère de l'Agriculture) : "Tous les diplômes de l'enseignement agricole sont revus au regard des transitions"
L'enseignement agricole forme "224.000 apprenants en formation initiale, qu'ils soient élèves, étudiants ou apprentis", indique Benoit Bonaimé, DGER au ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. // ©  Kikomermoz/Adobe stock
Attractivité des métiers agricoles, renouvellement des générations, transition agro-écologique... Nommé le 7 septembre 2022, le directeur général de l'éducation et de la recherche (DGER) au ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Benoit Bonaimé, revient pour EducPros sur les défis que doit relever l'enseignement agricole.

Comment l'enseignement agricole est-il structuré en 2023 ? Quels sont les effectifs dans cette branche ?

L'enseignement agricole prépare à plus de 200 métiers. Il compte plus de 800 établissements scolaires, dont 217 lycées agricoles publics, 207 lycées agricoles privés, 369 maisons familiales et rurales (MFR), dix centres médico-éducatifs et 16 établissements d’enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et de paysage.

Benoit Bonaimé, a été nommé directeur général de l'enseignement et de la recherche au minisatère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire le 7 septembre 2022
Benoit Bonaimé, a été nommé directeur général de l'enseignement et de la recherche au minisatère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire le 7 septembre 2022 © Agriculture.gouv.fr

Nous proposons tout un spectre de formations de la classe de quatrième au doctorat. Nous formons en tout 224.000 apprenants en formation initiale, qu'ils soient élèves, étudiants ou apprentis. Je suis moi-même issu de cet enseignement : j'ai obtenu un BTS agricole et je suis diplômé de l'École nationale d’ingénieurs des techniques des industries agricoles et alimentaires.

Après avoir connu une baisse de ses effectifs, l’enseignement agricole a-t-il inversé la tendance ?

L’enseignement agricole au niveau scolaire représente 15% des élèves en formation professionnelle du pays. Sur dix ans en effet nous avons connu une érosion des effectifs de notre voie scolaire. Mais depuis trois ans, nous avons commencé à stabiliser nos effectifs et enregistrons les premières remontées. À la rentrée 2022 comme à la rentrée 2021, nous avons enregistré plus d’apprenants dans l’enseignement agricole que l’année précédente.

L’enseignement agricole au niveau scolaire représente 15% des élèves en formation professionnelle du pays.

Nous le devons notamment à l’apprentissage qui s'est fortement développé pour atteindre 57.000 apprentis en 2022. Nous le devons aussi à nos plans de développement pluriannuels lancés pour augmenter le nombre d’étudiants en écoles d’agronomie et vétérinaires. Sur ces deux segments de l’enseignement supérieur, nous progressons fortement : sur un an, nous avons enregistré une hausse de 3% d’élèves-ingénieurs agronomes et de 6% d’étudiants en écoles vétérinaires. Par rapport à 2017, nous formons aujourd'hui 20% d’ingénieurs agronomes en plus.

Par ailleurs, pour répondre aux besoins territoriaux, nous avons augmenté les promotions des quatre écoles nationales vétérinaires et accordé l'agrément à la rentrée 2022 à l’École vétérinaire privée d’intérêt général, UniLaSalle, de Rouen (76). En 2030, ce seront 840 vétérinaires par an formés en France qui arriveront sur le marché du travail, soit 75% de plus qu’en 2017.

Outre l'attractivité de ces formations, quels sont les autres enjeux de l'enseignement agricole ?

Nous sommes confrontés à un double défi : celui du renouvellement des générations et celui des transitions qu'appelle l'urgence climatique. Dans les dix ans qui viennent, 166.000 chefs d’exploitation agricole sur 496.000 partiront à la retraite. C’est pour ça que le chef de l'État a lancé le 9 septembre dernier une concertation pour le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles.

Nous sommes confrontés à un double défi : celui du renouvellement des générations et celui des transitions qu'appelle l'urgence climatique.

De plus, ce renouvellement des générations s'inscrit dans le contexte de la transition agro-écologique déjà en cours et d’une réponse à apporter au changement climatique dans l’ensemble de l’activité économique agricole. Ce sont deux défis mais aussi deux opportunités qui obligent l'enseignement agricole à préparer tous nos jeunes et apprenants pour qu'ils s'engagent dans ces métiers en ayant les compétences qui leur permettront de faire face aux enjeux des différentes transitions.

En quoi la rénovation en cours des diplômes techniques de l'enseignement agricole (bac pro, BTS agricoles, etc.) prendra-t-elle en compte les différentes transitions, notamment écologique ?

Depuis la loi de 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel (loi "avenir professionnel"), nous rénovons nos diplômes tous les cinq ans. C’est une obligation. Le processus de rénovation associe l'inspection de l'enseignement agricole, l’ensemble de nos services et des spécialistes de l’ingénierie de la formation. Nous le faisons en réfléchissant beaucoup aux réalités professionnelles en lien avec les secteurs d'activité.

S’agissant des transitions, nous avons mis en place des dispositifs qui permettent de revoir l’ensemble de nos référentiels de formation et en même temps d’intégrer toutes les questions liées à l’agro-écologie dans chacun de nos diplômes. Tous nos diplômes sont donc revus au regard des transitions. Et dans les rénovations que nous entamons actuellement, nous devrons amplifier la dimension transition climatique.

Quel premier bilan dressez-vous de l’ouverture en 2021 aux élèves de terminale d’une voie d'accès post-bac aux écoles vétérinaires via Parcoursup ?

Il s'agit d'une réforme importante. À la différence des facultés vétérinaires étrangères, les écoles vétérinaires françaises n’étaient pas accessibles en post-bac. Pour y accéder, les élèves passaient principalement par des prépas "bio" classiques [prépa BCPST, NDLR] et nous avions très peu de diversité territoriale de nos étudiants. Par ailleurs, la durée des études pour devenir vétérinaire était très supérieure aux autres pays européens. Vous aviez moins de chances de devenir véto même en étant excellent élève à Aurillac (15) qu'un élève du lycée Henri-IV à Paris.

La voie d'accès post-bac aux écoles vétérinaires compte aujourd'hui environ 40% de boursiers dans les écoles vétérinaires.

Nous avons donc créé début 2021 une voie d’accès post-bac aux écoles nationales vétérinaire : la "première année commune aux écoles nationales vétérinaires". Cette voie post-bac représente désormais 25% de nos recrutements et on va les monter au moins jusqu’à 40% d’ici 2025. Cette voie compte aujourd'hui environ 40% de boursiers dans les écoles vétérinaires et permet d'avoir une plus grande diversité des départements d’origine des étudiants.

La recherche dans le domaine agricole est-elle équipée pour répondre aux enjeux qu'impliquent les transitions écologique et énergétique ?

Le transitions exigent beaucoup de connaissances et de compétences et donc beaucoup d’innovations. En France nous disposons d'un appareil de recherche et de développement solide : nous avons l’INRAE qui, en matière d’agriculture, d’alimentation et d’environnement, compte parmi les meilleurs centres de recherche du monde. Nous avons aussi des instituts techniques qui font de la recherche appliquée que nous accompagnons. Nous disposons d'un outil de financement à l’échelle du ministère, le programme national de développement agricole et rural (PNDAR 2022-2027), qui finance chaque année toute une série de programmes et d’actions de R&D agricoles.

Nous profitons aussi de l’opportunité du plan d'investissement d'avenir France 2030 dans lequel plus de 2,5 milliards d’euros ont été positionnés sur les sujets ayant trait à l'agriculture et à l'alimentation. France 2030 soutient des projets innovants dans le domaine de la recherche scientifique, des nouvelles technologies, de l’agro-écologie ou encore de la formation, au service d’une agriculture et d’une alimentation plus saine et durable. Pour la partie éducative, nous sommes très investis dans le dispositif "Compétences et métiers d’avenir" de France 2030 pour monter des projets.

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