Financer sa thèse grâce au crowdfunding

Morgane Taquet Publié le
Financer sa thèse grâce aux dons ? C’est le pari tenté par Olga Turcan, chercheuse en linguistique à l’université de Strasbourg sur un site de "crowdfunding". Une expérience concluante.

"Saviez-vous que la langue française est la langue la plus enseignée dans le secondaire en Moldavie ?", interroge Olga Turcan, chercheuse en linguistique sur la page de présentation de sa thèse sur le site de financement participatif Indiegogo. Olga Turcan connaît bien le sujet, et pour cause, elle poursuit son doctorat depuis six ans au sein du laboratoire Linguistique, Langues et Parole à l'université de Strasbourg sur le rôle de la langue française en Moldavie, son pays d'origine.

"J'ai besoin d'être à 100% sur mon sujet"

A huit mois de la fin de sa thèse, la doctorante qui "entre dans une phase d'écriture intense" ne peut plus continuer à travailler en parallèle de ses recherches. De ce constat naît l'idée de proposer le financement de ses recherches sur la plate-forme internationale de crowdfunding Indiegogo. Avec la montée en puissance des réseaux sociaux, 450 plates-formes de financement participatif seraient en service à travers le monde. Et avec eux autant de financements que de type de projets : solidaires, artistiques, entrepreneuriaux, culturels, journalistiques, et maintenant de recherche. Près de 1,5 milliard de dollars (1,12 milliard d'euros) ont été levés en 2011, selon une étude publiée en mai 2012 par Crowdsourcing.org.

Pour trouver des financements, la doctorante dit pourtant "avoir frappé à toutes les portes", elle qui n'a jamais obtenu de bourses. "Depuis 2007, j'ai enchaîné les 'petits boulots'. Dans le domaine des sciences humaines, les bourses sont rares et l'information sur les différents types de financement est insuffisante", regrette-t-elle.

Déficit d'information sur les financements

Pour Olga Turcan, l'idée aura été payante : le projet a récolté 6.849 dollars (environ 4.600 euros), dépassant ainsi largement les 5.230 dollars demandés au départ. Les montants des dons s'échelonnent de un euro jusqu'à 500 euros. Les profils des donateurs, qui peuvent rester anonymes, sont très variés : "certains sont des doctorants qui donnent par solidarité, d'autres sont simplement passionnés par la Moldavie." Le financement participatif peut-il être une piste pour d'autres doctorants ? "Les dons ne doivent pas remplacer les financements publics. Je le conseille pour un besoin ponctuel tel qu'un déplacement sur le terrain de recherche, mais en aucun cas pour financer l'ensemble de la thèse", conseille-t-elle.

Alors, financer sa thèse par le biais du crowdfunding, une vraie tendance ? Pas vraiment selon Vincent Ricordeau, cofondateur du site de financement participatif lancé en 2009 KissKissBankBank : « le financement de projets de recherche reste très à la marge sur les plate-formes de crowdfunding. Chez KissKissBankBank, nous n'en avons que deux ou trois tout au plus ». Vincent Ricordeau explique ainsi que le financement des thèses s'inscrit davantage dans une logique de prêt que dans une logique de dons. Le prêt permet « de répondre à des problèmes ponctuels de trésorerie que rencontrent souvent les doctorants ». Il est également « plus impliquant pour celui qui en fait la demande. De ce fait, les sommes récoltées sont plus élevés », estime Vincent Ricordeau, qui vient d'ailleurs de lancer le site Hellomerci . Il propose des prêts sans intérêt entre particuliers sur lequel une vingtaine de projets sont d'ores et déjà présentés, dont le financement d'un mémoire de recherche.

Morgane Taquet | Publié le