Anne Aubert (présidente de la Courroie) : «Il faut positionner l’université comme un acteur incontournable de l’orientation»

Propos recueillis par Maëlle Flot Publié le
Anne Aubert (présidente de la Courroie) : «Il faut positionner l’université comme un acteur incontournable de l’orientation»
Anne Aubert, vice-présidente orientation, réussite et insertion professionnelle de l'université de La Rochelle et présidente de la Courroie. // © 
La réussite de tous les étudiants figure parmi les thèmes prioritaires des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour répondre à cet enjeu, Anne Aubert, présidente de la Courroie (1) également vice-présidente orientation, réussite et insertion professionnelle de l’université de La Rochelle, attire l'attention sur plusieurs axes d’évolution en matière d’orientation. Un éclairage en amont de la conférence EducPros «Orientation : comment promouvoir ses formations auprès des lycéens ?» , du 18 octobre 2012.


L’orientation et l’insertion professionnelle font l’objet de nombreux débats dans le cadre des Assises de l’enseignement supérieur. Comment allez-vous y participer ?


La Courroie va déposer une contribution d’ici à fin octobre. Elle portera sur plusieurs points : les attentes autour des dispositifs d’orientation, la valorisation de l'implication des enseignants, le soutien institutionnel pour nos services. Prenez les démarches d’orientation envers les lycéens. Il est essentiel pour les universités de travailler davantage avec les rectorats, les établissements secondaires, notamment dans le cadre du programme de découverte des métiers et des formations. Dans ce domaine, le succès d’une opération dépend encore trop souvent du relationnel. Et en la matière nous sommes tenaces : quand on nous ferme les portes, nous savons aussi entrer par la fenêtre.

Il est demandé aux universités d'accueillir tous les publics. Pour les accompagner vers la réussite, il est essentiel de pouvoir leur présenter non seulement l’éventail des formations proposées, les parcours d'insertion, mais surtout les exigences liées à chaque cursus [pré-acquis, méthodologie…].


L’orientation active visait précisément à informer en amont en vue d’une meilleure orientation. Quel bilan en tirez-vous ?

"L'orientation active ne doit pas se limiter au portail d’admission postbac"

L'orientation active ne doit pas se limiter au portail admission postbac. C'est une réflexion à mener sur la durée, même si nous manquons souvent de moyens et quelquefois de soutien politique. L’orientation a ses contraintes, celles d’aller sur le terrain à la rencontre des jeunes ou de les accueillir dans nos établissements. Il faut pour cela des moyens de transport, de personnels, etc. De nombreuses universités ont su faire preuve de créativité, mais elles ne peuvent pas travailler seules. Elles ont besoin de relais au sein des rectorats et des établissements scolaires.

Il est aussi nécessaire de redéfinir un certain nombre d'indicateurs, autres que ceux demandés par le ministère [nombre d’élèves inscrits qui réussissent et ceux qui s'insèrent], des indicateurs qui permettent de mieux connaître les parcours d'orientation et d'insertion et ainsi d’appréhender la situation dans toute sa complexité.


Vous parliez du rôle des enseignants-chercheurs dans l’orientation comme un des axes de réflexion que vous souhaiteriez voir aborder lors des Assises. Qu’attendez-vous de la loi d’orientation qui sera votée début 2013 ?

"Les enseignants ont un rôle essentiel à jouer dans la visibilité des diplômes"

Je souhaiterais que la question du statut de l’enseignant-chercheur soit abordée. Tout le monde parle de réussite et d’insertion mais l'implication des collègues en matière d'aide à l'orientation ou de pédagogie est rarement valorisée. Nos services ont conscience qu’il faut travailler sur les compétences et savoir rendre lisibles nos formations auprès des entreprises et des futurs employeurs en général. En association avec les conseillers des SCUIO, des BAIP (Bureau d'aide à l'insertion professionnelle) et des services de formation continue, les enseignants ont un rôle essentiel à jouer dans la visibilité des diplômes.

Le référentiel qui vient d’être proposé par le Comité licence est intéressant car il nous donne un cadre. Nous devons maintenant solliciter nos responsables formation pour l’améliorer. En travaillant avec eux, nous espérons avoir l’adhésion de la base. Il existe bien des primes d’excellence scientifique [PES] ! À quand les primes d’excellence pédagogique [PEP] ou même, pourquoi pas, une habilitation à diriger des formations [HDF] ?


Comment rendre plus lisibles les formations universitaires ?

Trop souvent, nous définissons a posteriori les compétences. Or, il faudrait le faire a priori, en échangeant avec nos services de formation continue qui ont déjà travaillé sur ces questions dans le cadre de la VAE et de reprises d’études. Nous discutons aussi de plus en plus avec les entreprises qui expriment leurs besoins en termes de compétences. L’enquête que nous venons de lancer sur l’élaboration des fiches RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) va nous aider à identifier les difficultés rencontrées.


Les missions des directeurs de SCUIO ont-elles changé ?

"La loi LRU nous a aidés à ce que l’insertion soit prise en compte à l’échelle de l’établissement, mais nous devons chaque année renégocier les budgets"

Ce qui a changé, ce sont les attentes, beaucoup plus grandes, de la société et des équipes présidentielles. Il est difficile d’y répondre à moyens constants. Avant, le travail d’orientation et d’insertion se faisait surtout au niveau des composantes en s'appuyant sur des bonnes volontés. La loi LRU nous a aidés à ce que l’insertion soit prise en compte à l’échelle de l’établissement, mais nous devons chaque année renégocier les budgets, ces derniers n’étant plus fléchés. Nous allons devoir être vigilants cette année.

Sur les 1.000 créations d’emploi annoncées par la ministre, notamment pour le premier cycle, combien iront aux SCUIO-BAIP ? Il est quand même regrettable de devoir faire appel à des prestataires extérieurs souvent plus chers, faute de personnels en interne. Beaucoup de services dépendent d’emplois contractuels avec de fait un taux de rotation et une déperdition des forces importants.


Vous présidez depuis l'été 2012 la Courroie. Quel est le poids de votre Conférence au sein des universités ?


Deux ans après sa création, la Courroie fédère 173 adhérents. Toutes les strates, tous les acteurs universitaires y sont représentés : 63 universités, l’Institut catholique de Paris, le CNAM, un PRES [Paris-Est], regroupant des personnels BIATOSS, des enseignants, des conseillers, des directeurs de service, des vice-présidents. Nous souhaiterions que toutes les universités deviennent adhérentes. L’orientation et l’insertion professionnelle sont devenues de véritables enjeux avec la loi LRU. Elle nous a permis d’aller voir les équipes de direction pour les convaincre de l’importance de nos missions. Aujourd’hui, elles se sont pour beaucoup approprié ces thèmes. Nous nous réjouissons de participer aux travaux de la CPU [Conférence des présidents d’université], au sein de la commission de la formation et de l’insertion professionnelle. L’enjeu est fort : il s’agit de repositionner l’université comme acteur incontournable de l’orientation.

(1) La Courroie (Conférence universitaire en réseau des responsables de l’orientation et de l’insertion professionnelle) des étudiants est née en 2010 de l’élargissement de l’ancienne Conférence nationale des directeurs de SCUIO.

Propos recueillis par Maëlle Flot | Publié le