I.Huault (emlyon) : "La logique de rentabilité s’impose à toutes les business schools"

Sandrine Chesnel Publié le
I.Huault (emlyon) : "La logique de rentabilité s’impose à toutes les business schools"
La nouvelle directrice d'emlyon revient sur les grands enjeux qui attend la business school lyonnaise. // ©  ©Philippe Schuler
A la fin de l’été, Isabelle Huault a quitté la présidence de l’université Paris-Dauphine pour prendre la présidence du directoire et la direction générale de l’emlyon. L’universitaire, qui est spécialisée dans la théorie des organisations, revient sur sa prise de poste et les perspectives de développement de l’école lyonnaise.

Pourquoi ce choix de carrière qui vous voit quitter le public pour le privé, et retrouver l’école dont vous êtes diplômée ?

Cette possibilité s’est présentée à moi au printemps, alors qu’il me restait deux mois avant la fin de mon mandat de présidente de l’université Paris-Dauphine. J’étais presque décidée à me représenter pour un deuxième mandat, mais l’opportunité de prendre la tête d’un établissement comme l’emlyon ne se présente pas deux fois dans une carrière !

isabelle huault
isabelle huault © emlyon/Nathalie Hector

Comme alumni, je suis évidemment très attachée à cette école, et les perspectives de développement m’ont semblé intéressantes. J'étais aussi séduite par la possibilité de revenir vivre dans ma région d’origine... C’est cette conjonction de facteurs qui m’ont conduite à répondre favorablement à cette proposition. Certes, le monde de l'université et celui des business schools sont différents, mais il y a aussi des similarités, en particulier avec Dauphine, qui est à la fois une université et une grande école, dont la moitié du budget repose sur des fonds propres.

L’emlyon a changé de statut, passant d’association à société anonyme ; elle a accueilli des investisseurs, Qualium, et BPI France. N’y a t-il pas un risque que les attentes en termes de rentabilité de ces investisseurs vous obligent, par exemple, à privilégier le PGE tout en développant quantité de bachelors, plus rentables ?

Il faut d’abord rappeler que la logique de rentabilité s’impose à toutes les business schools, toutes aujourd’hui confrontées à une crise de financement. Rappeler aussi que la CCI Lyon Métropole reste majoritaire au sein de l’emlyon, que les salariés de l’école en sont également actionnaires, bientôt rejoints par nos alumni dans les prochaines semaines.

Le monde de l'université et celui des business schools sont différents, mais il y a aussi des similarités

Ensuite un pacte d’actionnaires a été établi, qui formule un certain nombre de principes, parmi lesquels le non-versement de dividendes dans les premières années, l’engagement de Qualium de ne pas se retirer avant au moins cinq années, et la possibilité pour la chambre de commerce de bloquer une vente si le nouvel actionnaire ne correspondait pas à ses attentes.

Avant mon recrutement, j’ai pu échanger sur ces sujets de manière très claire avec Qualium, et je peux affirmer que nos objectifs sont parfaitement alignés : valorisation de l’école, ce qui passe notamment par un investissement dans la recherche, maintien dans tous les classements, développement à l’international. L’enjeu est d'assurer la soutenabilité financière, mais je souligne que j’avais le même objectif à Dauphine, objectif qui ne peut s’atteindre qu’en préservant et développant la qualité des formations.

Comment avez-vous accueilli la nouvelle du renouvellement du visa du PGE sur trois ans au lieu de cinq ans, alors que vous veniez juste d’accepter la présidence du directoire et la direction générale ?

Il y a eu un effet de surprise très fort, pour tout le monde. Je pense que plusieurs facteurs expliquent cette décision de la CEFDG (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion). L’examen de notre dossier est intervenu dans un contexte particulier, en juin, en pleine période de transition, entre mon recrutement et le changement de la structure juridique de l’école.

Il est clair que faire le choix, il y a deux ans, de contourner les critères d’admission en PGE en choisissant de faire entrer directement, sans passer les oraux, les 100 meilleurs candidats aux écrits, était mal venu. C’était enfreindre des règles très claires, et cela ne se reproduira pas.

Faire entrer directement, sans passer les oraux, les 100 meilleurs candidats aux écrits […] c’était enfreindre des règles très claires, et cela ne se reproduira pas.

Cependant, cette décision me semble un peu sévère, alors que d’autres écoles qui n’ont pas le même degré de sélectivité que l’emlyon ont obtenu le renouvellement de leur grade pour cinq ans sans problème. Mais je suis très confiante dans la qualité de ce que nous délivrons, nous n’avons d’ailleurs pas manqué de candidats cette année.

Nous venons de recruter une nouvelle directrice du programme grande école, Sylvie Jean, et je suis certaine que nous allons regagner notre visa pour cinq ans très rapidement.

Quels sont vos projets pour l’école ?

Nous sommes en phase d’élaboration du projet stratégique, qui sera présenté en janvier 2021 au conseil de surveillance. J’ai fixé un cadre, qui s’inscrit dans la continuité du plan précédent, avec trois grands axes : l'internationalisation, l'hybridation et la digitalisation.

Nous allons développer nos campus au Maroc, en Chine, et en Inde, développer des programmes autour de l’IA, des sciences de données… Je souhaite aller plus loin vers la pluridisciplinarité et l’hybridation, en ajoutant de nouveaux champs disciplinaires à nos programmes comme l’ingénierie, les sciences humaines et sociales, l’art, ou le design.

J’ai à cœur aussi d’accentuer notre engagement social et environnemental, avec des programmes de recherche et de formation qui porteront sur ces thématiques, mais aussi la prise en compte de ces enjeux dans l’ensemble de nos cours, et en tant qu’organisation - nous devons sur ces sujets être exemplaires.

Sandrine Chesnel | Publié le