Vos droits : formations, examens et diplômes. Les risques de confusion dans les diplômes d’université

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Nouveau rendez-vous « Vos droits : formations, examens et diplômes », en partenariat avec Yves Le Duc. Juriste spécialisé en droit de la consommation, droit de l'action sociale et droit scolaire, il a enseigné à l'université de Brest. Auteur de Diplômes et formations, guide juridique et pratique (éd. Le Puits fleuri), Yves Le Duc anime deux blogs sur des cas de jurisprudence relatifs à l'éducation. Le cas décrypté cette semaine pour EducPros : les risques de confusion dans les diplômes d’université.

Le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a refusé à un professionnel de reconnaître son diplôme universitaire d’ostéopathie et d’occlusodontie délivré par l’université Lille 2 (décision rendue le 22 juillet 2009).

Le motif de cette décision rendue était le risque de confusion par les patients entre ce diplôme qui n’a pas pour objet de permettre l’exercice de la profession d’ostéopathe et le diplôme d’osthéopathe.
Dans un jugement rendu le 19 octobre 2011, le Conseil d’État, saisi par le professionnel, a approuvé la décision du Conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes.

On ne peut qu’être satisfait par cette position qui semble témoigner d’une plus grande vigilance des juges à l’égard des dérapages commis par certaines universités dans le choix des appellations de leurs diplômes d’université.

La libre création des diplômes d’université


Rappelons que les universités ont toute liberté pour organiser des formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres (cf. art. L 613-2 du Code de l’éducation). La différence entre ces diplômes et les diplômes nationaux est qu’ils n’ont pas la même valeur juridique.

Les diplômes nationaux sont reconnus par toutes les universités, tandis que les diplômes d’université n’ont de valeur juridique que pour l’établissement qui les délivre. L’État, quant à lui, n’exerce aucun contrôle sur la création de ces diplômes qui, contrairement aux diplômes du premier cycle de l’enseignement supérieur, peuvent donner lieu à une sélection des étudiants et au paiement de droits d’inscription non réglementés et donc plus élevés.


Quelle appellation pour les diplômes d’université ?


S’il est légitime pour les universités de revendiquer une liberté pleine et entière pour construire leurs propres diplômes, encore faut-il pouvoir les différencier des diplômes nationaux.

Un rappel s’impose à ce propos. Aucun diplôme d’université ne doit comporter l’appellation licence, master ou doctorat : «Seuls les diplômes nationaux peuvent porter le nom de baccalauréat, de licence, de master ou de doctorat» (cf. art. 3 du décret du 8 avril 2002 relatif aux grades et titres universitaires et aux diplômes nationaux). Et, pourtant, des universités n’ont pas hésite à utiliser les termes de licence ou de master pour qualifier leurs diplômes propres.

Dans un premier temps, les juges semblent avoir fait preuve d’une certaine complaisance avec les établissements, accusant les étudiants de manque de discernement au moment où ils s’inscrivent dans les cursus universitaires. En témoigne par exemple l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 23 octobre 2007. Dans cet arrêt, les juges partagent la responsabilité du défaut d’information entre l’université Marseille 3 et un étudiant qui avait préparé un master in European business law, lequel master s’est avéré être un diplôme propre de l’université et non un diplôme national de master.

Avec la récente décision du 19 octobre 2011, il semble que le Conseil d’État soit désormais plus enclin à appliquer aux diplômes les règles de la publicité trompeuse, ainsi que le prévoit très explicitement le Code de l’éducation (cf. art. L 471-3 et L 761-1).

Une spécialité partagée

On ne peut que s’en féliciter. L’imitation frauduleuse des diplômes nationaux n’est d’ailleurs pas une spécificité française, ainsi que l’a démontré récemment le scandale survenu à l’université de Vérone en septembre 2011, où plusieurs centaines d’étudiants ont payé très cher un diplôme dépourvu de toute reconnaissance et de toute valeur. Le temps est donc sans doute venu de mieux réguler l’offre des établissements d’enseignement. Et cette régulation passe d’abord par un contrôle renforcé sur l’appellation des diplômes qu’ils délivrent.

Arrêt du Conseil d’État du 19 octobre 2011

D'autres cas décryptés par Yves Le Duc sur droitdesexamens.blogspot.com et droitdesdiplomes.blogspot.com .

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