Pierre-Alain Müller (université de Haute-Alsace) : "Notre pari est celui de l'innovation par les étudiants"

Sophie Blitman Publié le
Pierre-Alain Müller (université de Haute-Alsace) : "Notre pari est celui de l'innovation par les étudiants"
Université de Haute-Alsace - Vue aérienne du campus Illberg // DR // © 
À Mulhouse, l'UHA (université de Haute-Alsace) entend participer pleinement à la mutation de l'ancienne cité industrielle, en s'inscrivant dans le mouvement de la French Tech Alsace. Parmi ses projets phares : une "école du numérique". Entretien avec Pierre-Alain Müller, vice-président délégué à l'innovation.

Pierre-Alain Müller, vice-président délégué à l'innovation de l'UHA // DRProfesseur d'informatique à l'UHA (université de Haute-Alsace), vous êtes depuis 2012 vice-président délégué à l'innovation. En quoi consiste votre mission ?

Depuis deux ans, l'université a décidé d'impulser une dynamique plus forte en matière d'innovation et d'entrepreneuriat. Dans ce cadre, mon rôle est de mettre en musique les différentes initiatives que déploie l'UHA : des travaux d'étudiants sur des projets donnés par des entreprises aux dispositifs de préincubation pour la chimie et les TIC (technologies de l'information et de la communication), en passant par le serious game Nuit de l'info, le Start-up week-end, le concours AlsaceTech, ou encore aujourd'hui la mise en place de notre Pépite  (pôle étudiant pour l'innovation, le transfert et l'entrepreneuriat). Et, à partir de la rentrée 2014, le lancement du DU (diplôme d'université) d'étudiant entrepreneur.

Toutes ces actions s'emboîtent les unes dans les autres, à la manière de poupées russes et reposent sur un pari : l'innovation par les étudiants. Nous proposons un continuum qui va de la sensibilisation à la mise en situation et la création d'entreprise. En 2013, une douzaine de start-up ont été lancées à l'UHA.

Reste, désormais, à mieux faire connaître aux étudiants cette spécificité, qui est tout autant constitutive de notre identité que nos formations trinationales (avec la Suisse et l'Allemagne).

Le programme Novitas, lancé en 2013-2014, s'appuie de son côté sur les stages pour faire émerger des innovations. Comment fonctionne-t-il ?

L'idée au départ était de trouver comment mobiliser le potentiel d'innovation de nos étudiants en stage, au service du développement du territoire.

Dans cette perspective, Novitas fait travailler ensemble des stagiaires de disciplines différentes (informatique, marketing, droit, ingénierie…) sur un projet commun. Leur stage est cofinancé par une entreprise et une organisation publique ou associative. C'est cette dernière qui vient avec une problématique à laquelle les étudiants doivent apporter une réponse innovante. Ils y consacrent la moitié de leur temps de stage.

Pour la première année, la communauté de communes a été le donneur d'ordre. Elle a demandé à une douzaine de stagiaires de réfléchir à la manière de rendre la ville plus solidaire, en facilitant le déplacement des personnes à mobilité réduite. Résultat : les étudiants ont conçu une application mobile pour connecter les personnes âgées ou handicapées en demande d'aide et celles disposées à donner un coup de main.

Nous allons reconduire et étendre ce programme en 2014-2015, avec l'objectif de constituer cinq équipes d'étudiants.

Nous voulons construire une autre manière d'obtenir des licences pro : il s'agit d'accumuler des compétences en passant par des DU.

Vous avez aussi un projet d'"école du numérique" pour début 2015. De quoi s'agit-il ?

Nous ne voulons pas créer une "école" à proprement parler, mais construire une autre manière d'obtenir des licences professionnelles : il s'agit d'accumuler des compétences en passant par des DU (diplômes d'université). Les étudiants pourront ainsi capitaliser des crédits et effectuer un stage, ce qui leur permettra in fine de décrocher leur licence par la VAE (validation des acquis de l'expérience).

Sur le plan pédagogique, nous misons sur un apprentissage par projets, selon le principe du learning by doing. Les étudiants travailleront au milieu d'entreprises qui leur fourniront des projets, au sein d'un bâtiment spécifique : le KM0, l'un des deux "lieux totems" imaginés dans le cadre de la French Tech Alsace.

Ce label témoigne de la dynamique locale en faveur de l'économie numérique, dans laquelle nous nous inscrivons pleinement.

À qui s'adresseront ces parcours ?

L'objectif est de rattraper les jeunes qui ont des difficultés dans le système classique en leur proposant une offre alternative, entre ce que font traditionnellement les universités et ce que mettent en place des écoles privées comme Epitech ou plus récemment 42.

Concrètement, nous allons créer des DU spécifiques, en fonction des besoins des entreprises. Par exemple, le chemin qui mènera à une licence pro de technicien web passera par un DU sur les objets numériques, un autre centré sur la programmation et un sur les technologies du web. En somme, il s'agit d'instaurer une scolarité différente, mais qui débouche sur un diplôme national.

De quels moyens disposez-vous pour monter ce projet ?

Chaque DU représente environ 200 heures d'encadrement pédagogique, assuré par les enseignants de l'université, et 200 heures de coaching, mené par des professionnels. Comme tous les projets que nous lançons, celui-ci sera autofinancé : les entreprises partenaires du cluster Rhénatic participeront, tandis que nous envisageons de fixer des droits de scolarité plus élevés que ceux d'une licence. Nous comptons aussi sur la deuxième vague des Investissements d'avenir pour obtenir des financements.

Sophie Blitman | Publié le