Jean-Loup Salzmann (président de la commission moyens à la CPU) : «Les universités préviennent en amont le gouvernement : we want our money back !»

Propos recueillis par Fabienne Guimont Publié le
Alors que le projet de loi de finances rectificative est en discussion au Parlement jusqu'à la mi-juillet 2012, et avant que ne s’ouvre celle sur le projet de loi de finances 2013, les présidents d’université mettent la pression sur le gouvernement. Président de l’université Paris-Nord et nouveau président de la commission des moyens à la CPU, Jean-Loup Salzmann revient pour EducPros sur les difficultés budgétaires de nombreux établissements .

Dans quelle situation financière se trouvent les universités aujourd’hui ?

En 2011, 10% des universités ont été concernées par la tutelle rectorale en raison de déficits budgétaires. Pour 2012, le chiffre avancé par la presse d’un quart des universités en situation de grave déficit me paraît plausible et pourrait être le nombre d’universités mises sous tutelle.

À combien estimez-vous ces déficits ?

Comme la Cour des comptes , la CPU chiffre à 120 millions d’euros la sous-budgétisation des bourses dans le budget 2012 de l’enseignement supérieur et de la recherche. Sur ce montant, les universités subissent un manque à gagner de 7 à 8 millions d’euros, notamment avec l’élargissement des bourses à taux zéro.

"Sur le programme Formations supérieures et recherche universitaire, il manque 115 millions d’euros pour les universités"

Au-delà de ce manque à gagner dans le programme 231 [vie étudiante], les universités subissent, dans le programme budgétaire 150 [formations supérieures et recherche universitaire] un manque de 45 millions d’euros dans le financement de leur masse salariale en raison d’une mauvaise évaluation du GVT [glissement-vieillesse-technicité : augmentation mécanique liée à l’ancienneté des personnels]. S’y ajoute le gel de 70 millions d’euros de crédits votés par le Parlement comme réserve de précaution pour 2012. Sur le programme Formations supérieures et recherche universitaire, il manque donc 115 millions d’euros pour les universités. La solution de la Cour des comptes indiquant que les universités doivent placer leur argent n’est pas opérante puisqu’elles n’ont le droit de placer que leurs fonds propres [soit 10% de leurs financements, NDLR] à un taux maximal de 0,16%, en-deçà de l’inflation.

Quelles sont les universités le plus en difficulté ?


Toutes les universités ont des problèmes de financement. D’abord pour financer leur masse salariale : cela concerne la majorité des établissements, ce qui veut dire que l’État a mal calculé. Il y a une sous-évaluation du GVT. On estime à deux tiers le nombre d’universités avec un GVT positif, notamment les universités dont les personnels sont jeunes. A contrario, celles qui ont beaucoup de fins de carrière peuvent remplacer les départs en retraite par des personnels plus jeunes et alléger leur masse salariale. Les 45 millions d’euros de déficit sur la masse salariale ne peuvent être compensés de manière uniforme entre établissements.

Le problème de financement vient également de l’arrêt de l’allocation des moyens aux universités selon le système Sympa depuis deux ans. Les budgets sont reconduits comme les années précédentes sans faire fonctionner ces règles, ce qui pénalise particulièrement les universités de sciences humaines et sociales.

Enfin, il faut relancer les financements immobiliers : depuis le plan de relance, les crédits de mise en sécurité des bâtiments ont été taris, passant de 100-200 millions annuels à 10 millions d’euros. Les universités rabotent donc sur les financements de mise en sécurité des bâtiments, sur les heures complémentaires, voire sur le gel de postes.

Et l'année prochaine, il faut s'attendre à payer le gaz pour le chauffage 10% de plus. A Paris 13, une journée de chauffage coûte 10 000€...

Les universités qui ont bénéficié des Investissements d’avenir sont-elles avantagées ?

"Les Investissements d’avenir, c’est comme si vous aviez des problèmes de fins de mois et qu’on vous octroie de l’argent pour
acheter une voiture."

Les Investissements d’avenir sont des crédits fléchés. C’est comme si vous aviez des problèmes de fins de mois et qu’on vous octroie de l’argent pour acheter une voiture. Vous êtes content d’avoir une voiture, mais vous avez toujours des difficultés alimentaires. Paris 7 a eu un Idex, mais gèle des postes depuis deux ans par exemple. Les universités de recherche intensive ont par ailleurs vu leurs crédits aux laboratoires baisser avec les réductions de financement du CNRS ou de l’INSERM.

Vous mettez la pression sur le gouvernement…


On prévient très en amont le gouvernement : «We want our money back !» L’enseignement supérieur et la recherche représentent le seul investissement corrélé directement à la relance économique.

Propos recueillis par Fabienne Guimont | Publié le