Communication des universités : la force est dans les savoirs

Morgane Taquet Publié le
Communication des universités : la force est dans les savoirs
Université de Nantes - "Une question, un chercheur" // © 
Face à une compétitivité toujours plus forte, les universités et grandes écoles construisent leur identité. Pour Ghislain Bourdilleau, directeur de la communication de l'Inalco, après être passé par l'université de Poitiers, ces stratégies de marque en développement passent par une éditorialisation accrue des supports de communication. Explications en amont de la conférence EducPros du 16 avril sur le sujet.

Est-ce que le rapport à la marque a changé dans les établissements du supérieur ?

Avec l'autonomie, et face aux problèmes financiers qu'elles rencontrent, les universités sont de plus en plus poussées à se poser la question de leur attractivité et de leur identité. D'autant que les établissements ont compris que travailler sur la notoriété de l'établissement peut être un argument supplémentaire pour convaincre étudiants et entreprises de les rejoindre, et également une valeur ajoutée pour trouver des financements. Mais attention, dans le supérieur, le mot "marque" reste encore tabou, on utilisera plus prudemment le mot "identité".

Cependant, sur le terrain, nous observons une vraie émulation salutaire depuis quelques années. À l'université de Poitiers, nous avons fait partie des premiers établissements à lancer un magazine axé sur les connaissances plutôt que sur l'institution elle-même, avec une approche exclusivement tournée vers les publics. Depuis, de nombreux établissements ont trouvé leurs positionnements et solutions éditoriales, souvent innovantes.

Quels sont les outils privilégiés dans l'enseignement supérieur pour développer sa marque ?

Pour développer sa stratégie de marque, l'avenir est à l'éditorialisation, une stratégie prisée dans le monde du luxe depuis longtemps et se généralisant depuis dans tous les secteurs. À travers un magazine ou un site Internet dédié, on peut parler d'un savoir singulier, partager des connaissances, proposer du contenu intéressant sans être centrés sur nous. Être intéressant et pas intéressé, c'est la clé pour devenir incontournable.

Par ailleurs, l'offre de formation ne doit plus être le seul point d'accroche. Concrètement, elle peut convaincre, mais il existe beaucoup de valeur ajoutée, souvent ignorée dans la raison d'être de l'établissement telle que son histoire et ses valeurs. C'est évidemment plus difficile pour un établissement pluridisciplinaire de cibler des angles singuliers. À l'Inalco, notre projet de magazine et de site Internet sera très axé sur les langues et les civilisations en privilégiant la parole des chercheurs. Les connaissances se créent dans la recherche, les universités et les grands établissements doivent en tirer avantage.

Attention, dans le supérieur, le mot "marque" reste encore tabou, on utilisera plus prudemment le mot "identité".

Les enjeux de la diffusion des savoirs, comme outil de développement de la marque, sont-ils bien présents dans les stratégies des établissements ?

On peut citer plusieurs exemples comme l'université de Strasbourg et son magazine "Savoirs", ou le magazine "Club" à Lyon 1 sur les sciences dures, le magazine "U" à Bordeaux, créé au moment de la fusion. Côté digital, Nantes produit d'excellentes vidéos accessibles à tous les publics, notamment l'émission "Une question, un chercheur", tout comme Lyon 1 à travers le site Sciences pour tous. Ce n'est pas encore une majorité, mais ces médias, construits autour de la connaissance, se généralisent, et je suis persuadé que de nombreux formats sont encore à inventer. C'est une très bonne chose que l'université reprenne sa place – oubliée depuis un long moment – dans les débats de société. Autre exemple de positionnement sur les savoirs en vogue : des établissements proposent des listes d'experts aux médias pour intervenir sur des sujets spécifiques. L'UQAM au Québec et l'université de Nantes le font très bien.

Les rapprochements en cours, Comue ou fusion, sont-ils bénéfiques pour le développement de la marque ?

C'est encore très inégal, il n'y a surtout pas de règle nationale. À Bordeaux, la fusion des universités a créé une dynamique, et a permis de mettre en avant la singularité de l'université à travers, par exemple, le lien avec le territoire. Cela a aussi permis de disposer de plus de moyens de communication, ce n'est pas négligeable. Si la marque peut se faire dans le rapport au local, à Paris ce n'est pas possible avec les dizaines d'établissements existants ! Les positionnements y sont plus complexes à établir.

À lire
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