Sylvie Faucheux : « Le modèle idéal de Saclay est celui d’une université confédérale »

Sophie Blitman Publié le
Sylvie Faucheux : « Le modèle idéal de Saclay est celui d’une université confédérale »
Sylvie FAUCHEUX - Crédit : université de Versailles-Saint-Quentin Communication // © 
Membre du PRES (pôle de recherche et d’enseignement supérieur) UniverSud, l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) fait aussi partie des 23 acteurs du plateau de Saclay. Et s’apprête à créer un autre PRES avec l’université de Cergy-Pontoise. Présidente de l’UVSQ depuis 2002, Sylvie Faucheux explique la stratégie d’alliances qu’elle mène en Île-de-France.

Créé en 2007, le PRES UniverSud est peu actif en ce moment, tandis que le campus de Saclay fait partie des priorités du gouvernement. Comment vous situez-vous au sein de chacun de ces groupements ?


« Le campus de Saclay a pris le pas sur le PRES UniverSud »

Aujourd’hui, le campus de Saclay a pris le pas sur le PRES UniverSud. Il faut dire que Paris-Sud 11 n’a pas vraiment souhaité opérer de rapprochements au sein du PRES, alors que Saclay a offert davantage d’opportunités.

De notre côté, nous avons toujours dit vouloir aller très loin dans la mutualisation : nous avons notamment apporté au PRES la chaire industrielle internationale « Generating eco-innovation » et nous avions aussi proposé le rapprochement de notre faculté de médecine avec celle de Paris-Sud 11. Nous, nous avons toujours cru au PRES, mais, de fait, Paris-Sud 11 a souhaité moins mutualiser. Et force est de constater que, lors de l’appel du plan Campus, le PRES n’a pas pu déposer de projet commun. Puis la fondation de coopération scientifique (FCS) de Saclay est née, et nous y sommes complètement associés.

Pour autant, vous ne souhaitez pas déménager sur le plateau de Saclay…

En effet, pour plusieurs raisons : tout d’abord, nous ne sommes pas si loin, nous avons de beaux bâtiments au milieu de la ville et il n’y a pas de nécessité, ne serait-ce que du point de vue du contribuable, de construire des bâtiments supplémentaires. Sans compter qu’en déménageant, nous nous couperions de notre bassin de recrutement naturel, ainsi que de nos partenaires du monde socio-économique avec lesquels nous entretenons des liens très forts. Mais cela ne nous empêche pas d’être malgré tout dans l’Opération d’intérêt national (OIN) de Saclay pour trois de nos sites : Saint-Quentin, Versailles et Vélizy.

Par ailleurs, nous avons la particularité d’être une université pluridisciplinaire avec la santé, alors que les projets du campus de Saclay concernent exclusivement les sciences dures. La médecine, le droit, les sciences politiques et, plus largement, les sciences humaines et sociales ne font pas partie des priorités. C’est un peu dommage. Certes, il faut bien commencer quelque part, mais nous avions collectivement la maturité pour travailler sur des projets dans d’autres domaines.

Le campus de Saclay souffre de problèmes de gouvernance. Quel modèle défendez-vous ?


« Aujourd’hui, évidemment la gouvernance de Saclay est boiteuse car il s’agit du plus petit dénominateur commun entre tous les acteurs »

Quand on s’engage dans un grand projet national comme celui-là, il faut vraiment avoir une vision ambitieuse partagée. Ce ne sont plus nos egos individuels qui comptent. Or, on s’aperçoit au fil des réunions que chacun défend son pré carré, veut conserver son identité, ses spécificités. Jusqu’à présent, la gouvernance de Saclay était insatisfaisante car il s’agissait du plus petit dénominateur commun entre tous les acteurs. Espérons que l’élection d’un nouveau président et la désignation par le Premier ministre d’un chargé de mission amélioreront les choses.

Selon moi, le modèle idéal de Saclay est celui d’une université confédérale, ce qui suppose la volonté d’aller assez loin dans l’intégration… On n’en est plus à défendre sa marque, son université, mais l’enseignement supérieur français et le positionnement de son pays au niveau international. Cependant, je reste assez optimiste. On aura perdu beaucoup de temps, mais, pendant que les directeurs tiennent des réunions, les chercheurs travaillent déjà ensemble. À terme, on y arrivera.

Est-ce que ce sont ces insatisfactions au sein des deux alliances qui vous ont amenée à vous tourner vers l’université de Cergy-Pontoise (UCP) pour créer un autre PRES ?

Il existait déjà des collaborations entre nos deux établissements et nous nous retrouvons avec Cergy dans une autre OIN : celle de Seine aval, un pôle technologique avec un bassin de recrutement spécifique dans les Yvelines Nord.

De plus, nous partageons une dynamique que n’ont peut-être pas les universités plus anciennes, liée notamment à une ouverture sur le monde socio-économique, un système de gouvernance réactif : il n’y a pas ce corporatisme qui peut exister ailleurs, ni une autonomie totale de certaines composantes. N’ayant pas le même statut que les autres universités, l’UVSQ avait un fonctionnement plus centralisé qu’elle a conservé par la suite, et je dois dire que, pour nous, l’autonomie [acquise le 1er janvier 2010, NDLR] n’a pas changé le fonctionnement de l’université, tout en nous donnant beaucoup plus de marges de manœuvre.
Fruit du rapprochement avec Cergy, notre projet commun Patrima [Patrimoines matériels : savoirs, conservation, transmission] a été labellisé laboratoire d’excellence et nous travaillons sur d’autres projets pour la seconde vague des Labex. Par ailleurs, nos IUT forment un collégium, et nous avons aussi un projet d’IEP pour la rentrée 2012, qui pourrait être installé à Saint-Germain-en-Laye, à mi-chemin de nos deux universités.

Quel est le calendrier de la mise en marche de ce PRES ?


« Nous souhaitons que les statuts du PRES avec Cergy soient validés à l’automne 2011 »

Nous souhaitons que les statuts du PRES soient validés à l’automne 2011. À terme, la vocation de ce PRES est d’intégrer d’autres membres. Nous espérons que des organismes de recherche, des écoles d’art et d’ingénieurs nous rejoindront.

Sur le fond, nous avons des projets ambitieux au niveau international : nous voulons créer des formations, notamment des doctorats exécutifs, et des instituts de recherche internationaux. Nous souhaiterions aussi mutualiser la formation continue et nos cursus en alternance.

N’avez-vous pas peur que votre rapprochement avec l’UCP nuise à vos relations avec vos partenaires de Saclay ?

Certaines écoles, plus petites que mon université, sont à la fois sur Paris-Est, Paris intra-muros et Saclay. Créer d’autres alliances n’empiète pas sur les financements pour Saclay. Et l’on ne va pas attendre que le campus de Saclay ait trouvé sa forme institutionnelle pour avancer ! Cela permettra même peut-être de lancer la réorganisation du paysage universitaire sur ce territoire…

L’UVSQ fête cette année son 20 sup>e anniversaire. Comment l’imaginez-vous dans vingt ans ?

L’UVSQ n’aura sûrement plus la même forme. Elle jouera toujours un rôle important sur son territoire, mais fera partie d’un grand ensemble confédéral qu’elle aura fortement contribué à construire… en ayant peut-être un peu rempli le rôle de trublion du Sud-Ouest francilien !

Sophie Blitman | Publié le