Université Paris-Dauphine : jusqu'à 2.200 euros pour étudier en licence

Cécile Peltier Publié le
Université Paris-Dauphine : jusqu'à 2.200 euros pour étudier en licence
Le conseil d'administration de l'université a entériné, le 21 mars 2016, son plan de réforme du premier cycle. // ©  Marie-Anne Nourry - 2014
Paris-Dauphine poursuit sa stratégie de différenciation. Six ans après l'augmentation du prix de ses masters, modulé en fonction du revenu des familles, l'université étend la "progressivité" à ses licences d'éco-gestion à la rentrée 2016.

À partir de la rentrée 2016, les étudiants issus des familles les plus aisées devront débourser 2.200 euros pour intégrer l'une des quatre licences d'éco-gestion de Paris-Dauphine . Soit près de quatre fois plus qu'aujourd'hui.

Le conseil d'administration de l'université a entériné, le 21 mars 2016, son plan de réforme du premier cycle, et avec, la modularité des droits d'inscription des licences de sciences des organisations (économie-gestion).

Cette mesure, qui devrait progressivement concerner  les trois années de licence, s'inscrit dans le prolongement de la tarification "progressive" des masters, adoptée depuis 2010 par l'université. Son statut de "grand établissement" l'autorise à sélectionner les étudiants et à fixer librement le prix de ses diplômes "maison".

onze niveaux de tarification

Aujourd'hui, une année de licence à Dauphine coûte 530 euros (contre 184 euros dans une université classique), sauf pour les boursiers – 18% des étudiants selon l'université –, les étudiants en situation de handicap ou les réfugiés, exemptés de frais d'inscription.

La nouvelle grille compte 11 niveaux de tarification, s'échelonnant de zéro euro, pour les familles au revenus inférieurs à 40.000 euros bruts annuels, à 2.200 euros pour celles aux revenus supérieurs à 160.000 euros. Une "progressivité" qui rappelle la réforme des frais d'inscription introduite à Sciences po Paris au début des années 2000 (voir encadré).

La modularité des droits s'appliquera uniquement aux ménages dont le revenu fiscal de référence dépasse 60.000 euros annuels.

"La modularité des droits s'appliquera uniquement aux ménages dont le revenu fiscal de référence dépasse 60.000 euros annuels. Pour ceux dont le revenu est inférieur à ce seuil, les droits seront réduits par rapport à ce qu'ils étaient avant cette réforme", justifie Laurent Batsch, président de l'université dans un communiqué diffusé le 21 mars. 

En dessous de 40.000 euros de revenus par foyer, les étudiants seront exonérés de frais d'inscription. "Ainsi, des jeunes, qui ne sont pas boursiers de l'État et qui donc, actuellement, ne seraient pas exonérés, vont ainsi pouvoir bénéficier d'une exemption", ajoute Sabine Mage, vice-présidente de l'université en charge des formations et de la vie étudiante.

Les étudiants étrangers apparaissent comme les grands perdants de l'opération. Ils devront en effet régler 2.200 euros annuels,  quel que soit leur milieu social.

DéVELOPPER LES RESSOURCES PROPRES

Sur fond de raréfaction de la ressource publique, cette réforme doit permettre de "développer les ressources propres de l'établissement, et donc, de financer de nouvelles mesures", justifie l'université dans un communiqué. 

L'argent retiré de la nouvelle tarification doit permettre notamment d'accroître "l'internationalisation" du cursus à travers le développement des semestres délocalisés au sein d'établissements partenaires, des bourses de mobilité internationale financées sur le budget de l'université et non plus la Fondation-Dauphine, ou encore l'enseignement des langues étrangères.

Dauphine promet aussi la mise en place, dès la rentrée, d'un accompagnement personnalisé de tous les étudiants de L1 d'éco-gestion en matière de "soft skills", un autre ingrédient des écoles de management..."On va les faire travailler par petits groupes sur la prise de parole en public, le leadership, la manière de mettre en avant ses compétences, de préparer des entretiens de stage..." détaille Sabine Mage. 

Enfin, cette hausse des frais de scolarité doit accompagner le développement du programme Égalité des chances de Dauphine, avec un objectif de 10% d'une cohorte. 

PAS DE CHIFFRAGE PRECIS

Impossible toutefois de savoir précisément combien l'université compte retirer de cette réforme, ni combien elle entend affecter à chacun de ces postes de dépenses. "Nous ne connaissons pas la répartition précise des tranches de revenus de nos étudiants, et, a fortiori, de ceux qui vont s'inscrire l'année prochaine, poursuit Sabine Mage.

Un "flou" qui a le don d'agacer l'Unef. L'organisation étudiante s'oppose à la stratégie de Dauphine de développement des diplômes d'établissement, "qui remplace progressivement les dotations publiques par les contributions des étudiants et de leurs familles".

"Peu d'étudiants vont bénéficier d'une baisse des frais de scolarité, et au final la plupart vont payer davantage",
s'énerve Loukian Jacquet, représentant de l'Unef. Selon lui, "si l'on voulait faire de la justice sociale, il  fallait introduire une réelle progressivité, ce qui n'est pas le cas de la grille actuelle qui, en proportion, fait davantage contribuer les étudiants issus de milieux modestes que ceux de familles aisées. Mais aussi agir sur la sélection, qui est un peu opaque".

"Au final, la nouvelle tarification va contribuer à réduire la mixité sociale de Dauphine, déjà faible, ajoute Juba Ihaddaden, président de l'Unef Dauphine. 

"Le 8 février, lors du premier conseil de LSO (Licences sciences des organisations), tous les étudiants ont voté contre le projet, car il n' y avait aucune contrepartie. Mais depuis, nous avons obtenu de vraies avancées : une classe de langues à Londres, un meilleur suivi des étudiants, un élargissement de la carte des options…" énumère Maxence Bringuier, président de l'UNI Dauphine, dont l'organisation a dit "oui" lors du conseil d'administration.

Mais attention, prévient le représentant étudiant : "Nous serons attentifs à la concrétisation de ces promesses, et si ce n'est pas le cas, nous ne voterons pas l'extension des frais d'inscription aux L2 l'année prochaine."

Les licences de maths-info exclues de la réforme
Pour l'instant, concurrence oblige, les licences de maths et d'informatique de Dauphine échappent à la réforme des frais d'inscription. "Le département de maths-info a souhaité prendre le temps de la réflexion. L'écosystème n'est pas le même [qu'en éco-gestion], il y a des institutions concurrentes, avec des tarifs nationaux ou plus bas, comme les écoles d'ingénieurs", avance Sabine Mage, vice-présidente à la formation et à la vie associative en guise d'explication.

Les étudiants, qui représentent environ 200 étudiants sur les 900 étudiants de licence à Dauphine, continueront donc, pour l'instant, à débourser 530 euros en première et en deuxième année, et 184 euros en troisième année de licence.
Une réforme inspirée par Sciences po
La nouvelle tarification des licences d'éco-gestion de Dauphine reprend le principe des frais de scolarité modulés lancé par Sciences po Paris au début des années 2000. Si la philosophie est la même, les tarifs sont très différents. "À Sciences Po, les montants sont beaucoup plus élevés", précise Sabine Mage, vice-présidente de l'université en charge des formations et de la vie étudiante.

Sciences po compte 11 niveaux de droits différents calculés en fonction du foyer fiscal des parents, avec des frais allant de 0 euro à 10.150 euros par an pour le "Collège" – l'équivalent du cycle licence –, soit cinq fois plus que le prix maximal imposé par Dauphine.

Cécile Peltier | Publié le