« E-learning : l’université française est-elle prête ? » : compte-rendu de la conférence d’Educpros sur le salon Educatec

Fabienne Guimont Publié le
Amphis de médecine bondés, enseignement à distance pour les 240 000 apprenants du CNED, niveaux hétérogènes des étudiants (amplifiés par les passerelles permises dans le LMD)… Comment les universités utilisent-elles les nouvelles technologies pour relever le défi de l’enseignement de masse ? Christophe Batier, responsable recherche et développement de Lyon 1, Serge Ravet, délégué général d’EifEL (Institut européen de E-learning), Laurent Batut, directeur de l’enseignement supérieur du CNED, Marcel Spector, directeur stratégie de l’UMVF (Université médicale virtuelle francophone) et Dominique Hasboun, neurologue et directeur adjoint de TICE-Med à l’UPMC en ont débattu, lors de la conférence sur le e-learning au salon Educatec, le 27 novembre 2008 à Paris.  

Si les technologies mises en œuvre sont variables d’un établissement à l’autre selon les moyens à leur disposition, tous les intervenants ont formulé le même constat préliminaire : les nouvelles technologies, environnement naturel des étudiants depuis leur naissance, obligent les enseignants à s’adapter aux modes de communication de ces digital natives pour faire passer leur pédagogie.

« Sociologiquement, les étudiants qui envoient 200 SMS par mois, qui sont toujours sur MSN et sur Facebook nous posent question », résume Christophe Batier. Marcel Spector renchérit : « Le choc culturel des nouvelles technologies ne fait que commencer en France. Nous avons une génération nouvelle d’étudiants mais pas encore celle des enseignants ».  

Les nouvelles technologies, moteur de la motivation des étudiants 

Pour les conférenciers, ces digital natives représentent un levier d’appui pour diffuser une pédagogie qui se sert des nouvelles technologies. Voire la clé, étant donné la motivation que suscitent ces nouveaux outils. « Il y a une interaction entre la technologie et la pédagogie. Aujourd’hui, on ne peut développer la pédagogie sans la technologie et parallèlement, ces nouveaux outils induisent aussi de nouveaux comportements », précise Dominique Hasboun.

Pour celui qui a inventé Distens - un logiciel permettant de rendre disponible aux étudiants l’ensemble des cours de médecine de deuxième et troisième années sur l’ENT de l’université -, ces technologies permettent de s’adapter au profil de l’étudiant. Avec son logiciel, l’étudiant peut ainsi depuis chez lui télécharger, podcaster, écouter en direct ou réutiliser une partie des cours archivés sur le serveur de l’université. « Le travail en asynchrone permet une grande souplesse pour les étudiants qui travaillent à côté de leurs études », appuie Christophe Batier.  

Retour à un « enseignement conversationnel » 

Faisant face également à des amphis d’étudiants en médecine peu propices à des pédagogies individualisées, l’université de Grenoble 1 a elle choisi de mettre ses cours magistraux sur DVD pour revenir à un « enseignement conversationnel » avec des petits groupes encadrés par des étudiants de troisième année. Pour Marcel Spector, « les universités sont au défi de gérer un enseignement de masse et ce sera encore plus le cas avec la formation tout au long de la vie. On ne peut l’affronter qu’en recourant au tutorat et à la formation par les pairs [des étudiants] ».

Amphis, wikis, wii

Plus entreprenants, certains enseignants innovent en surfant sur la vague des réseaux sociaux, comme à Lyon 1, forte d’une équipe au service des TICE de 40 personnes : forum de réponses aux questions des étudiants posées après un cours magistral en amphi, restitution de cours par des étudiants en créant un wiki, utilisation de manette Wii en cours de Staps sur l’anatomie, podcast de vidéos...

Laurent Batut a posé la problématique de son établissement comme inverse à celle des universités, avec des apprenants isolés. Pour préparer des oraux de concours, le CNED s’est tourné vers des jeux de rôles virtuels qui modélisent des situations où l’apprenant peut être orienté et corrigé. L’apprentissage de la calligraphie chinoise passe aujourd’hui par des interfaces graphiques permettant aux apprenants de tracer les idéogrammes avec la souris et de les comparer en les superposant sur des calques.  

Débats ouverts

Serge Ravet a volontiers fait le parallèle entre e-learning et la révolution permise par l’imprimerie. Dans cette course technologique, « l’instabilité a remplacé la stabilité et on est toujours en version Beta. La vrai compétence n’est plus d’apprendre à apprendre mais d’apprendre à transmettre », théorise-t-il. La place de l’enseignant est bel et bien en redéfinition dans ce système où ne sont toujours pas résolus les problèmes économiques et juridiques de droits d’auteurs, une fois les cours et contenus produits par les étudiants accessibles dans des espaces ouverts avec la mise en ligne. Le vaste débat sur la libre circulation des connaissances scientifiques n’est pas épuisé.

Fabienne Guimont | Publié le