H. Penan (Toulouse School of management) : "Dans un univers compétitif, il est essentiel de signaler sa qualité"

Dahvia Ouadia Publié le
H. Penan (Toulouse School of management) : "Dans un univers compétitif, il est essentiel de signaler sa qualité"
Toulouse School of management fait sa rentrée, l'occasion de faire le point avec son directeur. // ©  Toulouse School Of Management
Hervé Penan vient d'être renouvelé dans ses fonctions de directeur de Toulouse School of management (TSM) pour un second mandat en juillet 2020. A cette occasion, il revient sur l'évolution de cette école et son action pour donner davantage de visibilité à TSM à l'échelle internationale.

Vous venez d'être renouvelé pour un nouveau mandat à la tête de Toulouse School of management, une école que vous connaissez bien puisque vous en avez été le directeur de 2002 à 2010 avant votre retour en 2015. Qu’est-ce qui fait la particularité de cet établissement ?

Il y a en effet une grande continuité dans la stratégie de l’établissement qui repose sur deux axes importants : la recherche et la professionnalisation. Dès mon arrivée en 2002, l’Université Toulouse Capitole était pilote pour mettre en place les masters dans le cadre du processus de Bologne qui venait d’être lancé. Nous avons été pionniers dans la mise en place de masters en quatre semestres intégrés.

Herve penan
Herve penan © Ivan Autet

Ensuite, nous nous sommes fixé l’objectif de voir notre laboratoire de gestion accrédité CNRS et nous l’avons atteint. En France, seuls trois laboratoires de gestion sont accrédités CNRS : HEC, Paris-Dauphine et TSM (anciennement IAE de Toulouse). Nous avons aussi créé une école doctorale spécifique en gestion qui compte 70 doctorants tous financés, dont 87% sont étrangers.

Lors de votre précédent mandat, initié en 2015, quelle a été votre principale mission ?

Mon objectif a été de consolider et développer l’institution. Nous avons voulu donner une visibilité internationale et institutionnelle à l’IAE. A l’échelle internationale, nous étions déjà connus individuellement pour nos recherches mais jusqu’à présent nous n’avions pas de présence institutionnelle.

Depuis plusieurs années, nous avons internationalisé le corps enseignant et aujourd’hui 40% de nos collègues sont soit de nationalité étrangère, soit français avec une carrière internationale. Nous avons aussi internationalisé notre offre de formation. Dans chacun de nos cinq départements, nous avons une filière complète en langue anglaise comme la licence et le master en management international, des masters en finance, en marketing international, etc. D’ailleurs certains départements sont intégralement en anglais. Et évidemment le programme doctoral également.

Vous vous être aussi lancés dans la course aux accréditations…

Dans un univers compétitif, il est essentiel de signaler sa qualité. Les accréditations sont un moyen de montrer notre valeur et d’attirer les meilleurs étudiants internationaux notamment. C’est pourquoi depuis trois ou quatre ans, TSM s’est lancé dans des démarches d’accréditation. Nous travaillons notamment avec l’EFMD sur ce sujet.

Les accréditations sont un moyen de montrer notre valeur et d’attirer les meilleurs étudiants internationaux.

Mais attention, on n’existe pas pour avoir des accréditations, on les utilise pour témoigner de la qualité de ce que nous faisons. Nous nous positionnons en tant qu’institution européenne, aussi, l’accréditation EPAS – qui devient EFMD accredited – est importante. Nous avons déjà obtenu cette accréditation pour nos programmes doctoraux il y a trois mois et pour cinq ans. Et nous sommes prêts à passer l’audit d’accréditation pour notre enseignement à distance. Il se tiendra en janvier prochain.

Enfin, pour aller plus loin dans cette démarche, nous allons collectivement décider en cette rentrée de nous lancer ou non sur l’accréditation EQUIS.

Vous avez aussi à cœur d’être excellent en recherche. Quelles sont vos thématiques de prédilection ?

La recherche au meilleur niveau est disciplinaire, il ne faut pas se leurrer. Aussi, en gestion, il existe cinq grandes disciplines, la finance, le marketing, les RH, la stratégie et la comptabilité. Les revues scientifiques sont positionnées par discipline. Or, pour être performant en matière de recherche, il faut se conformer aux revues scientifiques.

TSM est donc structurée par discipline. Sur chaque discipline, nous avons des thèmes forts récurrents et historiques. Par exemple, en finance on travaille sur le risque, la microstructure des marchés financiers, le comportement des agents sur les marchés financiers, etc. En ressources humaines, nous travaillons beaucoup sur le comportement organisationnel : la motivation, la satisfaction au travail et le stress au travail, l’équité homme-femme, la justice organisationnelle, etc.

Aujourd’hui, nous avons environ 200 articles par an dont la majorité est publiée dans des revues de rang 1. Nous publions aussi dans des revues moins académiques mais sur lesquelles les décideurs vont pouvoir puiser directement dans une logique de valorisation de la recherche.

Vous avez changé de nom d’établissement en octobre 2017, vous émancipant ainsi des IAE. Quelles sont vos relations avec le réseau IAE ?

Il était essentiel pour nous que notre marque traduise notre positionnement international. Or l’IAE, c’est difficile à expliquer à l'étranger, d’autant que nous sommes tous professeurs à l’université. Donc au lieu de dire je suis professeur à l’IAE, on dit communément, je suis professeur à l’université Capitole. Choisir de s’appeler Toulouse School of management ça nous positionne différemment des business schools. Nous sommes axés sur les pratiques de management et nous proposons différents choix de parcours.

Nous sommes toujours dans le réseau des IAE, j’en ai d’ailleurs été le président en 2003. Mais le réseau des IAE est assez hétérogène avec des établissements orientés recherche, d'autres orientés vers la formation initiale ou la formation continue. Or, TSM a besoin d’avoir sa propre marque visible dans le monde.

Nous n’avons plus besoin d’investir autant d’énergie dans les réseaux.

Par ailleurs, je pense que l’autonomie des établissements recentre les institutions sur le local. Auparavant, nous avions besoin de créer des réseaux pour négocier ensemble des choses auprès des instances nationales, monter des projets collectifs, etc. Aujourd’hui, tout se fait au sein des universités et si ça se passe bien au sein de l’université, les rapports avec la tutelle sont moins cruciaux. Nous n’avons plus besoin d’investir autant d’énergie dans les réseaux.

Et par rapport aux écoles de commerce ?

Localement, nous avons de bonnes relations avec Toulouse BS. Nous sommes en coopétition : nous sommes en concurrence frontale sur Parcoursup puisque les étudiants choisissent entre faire une licence 1 chez nous ou un bachelor à TBS. Nous sommes aussi en compétition sur les admissions parallèles après un DUT et en masters.

Mais nous sommes en coopération avec l’école doctorale. Nous avons une responsabilité sociale de structurer la recherche en gestion à l’échelle du site toulousain. Nous avons donc créé l’école doctorale et nous y associons toutes les équipes qui souhaitent travailler avec nous. Toulouse BS finance une partie de l’école et des contrats doctoraux. Le conseil doctoral sélectionne le candidat pour signer un contrat doctoral. Mais c’est bien le diplôme de doctorat de TSM.

Pour Toulouse BS, ce qui est intéressant, c’est que l’école doctorale fait figure de pré-recrutement des futurs enseignants-chercheurs. En effet, on s’interdit de recruter nos propres doctorants pour leur permettre de diversifier leur carrière, à l’étranger notamment. C’est un véritable crève-cœur pour nous mais c’est nécessaire pour que nos doctorants soient nos ambassadeurs à l’étranger.

La fin de l'Idex toulousain en 2016 a mis à mal l’écosystème universitaire. Comment localement l’enseignement supérieur se restructure ?

On a l’impression qu’un site va jouer sa vie ou sa mort sur les Idex, mais ce n’est pas le cas. Toulouse est une belle ville universitaire depuis très longtemps. Idex ou pas, nos points d’excellence perdurent. Il est clair qu’avoir plus de financements assurés sur le long terme facilite la concrétisation de projets mais l’enseignement supérieur et la recherche forment un monde qui s’adapte avec beaucoup d’engagement et de passion. Ceux qui veulent travailler ensemble continueront de le faire même si cela demande un peu plus de temps. Je ne suis pas inquiet sur le site toulousain, les belles collaborations vont continuer à se déployer.

On a l’impression qu’un site va jouer sa vie ou sa mort sur les Idex, mais ce n’est pas le cas.

Le vrai problème pour l’Idex a été celui de la gouvernance. Or, j’ai un principe, il faut que les allocations de ressources soient au plus près de ceux qui créent la valeur. Le MIT par exemple n’est pas un gros établissement. Il faut sortir de cette idée de taille critique. En France, on a tendance à ajouter des couches sur des dispositifs de gouvernance déjà lourds. Si on prend l’exemple de Bordeaux, la fusion des universités a créé un établissement hétérogène avec des juristes, des médecins, etc. Comment faire converger un conseil d’administration avec 60 membres qui ont des visions différentes ? Quand un porteur de projet veut créer quelque chose, qui prend la décision dans ces super structures ?

Par ailleurs, allouer des ressources sur des critères de comptabilité fait perdre de vue la hiérarchie des choses et la priorité des projets. Dans ce type d’établissement, la solution pour le chercheur c’est de se mettre en retrait. A Toulouse, finalement la recherche perdure et le site continue de se développer mais différemment.

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