Geneviève Fioraso (ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche) : "Le redéploiement des moyens entre universités aura lieu en dialogue avec les présidents"

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier et Camille Stromboni Publié le
Geneviève Fioraso (ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche) : "Le redéploiement des moyens entre universités aura lieu en dialogue avec les présidents"
Genevieve Fioraso // © 
A l'occasion de la conférence de rentrée de Geneviève Fioraso mardi 18 septembre 2012, EducPros remet en avant l'interview de la ministre, accordée fin août 2012. Allocation autonomie pour les étudiants, difficultés financières des universités, poursuite du Grand emprunt... Geneviève Fioraso fait le point pour EducPros sur les grands dossiers de l'enseignement supérieur et de la recherche, alors que la phase d'auditions a débuté dans le cadre des Assises de l'enseignement supérieur.

Le coût de la rentrée universitaire a augmenté de 2,6% à 3,7% selon les organisations étudiantes. Le logement pèse 45% de leur budget. Que comptez-vous faire ?

A la rentrée 2012, les bourses ont été revalorisées de 2,1%, soit environ 100 euros par an au dernier échelon. Un effort de l’Etat qui représente 35 millions d’euros. La vie étudiante fera l’objet d’un effort particulier dans le budget 2013, en particulier le logement. Nous allons tenir l’engagement de François Hollande de construire 40.000 logements étudiants d’ici 2017.  

Nous avons également nommé Roland Peylet, conseiller d’Etat, à la tête d’un groupe de travail qui vise à accélérer la mise en œuvre des plans Campus. En effet, 13 plans Campus ont été lancés il y a environ quatre ans mais aucun logement étudiant n’a encore vu le jour. La place des collectivités territoriales dans ces projets est à redéfinir. Jusqu’à présent, elles ont été appelées à contribuer financièrement mais elles ne sont pas dans les instances de gouvernance.

Vous avez annoncé une remise à plat des aides étudiantes et la mise en place d’une allocation autonomie. Quels en seront les contours ?

La remise à plat concerne toutes les aides accordées aux étudiants : les bourses, les aides au logement et la demi-part fiscal. Avec en ligne de mire la justice sociale, la démocratisation de l’enseignement supérieur et l’aide à l’autonomie des étudiants. Dans un contexte budgétaire contraint, cette allocation tiendra compte à la fois des revenus des parents et de l’autonomie réelle des étudiants.

La négociation avec les organisations étudiantes s’ouvrira après les Assises de l’enseignement supérieur et les élections au CNOUS afin de ne pas perturber ces deux processus. Pour gagner du temps, j’ai demandé à la DGESIP (Direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle) de faire des simulations. Nous souhaitons à tout prix éviter les effets d’aubaine liés à une éventuelle suppression de la demi-part fiscale par exemple. Des scénarios nous seront proposés d’ici deux mois. C’est sur cette base que nous discuterons avec les étudiants.

Vous avez dénoncé l'inefficacité du Plan licence. Pour quelles raisons ?

J'aurais évidemment préféré que les 730 millions d'euros du Plan licence produisent un résultat positif. Malheureusement, lorsqu’on regarde les indicateurs, ce n'est pas le cas. Par exemple le taux de passage de la première à la seconde année de licence universitaire est de 42%, soit en légère baisse.

Cela ne signifie pas pour autant que les universités n'ont rien fait de bien, au contraire. Beaucoup d'initiatives sont très intéressantes. Mais ce plan n'a été assorti d'aucun véritable cahier des charges et surtout d'une absence de suivi et d'accompagnement.

Quel type de mesures préconisez-vous alors pour lutter contre l'échec en premier cycle ?

Cela ne se décrète pas : l'accompagnement des universités dans cette mission est primordial. Nous voulons généraliser les expériences qui fonctionnent et surtout mettre toutes nos forces sur l'orientation. Les 5.000 postes prévus pour l'enseignement supérieur seront ciblés sur ce premier cycle, avec davantage de tutorat et d'accompagnement personnalisé des étudiants.

La réussite en licence se prépare dès le secondaire, avec un développement de la connaissance des métiers et des filières des lycéens. Nous travaillons avec Vincent Peillon sur cette question du continuum "-3/+3".

Vous aviez indiqué lors du lancement des Assises votre préoccupation quant à la situation financière des universités. Qu’en est-il à la veille de la rentrée ?

"Certaines universités disent «we want our money back», je leur réponds : «I have no money back». Cela ne veut pas dire que nous n’allons rien faire"

Un grand nombre d'universités ont vu leurs finances se dégrader. La moitié d'entre elles ne disposent plus du fonds de roulement prudentiel [un mois de masse salariale en réserve] en 2012, elles étaient une dizaine fin 2011. Onze universités accusent deux déficits consécutifs (en 2011 et 2012). Elles pourraient être 15 l'an prochain si la tendance se poursuit. Aucune université ne sera mise sous tutelle rectorale, cela n'a pas de sens. Nous allons accompagner les universités autonomes dans leurs projets, et les recteurs sont là aussi pour les aider.

Cette situation est liée à l'application de la loi LRU sans les transferts de moyens nécessaires, tandis que l'avalanche d'appels d'offres – notamment ceux des Investissements d'avenir – a fortement coûté en mobilisation et en moyens aux universités.

Vous avez indiqué que l’enveloppe budgétaire ne devrait pas augmenter en ces temps de crise. Comment comptez-vous mieux répartir le budget entre les universités ?

Certaines universités disent "we want our money back" , je leur réponds : "I have no money back". Cela ne veut pas dire que nous n’allons rien faire. La conduite du changement n'a pas été accompagnée jusqu’ici. C'est d'abord cela que nous allons rattraper, en mettant à la disposition des universités une véritable ingénierie et un accompagnement. Il faut notamment généraliser la comptabilité analytique dans les universités.

Concernant les aspects budgétaires, nous allons opérer des péréquations, afin de répartir au mieux les moyens entre universités. Ce redéploiement aura lieu en dialogue avec les présidents d'université. Les contrats entre l'Etat et chacune des universités, avec engagement de part et d'autre, auront désormais toute leur place.

Les dotations acquises par les lauréats du Grand emprunt sont-elles gravées dans le marbre ?

François Hollande s'est engagé à accélérer la mise en œuvre des Investissements d'avenir. C'est ce que nous faisons, par exemple avec les IRT (Instituts de recherche technologique) : faire démarrer des projets qui ont été annoncés, bloqués jusqu'ici par des procédures très complexes. L'engagement de l'Etat sera respecté pour ces projets qui répondent à l'intérêt général et pour lesquels les équipes se sont très fortement investies.

Dans certains cas par contre, un recalibrage est nécessaire. Nous allons essayer de débloquer certains projets en panne. Nous n'allons pas en revanche contraindre des établissements à se marier s'ils ne le souhaitent pas, d'autant plus si cela ne correspond pas à une politique de site soutenue par les collectivités territoriales. Avoir fait signer des conventions entre les deux tours de l’élection présidentielle n’avait d’ailleurs aucun sens.

Envisagez-vous de lancer de nouveaux appels d'offres afin que les établissements pour l'instant perdants ne le restent pas ad vitam aeternam ?

Non. Nous accompagnerons chaque établissement avec son projet. Nous n'aurions pas fait les Idex de la même manière, avec cet esprit de compétition. Ces sites auraient dû être distingués pour être des têtes de réseau. Nous voulons aussi leur permettre de développer leur travail avec l'Europe, qui constitue la bonne échelle pour atteindre la masse critique nécessaire.

Lire aussi l'interview de Geneviève Fioraso sur letudiant.fr : "Nous allons mettre toutes nos forces sur l’orientation"

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- L'interview de Geneviève Fioraso sur L'Express.fr : Geneviève Fioraso: "20 à 25% des universités démarreront 2013 avec une trésorerie négative"
- L'interview de Geneviève Fioraso dans Le Monde : "Aucune université ne sera mise sous tutelle financière", assure la ministre de l'enseignement supérieur

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(Propos publiés le 27 août 2012)

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier et Camille Stromboni | Publié le