H. Penan (Toulouse School of management) : "L'effet Equis n'est pas immédiat"

Agnès Millet Publié le
H. Penan (Toulouse School of management) : "L'effet Equis n'est pas immédiat"
Toulouse School of Management a décroché le label Equis en octobre 2023. // ©  Toulouse School Of Management
Composante de l'université Toulouse 1 Capitole, Toulouse School of Management (ex IAE Toulouse), a décroché le label Equis en octobre 2023. Une reconnaissance qui place l'établissement dans la cour des écoles de commerce privées et qui signe les ambitions d'Hervé Penan, directeur depuis 2015, pour son établissement.
Herve penan
Herve penan © Ivan Autet

En octobre, Toulouse School of Management (TSM) a décroché le label Equis. Pourquoi avoir choisi de vous lancer dans le processus de ce label de formation en management ?

Depuis 15 ans, nous avons une stratégie assez stable et simple : nous voulons être un institut qui professionnalise ses étudiants. Plus original, nous voulons être une école de management – et j'insiste sur le fait que nous ne sommes pas une école de commerce ou une business school –, centrée sur la recherche.

Lorsque l'on travaille en recherche, on construit des relations avec des partenaires internationaux, pour publier dans les meilleures revues.

Mais, au-delà de nos pairs, nous étions inconnus au niveau international. L'enseignement supérieur et la recherche (ESR) est un marché de marque. Nous devions nous faire connaître au-delà du périmètre des pairs et des experts : auprès des partenaires, des parents et des élèves.

Nous voulions que notre notoriété dans tous nos domaines d'activité soit alignée avec notre notoriété en recherche.

Pourquoi choisir le label Equis et non AACSB ou AMBA ?

La question du choix du label s'est posée. Sans MBA au standard international, il était logique de ne pas se tourner vers AMBA.

Restait à trancher entre l'EFMD et AACSB. Or, nous sommes un établissement public français. Et nous sommes Européens. Cela semblait naturel de solliciter un organisme accréditeur européen, comme l'est l'EFMD qui délivre Equis.

De plus, EFMD accorde une primauté à la compréhension de la stratégie de chaque institution. Pour le label Equis, il n'y a pas qu'une seule manière d'atteindre un niveau de qualité.

Enfin, AACSB a été créé plutôt pour le marché américain et pour des disciplines "du chiffre", alors que nous sommes sur le management. Cela n'a pas vraiment de sens pour nous.

Comment s'est passé le processus d'accréditation ?

Au total, nous y avons passé quatre ans. Et nous y avons consacré énormément de travail. Dans le service public, il n'y a pas de cabinets de conseil, ni de consultants pour venir sur place ou remplir les dossiers. Nous avons monté dix groupes de travail. Près de 40 de nos 65 enseignants-chercheurs et autant d'administratifs se sont impliqués.

Après nos première démarches, nous avons obtenu assez vite le statut d'éligibilité. Nous avons alors décidé de ralentir le rythme, pour nous donner le temps de tirer parti des conseils de l'EFMD.

Nous nous sommes "entrainés" pendant deux ans, pour accréditer des programmes avec le label Epas, l'actuel EFMD accredited. Nous avons décroché ces labels pour cinq ans, la durée maximale, ce qui est un bon résultat pour un premier passage.

De quoi prendre conscience que nous n'étions pas si loin que ça des standards internationaux. Nous avons alors pris confiance et nous avons repris notre démarche de labellisation Equis pour l'ensemble de l'établissement.

Vous ne souhaitez donc pas aller chercher AMBA et AACSB, pour vous coiffer de la "triple couronne", prisée des écoles de commerce du monde entier ?

Nous sommes une modeste institution. Notre priorité, c'est l'Europe et l'Asie. Viser d'autres labels n'a pas de sens par rapport aux marchés que nous ciblons.

Nous sommes une modeste institution. Notre priorité, c'est l'Europe et l'Asie. Viser d'autres labels n'a pas de sens par rapport aux marchés que nous ciblons.

Pour nous, la succession ou l'accumulation d'accréditations est superfétatoire. Une accréditation sert à signaler un niveau de qualité, ainsi qu'un engagement pour l'amélioration continue de la qualité sur la durée, via des suivis… Si on le fait pour un organisme, il n'y a pas de sens à faire le même travail pour un autre.

Pourtant, beaucoup d'écoles de commerce françaises ont fait ce choix stratégique...

Quand vous êtes une très bonne école de commerce – parmi les six meilleures de France – et que vous avez des moyens, le monde est à vous. Il est logique de saisir les opportunités pour vous rendre visible internationalement.

Mais pour d'autres établissements, ayant une zone d'influence différente, on peut se poser la question de la pertinence de ce choix.

Qu'est-ce que le label Equis va changer pour TSM ?

L'intérêt d'avoir le label Equis est d'être dans un réseau. Tous les membres ont les mêmes objectifs de qualité, ce qui facilite la construction de partenariats. Nous pourrons donc consolider et développer nos partenariats internationaux, pour attirer davantage d'étudiants internationaux.

Nous en accueillons 15% aujourd'hui, un chiffre qui stagne depuis longtemps malgré nos efforts. Si nous trouvons d'autres partenaires, nous espérons atteindre notre horizon de 20 à 25% d'étudiants internationaux.

Avec le label Equis, nous pourrons consolider et développer nos partenariats internationaux, pour attirer davantage d'étudiants internationaux.

Car il faut noter qu'à quelques exceptions près, le service public français a des lacunes en matière internationale : il n'est pas construit pour cela. C'est en train d'évoluer, mais nous avons 15 ans de retard par rapport, par exemple, au système consulaire.

Pour moi, c'est là que se situe la différence entre public et privé. Davantage que la recherche ou l'enseignement, c'est le positionnement international qui distingue les écoles privées.

Souhaitez-vous également favoriser les mobilités sortantes ?

C'est le revers de la médaille. À Toulouse, nous sommes près des Pyrénées, de l'Atlantique, dans une université qui rayonne. On est heureux, dans des beaux locaux et bien situés… TSM affiche de bon taux d'insertion et de bons salaires. Nos 3.000 étudiants – dont 30% de boursiers – savent qu'ils peuvent avoir un bon diplôme à TSM, sans mobilité obligatoire.

Ils ne sont pas toujours en confiance pour un échange international. On le conseille mais on ne peut pas faire plus. C'est notre challenge : essayer d'internationaliser davantage nos étudiants, par la mobilité sortante.

Souhaitez-vous augmenter ces effectifs, grâce à Equis ?

Le vrai enjeu, c'est la licence. À Toulouse, nous avons une vraie licence de gestion - et non pas d'éco-gestion. Pour nos 200 places post-bac, nous recevons 3.000 à 3.500 candidatures sur Parcoursup. Avec les entrées parallèles, nous accueillons 800 étudiants en 3e année.

Faute de ressources humaines et de salles, nous ne pouvons pas ouvrir de places. Mais nous avons un projet immobilier, programmé sur cinq ans, qui pourrait desserrer cela.

Et améliorer la sélectivité de vos recrutements nationaux ?

Aujourd'hui, 25% de nos inscrits ont eu une mention très bien au bac, et 75% une mention bien. Nous allons mener une action plus offensive pour présenter notre modèle aux proviseurs, afin d'atteindre 50% de mentions très bien.

L'effet Equis n'est pas immédiat, il faudra attendre un ou deux ans. Si je ne vois pas une amélioration des recrutements, je serai un peu déçu. Cela voudra dire que l'on n'a pas réussi à avoir un impact sur l'image.

Mais j'espère bien que les parents finiront par être rassurés sur notre niveau de qualité. Car les institutions publiques ont changé : il n'y a pas de chômage pour un diplômé de TSM.

Il faut rétablir la confiance. Le service public peut proposer une offre de la meilleure qualité nationale et internationale – en recherche mais aussi sur l'accompagnement et la professionnalisation des étudiants.

Je pense que l'on est au début d'une modification du marché de l'ESR. Il y aura un rééquilibrage des effectifs entre les formations proposées par le service public de qualité et le privé.

Agnès Millet | Publié le