Doctorat au RNCP : premiers pas vers une reconnaissance du monde de l'entreprise

Jean Chabod-Serieis Publié le
Doctorat au RNCP : premiers pas vers une reconnaissance du monde de l'entreprise
L’inscription du doctorat au RNCP est perçue par tous comme une première étape vers une reconnaissance plus générale. // ©  plainpicture/Design Pics/Don Hammond
Fin mars 2018, le doctorat fera son entrée au RNCP. Enseignants-chercheurs, associations de docteurs, syndicats : tous se félicitent de cette inscription au registre. Mais les acteurs du secteur attendent désormais que la reconnaissance du doctorat se poursuive, notamment au sein des conventions collectives.

Le doctorat, diplôme le plus élevé de l’enseignement supérieur, ne figure pas au RNCP (Registre national des certifications professionnelles). Ou plutôt, il y figure mais de façon partielle puisqu'à ce jour seuls AgroParisTech et Montpellier SupAgro y ont inscrit leur doctorat. Mais rien au niveau national.

L’oubli sera réparé, comme l’a annoncé Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, lors du PhDTalent Career Fair (salon européen dédié à l’emploi des docteurs) en octobre 2017. Fin mars, le ministère mettra en ligne sur le site du RNCP les 22 fiches descriptives concernant le doctorat.

Priorité aux compétences non disciplinaires

En cours de rédaction – en collaboration notamment avec les syndicats, les associations de chercheurs et la CPU (Conférence des présidents d’université) –, ces fiches correspondent à 22 secteurs économiques dans lesquels les docteurs pourront s’insérer. "Elles ne sont en réalité que 22 fois la même, prévient Alexandre Matic, le président de la CJC (Confédération des jeunes chercheurs) : une seule et même fiche pour tous les docteurs, décrivant des compétences communes, indépendamment de leur domaine, qu’ils soient physiciens ou sociologues." Exemples non indicatifs : identifier des problèmes nouveaux ; savoir gérer les moyens matériels, financiers, humains relatifs au projet de recherche ; savoir identifier l’apport de l’innovation et programmer la R&D dans l’entreprise, etc. "Cela vient rappeler que le doctorat est unique, justifie Alexandre Matic. Il faut décloisonner les docteurs par rapport à leur sujet de recherche."

Il faut décloisonner les docteurs par rapport à leur sujet de recherche.
(A. Matic)

Démarche que soutient l’Andès (Association nationale des docteurs), qui travaille avec la CJC depuis deux ans à l’inscription du doctorat au RNCP. "Nous avons toujours souhaité avoir une liste unique de compétences qui ne soient pas spécifiques aux disciplines, explique Clément Courvoisier, le président de l’Andès. Cette liste de compétences non disciplinaires engage les docteurs à rayonner dans toute la société. Ils ont acquis une méthodologie qu’ils peuvent adapter à d’autres domaines professionnels." Pour les deux associations, l’inscription au RNCP ne présente que des avantages : permettre aux entreprises de mieux comprendre ce que fait le docteur ; aux écoles doctorales de mieux valoriser les compétences des docteurs vers l’extérieur ; et aux docteurs de mieux parler de ce qu’ils savent faire.

Vers une reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives

"Il est temps que le doctorat soit reconnu comme un diplôme d’accès à l’entreprise, scande pour sa part Christophe Bonnet, secrétaire fédéral du SGEN-CFDT. Il faut mettre fin à l’exception française qui fait que l’ingénieur va en entreprise et le chercheur à l’université. De plus en plus de chercheurs vont dans le privé, il faut accompagner cette tendance." En 2013, 60% des 266.221 chercheurs étaient employés dans le secteur privé.

L’inscription au RNCP est perçue par tous comme une première étape vers une reconnaissance plus générale. "Le RNCP n’est pas un but en soi, poursuit Christophe Bonnet. C’est la première étape pour négocier ensuite, dans les conventions collectives, la rémunération des docteurs qui rejoignent les entreprises. Le doctorat n’apparaît pas dans les conventions collectives, contrairement au titre d’ingénieur et au master 2."

Attention aux faux doctorats et ePhD

Pour Clément Courvoisier, il faudra surveiller de près l’évolution des fiches dans les années à venir. "Les 22 fiches devront évoluer en même temps, sans divergence, notamment dans la liste des compétences. Le ministère nous a rassurés là-dessus. Ensuite, nous voulons que le doctorat y soit clairement défini, comme il l’est dans le Code de l’éducation. Il existe des 'doctorates in business administration' ou encore des 'ePhD' qui essaient de passer pour des doctorats alors que le travail de recherche demandé n'est pas comparable." Plusieurs syndicats et associations aimeraient également que la reconnaissance du doctorat dans le secteur public s’accélère, avec l’ouverture des concours spécifiquement aux docteurs. "Par exemple, le concours d’administrateur civil est pour l’instant destiné aux énarques, regrette Clément Courvoisier, nous aimerions que les docteurs puissent y accéder."

Enfin, l’inscription au RNCP pose une dernière question : la VAE (validation des acquis de l’expérience). "À partir du moment où une formation est inscrite au RNCP, elle est éligible à la VAE, remarque Stéphane Leymarie, secrétaire général de Sup’Recheche UNSA. Cela suscite des oppositions fortes de la part des organisations de chercheurs. Par ailleurs, je suis membre de jury de VAE en gestion et je n’ai jamais vu de bac+5 obtenu en VAE. Ce sera plus compliqué encore pour un doctorat." Encore une fois, ce n’est qu’une première étape.


Qu’est-ce que le RNCP ?

Le RNCP est un registre établi par la Commission nationale de la certification professionnelle (ministère chargé de la Formation professionnelle) sur lequel figurent les fiches descriptives de chaque certification, titre ou diplôme ayant valeur nationale accessible par la voie de la formation initiale ou continue ou par la VAE. "Valeur nationale" signifie que l’État reconnaît que le titre/diplôme/certification prépare bien aux compétences attendues.
Autrement dit, si un employeur veut connaître la valeur d’un diplôme émis par un établissement figurant sur le CV d’un candidat, il se rend sur le RNCP et consulte la fiche du diplôme pour connaître les compétences associées. Et si le diplôme n’y figure pas, c’est qu’il n’est pas reconnu. Le doctorat n’y figurait pas… alors même qu’il est un diplôme d’État.

Jean Chabod-Serieis | Publié le