D'un pays d'Europe à l'autre, les cas de fusions ou de rapprochements universitaires sont en hausse et prennent des formes très variées. Le nouveau rapport de l'EUA (European University Association) sur la question, rendu public le 24 avril 2015, s'est intéressé à leurs caractéristiques, leurs motivations, autant qu'aux facteurs de réussite. "Un ensemble d'analyses qu’il est possible de transférer aux grandes écoles françaises", note Enora Pruvot, responsable de programme à l'EUA.
Le mirage des économies d'échelle
Parmi les motivations citées par les responsables d'établissement, certaines reviennent régulièrement : améliorer la qualité de l'offre académique et de la recherche, consolider le système, renforcer sa position dans sa région pour être mieux identifié à l'international ou encore réaliser des économies d'échelle. "Mais les combinaisons de motivations sont aussi nombreuses qu'il y a de fusions", décrit Enora Pruvot, qui a participé à l'élaboration du rapport.
Concernant l'ambition de réduire les coûts budgétaires, la représentante de l'EUA est formelle : "Il faut mettre en garde les décideurs publics et les parties prenantes qu'il n'est pas opportun de motiver une fusion pour faire des économies. C'est rarement le cas, du moins à court terme. Et une fusion engrange des coûts importants liés à la transition et à la nouvelle structure." Une vision que confirment régulièrement les universitaires français, de Bordeaux à Marseille.
De l'importance de l'évaluation
Le rapport pointe en outre la faiblesse des évaluations effectuées dans les universités, que ce soit avant ou après l'achèvement de la fusion. "Elles sont souvent réalisées assez sommairement, alerte Enora Pruvot, alors même qu'une étude sur les ressources nécessaires ou encore sur les objectifs visés est indispensable."
Elle cite en exemple le Danemark, qui a effectué un audit systématique des établissements après une grande vague de fusions à l'échelle nationale en 2007. De 12 universités, le pays était passé à 8, dans une démarche de consolidation du système d'enseignement supérieur, impulsée par les pouvoirs publics.
Trouver un modèle propre
L'EUA souligne enfin que le modèle de fusion clé en main n'existe pas. "Chaque regroupement doit trouver son modèle propre", indique la responsable de programme. L'EUA a étudié des cas de regroupements dans 23 pays d'Europe.
L'université d'Anvers, en Flandres, forme ainsi le cœur d'un réseau qui a intégré d’autres établissements autour d’une "marque" commune, celle de la maison mère. Elle est elle-même le résultat d’une fusion de trois établissements complémentaires en 2003. L'université Ramon Llull, en Espagne, est un modèle de fédération, dans lequel des établissements se sont rapprochés sans fusionner. Tandis qu'en Angleterre, les fusions ont lieu de manière indépendante et isolée, dans la perspective d'unir à long terme les forces des établissements concernés.
L'EUA lance un outil de benchmark
Le manque d'informations comparatives sur le sujet étant souvent un obstacle pour les équipes impliquées dans les processus de fusion, l'EUA a prévu d'exploiter les résultats de son rapport pour lancer un outil de benchmark à la rentrée 2015-2016.
"L'idée est de permettre aux parties prenantes d'identifier, grâce à un système de filtres, les cas de fusion qui se rapprochent des leurs pour éventuellement les contacter", indique Enora Pruvot. Et ainsi de faire circuler les bonnes pratiques à l'échelle européenne.
La fusion de référence, connue pour avoir été menée avec succès, selon Enora Pruvot, responsable de programme à l'EUA, est l'université d'Aalto, en Finlande. Celle-ci a intégré l'université technologique, l'école de commerce et l'école d'art et de design d'Helsinki dans une structure commune, sous une nouvelle marque. Imaginée en 2007, l'université d'Aalto a ouvert ses portes en 2010. Deux années de grands changements ont suivi, avant une stabilisation en 2013.
"Plusieurs éléments ont participé au succès de cette fusion, ce qui ne veut pas dire qu'ils sont valables pour tous les modèles de fusion", prévient la représentante de l'EUA :
1. Motivation des équipes dirigeantes qui a trouvé un écho auprès des décideurs politiques.
2. Conjonction favorable du cadre réglementaire : la fusion a coïncidé avec la grande réforme des universités en Finlande, qui a permis aux établissements d'évoluer facilement vers un statut plus flexible.
3. Engagement des décideurs publics qui ont fourni des financements importants.
4. Renouvellement des équipes dirigeantes après la fusion. Il a été estimé judicieux de faire venir quelques personnes extérieures au secteur de l'enseignement supérieur, qui ont apporté une vision nouvelle.
5. Refonte de la structure pour remodeler les départements et ne pas garder les trois entités d'origine telles quelles.
6. Communication en continu envers les personnels pour les associer au changement, tout en les préservant afin qu'ils puissent mener à bien leurs missions.
Consulter le rapport de l'EUA : "University mergers in Europe"