Sélection : l'Unef dénonce une université à deux vitesses

Aurore Abdoul-Maninroudine, Infographie : Etienne Gless Publié le
Sélection : l'Unef dénonce une université à deux vitesses
L'université Paris-Sorbonne est, selon l'enquête de l'Unef, celle qui compte le plus de filières sélectives. // ©  Camille Stromboni
Quatre universités sur cinq sélectionneraient de manière illégale à l'entrée de la licence, selon l'enquête annuelle de l'Unef, publiée jeudi 19 juillet 2016. Le syndicat étudiant relance ainsi un débat qui perdure, année après année.

"Sélection sur dossier, entretiens d'évaluation, demande de prérequis, développement de parcours sélectifs"... Les "pratiques illégales" des universités à l'entrée de la licence sont monnaie courante, dénonce l'Unef dans son enquête annuelle, publiée le 19 juillet 2016.

Le syndicat étudiant dresse le bilan de la situation dans l'Hexagone, enjoignant le gouvernement à mettre fin à ce qu'il qualifie de "scandale".

QUATRE universités sur CINQ accusées de sélection "illégale"

Avec 60 universités utilisant ces méthodes pour au moins une de leurs filières, ce sont quatre universités sur cinq qui seraient dans l'illégalité, selon l'Unef. L'organisation pointe également le fait que quinze universités concentrent 200 filières sélectives sur 336 à l'échelle nationale.

Parmi ces quinze universités, la moitié est en Île-de-France : l'université Paris 4 Paris-Sorbonne est en pole position avec 33 filières sélectives, suivie par l'université Paris-Diderot (18 filières) et par l'université Paris-Est-Créteil (17 filières). En région, les universités de Nantes, Savoie-Mont-Blanc ou Valenciennes arrivent respectivement aux cinquième et sixième places.

Face à ce constat, l'Unef dénonce "une université à deux vitesses" avec "des formations d'élite bénéficiant de taux d'encadrement et de nombre d'heures de cours élevé par rapport aux autres filières".

Moins de 4 % d'étudiants entrant en licence concernés

Face au constat dressé par l'Unef, le ministère confirme que la mise en place de prérequis pour une inscription en licence de langue ou l'obligation faite aux étudiants d'être issus de telle ou telle filière au baccalauréat "ne sont pas normales". Il demande donc "aux recteurs de veiller à ce que les règles soient respectées".

Il rappelle également que des parcours sélectifs autorisés existent mais qu'ils concernent "moins de 4 % des étudiants entrant en licence". Il s'agit des CMI (cursus master en ingénierie), de parcours d'excellence en droit, de parcours internationaux en échange avec une université étrangère, ou encore de doubles licences.

Enfin, certains exemples cités par l'enquête de l'Unef sont contestés par l'entourage de Najat Vallaud-Belkacem : à l'université de Limoges, mentionnée pour la diminution des capacités d'accueil, les trois quarts des licences sont ouvertes en procédure complémentaire, faute d'être remplies, tient à préciser le ministère.

la sélection, pour attirer les meilleurs bacheliers

Paris-Sorbonne conteste également le nombre de filières sélectives que l'Unef lui attribue. Alain Tallon, vice-président pour la formation et la scolarité de l'université, assume pleinement l'existence de 22 formations sélectives à l'entrée de la licence, contre 33 évoquées par l'enquête Unef, "une liste qui n'a rien de secret et qui permet d'offrir des cursus exigeants à de très bons étudiants".

Car c'est bien de cela dont il s'agit en creux : comment l'université peut-elle attirer les meilleurs bacheliers face à la concurrence des prépas et écoles ? "Nous en avons plus qu'assez de l'hypocrisie du système français qui permet à certains de sélectionner et pas à d'autres", martèle-t-il. D'autant plus que les pré-requis relèvent souvent "du bon sens" : "exiger un niveau minimum en anglais pour une licence 'Histoire et anglais' n'est pas aberrant", argumente Alain Tallon.

LA CPU regrette de ne pas pouvoir orienter les étudiants

De son côté, la CPU, par la voix de son président Jean-Loup Salzmann, estime que "l'Unef entretient volontairement la confusion" entre inscription en licence et inscription dans un parcours spécifique : "Il est tout à fait légal de demander des prérequis à des étudiants souhaitant s’inscrire dans un parcours particulier tel que les bi-licences", assure ce dernier.

"À partir du moment où l'étudiant obtient une place dans le parcours dit 'général' de la licence, la sélection à l'entrée de certains parcours n'est pas illégale", poursuit le président de la CPU. Avant de rappeler que "tous les parcours proposés sur la plate-forme APB ont été validés par le rectorat". "Les universités veillent à respecter l'esprit et la lettre des textes même si nous regrettons de ne pas pouvoir orienter nos étudiants", conclut-il.

Il est tout à fait légal de demander des prérequis à des étudiants souhaitant s’inscrire dans un parcours particulier tel que les bi-licences.
(J.-L. Salzmann)

Tirage au sort Dans 37 universités

Dans son enquête, l'Unef dénonce également la pratique du tirage au sort comme mode de sélection des étudiants. L'organisation recense 32 formations qui y ont eu recours cette année. Les Staps sont particulièrement touchées avec 22.000 places disponibles pour 29.000 premiers vœux émis.

Le syndicat répertorie ainsi 37 universités qui déclarent avoir au moins une filière sous tension. L'écart entre les capacités d'accueil et les demandes est particulièrement fort à l'université Lyon 2, où "près de 47 % des filières ont reçu plus de demandes en premier vœu que de places disponibles, constate le syndicat. Au total, 30 % des étudiants ayant choisi une formation de l'université en premier vœu se verront refuser l'accès à la filière de leur choix."

Aurore Abdoul-Maninroudine, Infographie : Etienne Gless | Publié le