Exclusivité. L’INRP entre dilution et dissolution

Fabienne Guimont Publié le
L’avenir de l’INRP (Institut national de la recherche pédagogique) est en train de se jouer ou de se rejouer. Deux rapports, celui du directeur de l’Institut et celui de l’AERES préconisent son rapprochement institutionnel avec l’ENS de Lyon.

Deux rapports réduisant la voilure de l’INRP sont tombés coup sur coup en juillet 2010. Le rapport de l’AERES recommande de « reconnaître et conforter l’identité de l’INRP, en liaison avec l’ENS de Lyon, en le dotant d’un statut qui lui donne l’autonomie nécessaire pour remplir l’ensemble de ses missions nationales et pour devenir pour le pays une tête de réseau en sciences de l’éducation». Une formulation qui laisse ouverte différentes formes d’intégration avec la menace d’une réduction sévère des missions de l’Institut.

Le rapport de l’AERES suggère aussi des suppressions de postes, mais parmi les personnels techniques et administratifs, dont les effectifs sont supérieurs à ceux de la recherche. « La gestion administrative pourrait vraisemblablement supporter, sans perte notable de qualité, une diminution modéré des effectifs, déjà largement initiée depuis quelques années », indique l’AERES dans son rapport. Autres mesures d’économies envisagées : développer davantage les contrats de recherche et réduire les publications papier. « Le montant (un million d’euros) de la délégation consentie par le CA au directeur » est par ailleurs jugé « élevé » par les rapporteurs.

Les enseignants détachés en ligne de mire

Dans son propre rapport, Jacques Moret, le directeur de l’INRP nommé il y a un an, propose lui aussi une « insertion au sein de l’ENS ». Celle-ci pourrait se faire « soit dans le cadre du contrat quadriennal de l’ENS de Lyon avec l’Etat, soit en direct avec la composante qu’il représentera au sein de l’ENSL ». Il préconise une "universitarisation" de l’Institut avec une tutelle unique, celle du ministère de l’Enseignement supérieur contre la double tutelle Education nationale-Enseignement supérieur actuelle.

Cette proposition se traduirait par la suppression de l’emploi des enseignants du secondaire détachés pour faire de la recherche, qu’il compte remplacer par 15 postes d’enseignants-chercheurs. L’INRP est actuellement composé de 230 personnels sur son budget propre, dont seulement un tiers pour la recherche. L’originalité de son réseau scientifique repose sur les quelque 800 « chercheurs associés », pour la plupart des professeurs du secondaire mis à disposition à temps partiel ou rémunérés sur des crédits d’heures supplémentaires.

L’Education nationale en pleine réévaluation

Sur un budget consolidé de 19 millions d’euros, l’INRP bénéficie d’une subvention de l’Etat de 13 millions d’euros qui assure l’essentiel de son fonctionnement. De quoi attiser, selon certains, des envies d’économies pour le ministère de l’Education nationale, en vue de la réduction des 16 000 postes en 2011.

Une idée qui n’est pas neuve. Un rapport d’audit de 2007 recommandait même la dissolution de l’INRP dans l’optique de la réduction du nombre de fonctionnaires (RGPP). Et l’institut de recherche, créé sur les fondations du Musée pédagogique par Jules Ferry et aujourd’hui installé à Lyon, Paris, Rouen et Marseille, est dans la ligne de mire de plusieurs rapports depuis plus de 15 ans. L’AERES suggère que l’INRP, après avoir été démembré en partie dans les années 1970, se rapproche de nouveau du CNDP et de l’ESEN, pour éviter des missions en doublon.

Cette restructuration intervient dans un contexte où la plupart des structures d’évaluation du système éducatif sont en sous-régime ou carrément sans direction, comme le relèvent les auteurs du précieux Atlas des fractures scolaires en France que publient les éditions Autrement. L’OVE (Observatoire de la vie étudiante ) est toujours sans président et le CIEP (Centre international d’études pédagogiques ) sans directeur, alors qu'il édite la Revue internationale d'éducation. L’IGEN (Inspection générale de l’Education nationale ), qui ne publie quasiment plus aucun rapport, pas même son rapport annuel l’an passé, a toujours pour doyen François Perret, dont le mandat expirait fin juillet. La DEPP (direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance ) quant à elle a vu la diffusion de ses publications largement réduite ces dernières années (ses Notes d’informations sont passées de 51 en 2007 à 18 en 2009). Pour leur part, les Cahiers pédagogiques se sentent menacés après la réduction de moitié de la subvention ministérielle à la rentrée.     

Ironie de l’histoire ? Luc Chatel avait remis en avant l’INRP, en avril 2010, en lui demandant d’organiser un séminaire sur « l’école et la nation » suite aux polémiques suscitées par le débat sur l’identité nationale. Une bouée avant le lâchage ?

Fabienne Guimont | Publié le