Les masters recherche à l'université sont-ils amenés à disparaître ?

Delphine Dauvergne Publié le
Les masters recherche à l'université sont-ils amenés à disparaître ?
Un amphi de sciences humaines à l'université Rennes 2 // © 
Face à la concurrence des masters professionnels, qui ont tendance à éclipser les masters recherche, les universités choisissent de plus en plus de mettre en place des masters indifférenciés, avec des mutualisations de cours.

"La distinction obligatoire entre les masters recherche et les masters professionnels n’a jamais vraiment existé", rappelle Jean-Michel Jolion, ancien président du comité de suivi du master. Depuis 2006, avec l’abrogation de l’arrêté du 25 avril 2002 relatif aux études doctorales, le "master recherche" n’a plus aucun fondement réglementaire. En effet, toute la partie décrivant ses spécificités n’a pas été reprise par la suite.

Le conseiller Formations du supérieur et orientation auprès de Geneviève Fioraso reconnaît que "s’il existait bien un concept de ‘finalité recherche ou professionnelle’, il n’y a jamais eu qu’un seul diplôme national de master".

Vers des masters indifférenciés…

Le nouveau cadre national des diplômes, fixé dans un arrêté de janvier 2014, continue d’aller dans le sens d’une indifférenciation des diplômes de master. Il impose ainsi à tous, même à ceux proposant un parcours professionnel, "une activité de recherche pouvant être présente sous plusieurs formes". Et de manière plus ou moins approfondie. Car si certains étudiants doivent rédiger un mémoire, d'autres présentent des travaux de moindre ampleur, un dossier d'une dizaine de pages ou un rapport de stage amélioré, qui ne s'apparentent que de loin à un véritable travail de recherche.

L'intégration de l'aspect professionnalisant dans les masters recherche est en revanche plus marquée. Avec le nouveau cadre, les "parcours types particulièrement orientés vers les métiers de la recherche" se voient en effet obligés d’intégrer "les aspects socio-économiques liés à leurs thématiques, facilitant ainsi l'ouverture des études doctorales vers les mondes non académiques". En particulier, les étudiants doivent acquérir "une ou plusieurs expériences en milieu professionnel notamment sous la forme de stages".

… à la demande des établissements et des recruteurs

Pour Jean-Michel Jolion, ce nouveau cadre national permet de réaffirmer, d'une part "l’existence d’un seul diplôme national de master", d'autre part la "vocation professionnelle" de tous ces diplômes. La recherche étant une possibilité parmi d'autres.

Le texte entérine ainsi un mouvement engagé par les établissements qui, "depuis plusieurs années, demandaient de moins en moins un affichage des finalités recherche ou professionnelle", observe l’ancien directeur de service à la DGESIP (Direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle).

C'est le cas notamment à Paris 2, où la seule distinction réside dans le fait de devoir rédiger un mémoire de recherche ou d'effectuer obligatoirement un stage. Mais "les étudiants qui ont choisi le parcours recherche sont encouragés à effectuer des stages, nous avons d’ailleurs rallongé leurs vacances d’été dans ce but", souligne Martine Lombard, directrice du département Universités-entreprises à Paris 2.

L'établissement s'attache depuis cinq ans à homogénéiser les parcours, en raison notamment des demandes des recruteurs. "Les stages sont un atout et compensent l’approche théorique exigée par les masters recherche", estime Laurent Deruy, avocat associé au cabinet Gide, qui recrute régulièrement des diplômés en master de droit. Et de constater que "pendant longtemps, les meilleurs étudiants optaient pour un DEA, équivalent de l'actuel master recherche. Mais progressivement, des masters professionnels de grande qualité et très sélectifs ont été créés, inversant parfois la tendance".

Engouement pour les masters pro

À Rennes 2, l'indifférenciation pratiquée depuis quelques années a "permis de mettre en place des mutualisations entre différents parcours et d’ajouter un petit versant professionnel dans des formations initialement construites pour aller seulement vers un doctorat", souligne Marc Gimonet, vice-président chargé des relations avec le monde socio-économique.

Ici, seule la "finalité professionnelle" est mentionnée pour certains masters. Un choix pas anodin lorsqu’on sait que "les masters à finalité professionnelle sont plus demandés que les autres", remarque Sylvie Dagorne, responsable de l’OPEIP (Observatoire des parcours étudiants et de l'insertion professionnelle) de Rennes 2.

La raison est simple : les masters pro affichent souvent de meilleurs taux d’insertion. Exemple à Paris 4, où les parcours ne sont pas encore indifférenciés : en 2009, 78% des diplômés orientés recherche ont trouvé un emploi deux ans plus tard, contre 86% dans les filières professionnalisantes. Pour autant, les universités ne constatent pas de défections massives dans les masters recherche, en raison notamment de la sélectivité des masters pro.

S'ils ne sont ainsi, peut-être, pas voués à disparaître, l'avenir reste flou pour les masters recherche, de plus en plus amenés, par choix pédagogique ou par pragmatisme, à se professionnaliser.

Delphine Dauvergne | Publié le