G. Roussel : "Les universités sont fermées aux étudiants jusqu’en septembre"

Amélie Petitdemange Publié le
G. Roussel : "Les universités sont fermées aux étudiants jusqu’en septembre"
L'université Gustave Eiffel a présenté son axe de développement stratégique lors de sa conférence de presse de rentrée. // ©  MESR/Picture Tank
Gilles Roussel, président de la CPU (Conférence des présidents d’université), évoque l’adaptation des universités à l’épidémie de coronavirus et anticipe l’impact de cette crise sanitaire sur l’enseignement.

Emmanuel Macron a annoncé que les cours en présentiel ne reprendraient pas avant l’été. Comment les universités gèrent-elles cette situation ?

Les universités sont fermées aux étudiants jusqu'en septembre, dans le sens où il n’y aura pas d’examens ni de cours en présentiel. Mais elles restent ouvertes pour organiser les cours et la recherche se poursuit. Il y a une vraie implication pour permettre aux étudiants de continuer à travailler, même si ce n’est pas l’idéal et que certains étudiants ont du mal à accéder au numérique.

Gilles Roussel, président de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée
Gilles Roussel, président de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée © UPEM

Les établissements se préparaient déjà à cette fermeture prolongée. La majorité avait fini les enseignements et les autres avaient mis en place des cours en ligne. La question qui se pose est désormais celle des examens...

Justement sur cette question, qu'ont prévu les universités ?

La plupart des universités auront recours au contrôle continu ou à un devoir de remplacement. Les examens en ligne sont quant à eux assez complexes à organiser.

En dernier recours, les universités reprogrammeront les examens. Mais, le message général consiste à éviter cette solution. Si tous les examens sont repoussés, il y aura des problèmes logistiques : capacité d’accueil des amphis, possibilité de regrouper de nombreux étudiants au même endroit…

Bien sûr, certaines formations n’ont pas le choix. En STAPS par exemple, les épreuves sportives doivent se dérouler en présentiel. Il y aura donc des aménagements du calendrier dans certaines universités qui ne peuvent faire autrement mais nous essayons d’opérer des modifications à la marge.

Pourquoi n’y a-t-il pas de décision commune concernant la tenue des examens ?

Ce n’est pas possible car cela dépend grandement des disciplines. En informatique, un projet de développement en ligne se prêtera bien à l’évaluation, quand un mémoire sera plus adapté dans d’autres disciplines. D’autres ont besoin d’un devoir sur table ou encore d’un examen en présentiel. Dans certains cas, le contrôle continu est déjà en place.

Il y aura nécessairement un peu de retard. (...) Mais nous essayons de ne pas décaler la rentrée nationalement.

L’idée commune, c’est que les étudiants ne soient pas pénalisés dans leur poursuite d’études ou leur insertion professionnelle.

Le calendrier de rentrée sera-t-il modifié ?

Il y aura nécessairement un peu de retard. Ne serait-ce que pour tenir compte des sessions d’examens en septembre, pour les étudiants qui n’auraient pas pu les faire à distance. Mais nous essayons de ne pas décaler la rentrée nationalement.

Cela dépendra des conditions de déconfinement et de la capacité à finir l’année avant fin juillet, notamment si des examens sont décalés.

L’ordonnance dédiée à l’organisation des examens et concours prévoit notamment la possibilité de passer des examens en ligne, ce qui inquiète certains syndicats pour des questions d’équité. Qu’en pensez-vous ?

Cette ordonnance est suffisante. L’objectif, c’est d’accompagner tous ces publics spécifiques vers la réussite et de ne pas pénaliser les étudiants. Nous trouvons des solutions pour les étudiants éloignés du numérique, mais des cas particuliers ne doivent pas empêcher la majorité de passer des examens en ligne.

Nous sommes bien conscients des risques et chaque établissement travaille à trouver des modalités d'évaluation pour les étudiants en situation de handicap.

Qu’est-ce qui sera mis en place pour pallier la fracture numérique ?

Au niveau national, je suis très déçu. Les opérateurs ne sont pas assez réactifs pour augmenter les forfaits ou proposer des solutions aux étudiants.

Cet épisode va faire évoluer notre appréhension de la pédagogie.

Les établissements travaillent à trouver des solutions : prêt d’ordinateurs, bons d’achat pour augmenter les forfaits... C’est compliqué car nous devons prendre en compte les situations individuellement. Certaines personnes sont rentrées dans leur pays, d’autres sont dans des zones blanches.

Les élections des présidents d’université sont reportées. Un dispositif commun sera-t-il mis en place ?

Un texte a été publié pour prolonger les mandats des présidents [jusqu'à une date fixée par arrêté du ministère de l’Enseignement supérieur, et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2021, NDLR]. Maintenant, nous attendons les modalités de tenue des élections. Nous ne savons pas si ce sera établissement par établissement ou au niveau national mais le gouvernement doit autoriser la reprise des élections. La date des élections étant unique à chaque université, il s’agira sûrement d’un texte pour chacune d’entre elles. En attendant, les présidents déjà en poste gèrent les urgences liées à l’épidémie.

Quel sera l’impact à long terme de cette crise sanitaire sur les universités ?

Il y aura un vrai impact sur le recrutement des étudiants étrangers à la rentrée de septembre. D’une part, sur leur volonté de venir en France et d’autre part, sur notre capacité à les faire entrer sur le territoire.

La distance va aussi modifier nos modalités de travail, de plus en plus de gens vont demander à bénéficier de télétravail. Il y a aussi une évolution par rapport à la prise en compte de la fracture numérique. C’est flagrant dans ce contexte mais elle a toujours existé. Elle était déjà présente pour les examens en présentiel, puisque de nombreux enseignants mettaient des contenus en ligne. Cet épisode va faire évoluer notre appréhension de la pédagogie.

Un groupe de travail sera-t-il créé pour réagir à cette crise ?

La CPU se réunit régulièrement avec tous les présidents d’université. Encore ce matin, nous étions 90 pour une réunion de plusieurs heures. L’objectif est de porter des décisions au niveau national. Après le plan de continuité d’activité (PCA), je travaille maintenant avec des présidents sur le Plan de reprise d'activité (PRA).

Un groupe de travail va être créé pour réfléchir à la façon de reprendre l’activité après le confinement et de mieux appréhender ce type d’événements à l’avenir. Il faut capitaliser sur ce qu’on aura appris de cette crise.

Amélie Petitdemange | Publié le