Évaluation des écoles de commerce : la CEFDG s'attaque aux formations bac+3

Étienne Gless Publié le
Évaluation des écoles de commerce : la CEFDG s'attaque aux formations bac+3
Le Cesem, l'Ieseg et le BBA Essec © Jessica Gourdon / Ieseg / Essec // © 
Préfiguration du grade de licence, chasse aux faux masters, publication d'indicateurs... La présidente de la CEFDG (Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion), Véronique Chanut, revient pour EducPros sur les chantiers en cours pour améliorer encore l'évaluation des écoles de commerce.

Véronique Chanut, présidente de la CEFDG // DRLes formations bac+3, de type bachelor, fleurissent depuis plusieurs années dans les écoles de commerce. La CEFDG (Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion) va-t-elle s'emparer de la question ?

Il s'agit de notre chantier prioritaire. Nos équipes y travaillent. C'est notre mission de service public d'avoir un peu plus de transparence sur cette offre de bac+3.

Simone Bonnafous, directrice générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, nous a demandé de faire un bilan et d'envisager les moyens de nous doter d'un dispositif d'évaluation. Le conseiller de Geneviève Fioraso, Jean-Michel Jolion, a confirmé cette volonté de la part du ministère.

Cela demande un lourd travail de préparation. Nous en sommes à la phase de pré-étude. Nous devons nous doter de critères d'évaluation, et nous assurer que l'exercice en vaille la peine et qu'il apportera la lisibilité escomptée.

Vous pourriez ainsi délivrer, outre le grade master, un grade de licence aux établissements ?

C'est la question qui nous est posée. Actuellement, face à l'inflation de l'offre de bac+3, le seul instrument dont dispose la commission est le visa. Ce qui ne permet pas de faire beaucoup de différenciation entre les cursus bac+3 :  certains peuvent par exemple avoir une vocation très professionnalisante quand d'autres ont un fort taux de poursuite d'études. Comme évaluateurs, nous voudrions pouvoir rendre compte de ces différences.

Au niveau master, n'y a-t-il pas un risque de dévaluation du grade, dans la mesure où des écoles de niveaux très différents obtiennent désormais ce label ?

La différenciation se fait déjà fortement par le signal que nous donnons en octroyant le grade pour une durée ou une autre : il peut être accordé pour un à cinq ans. En outre, l'enseignement supérieur de gestion n'est pas une discipline monolithique, d'où une grande diversité de diplômes et d'écoles. L'octroi du grade reflète bien cette diversité, qui est d'ailleurs plutôt signe de bonne santé.

L'objectif de ce dispositif d'évaluation est de tirer vers le haut, et non pas que tous ces masters se ressemblent.

Face à l'inflation de l'offre de bac+3, le seul instrument dont dispose la commission aujourd'hui est le visa.

Comment comptez-vous améliorer la chasse aux faux masters ? Les annonces trompeuses demeurent nombreuses...

Nous avons un rôle de lanceur d'alertes en la matière, pour assainir le marché.  Nous allons travailler plus étroitement avec les services de la répression des fraudes.

Allez-vous publier davantage d'indicateurs des écoles, comme le promet depuis plusieurs années la CEFDG ? Côté ingénieurs,  la CTI (Commission des titres d'ingénieur) semble plus avancée en la matière...

Oui, mais la CTI est plus vieille, nous sommes la petite jeune ! Le chantier des indicateurs n'est pas du tout abandonné. Nous avons pris du retard, suite à des questions d'harmonisation avec les enquêtes de statistiques nationales (SISE).

La liste des indicateurs est désormais au point. Les écoles ont commencé à les renseigner il y a plus d'un an. Une période de test a permis de lever des ambiguïtés. Aujourd'hui, toutes les écoles auditionnées par la commission remettent avec le dossier d'évaluation une fiche d'indicateurs signée par le directeur de l'école, qui déclare exacts et sincères les chiffres donnés. C'est une sorte d'ADN de chaque école. 

Notre objectif reste bien de mettre sur le site de la CEFDG ces indicateurs, dans un souci de transparence pour les familles et les étudiants. Dès l'automne 2014, nous commencerons à publier les premières données.

Nous allons travailler plus étroitement avec les services de la répression des fraudes sur la question des faux masters.

Vous avez annoncé, fin juin 2014, que désormais le dossier d'évaluation des écoles va comporter un document d'auto-évaluation. À quoi va-t-il vous servir ?

La CEFDG accorde une attention particulière à l'auto-évaluation des écoles. J'aimerais qu'à terme les auditions de la commission soient l'occasion de confronter son évaluation avec l'auto-évaluation des écoles.

Dans ce document, nous allons même jusqu'à poser aux écoles une question "clin d'œil", pour nous faire une idée de leur capacité à s'auto-évaluer : "Quelle durée demandez-vous pour le grade ou le visa ?" Si les directeurs demandent la durée maximale, ils auront dans tous les cas à argumenter.

Les  avis sur les écoles que votre commission met en ligne sont laconiques, dépassant rarement huit lignes. Votre volonté de transparence ne devrait-elle pas se traduire par des informations plus étoffées sur chaque établissement ?

Ils pourraient être plus "charnus" en effet. Mais auparavant, rien n'était public : il s'agit déjà d'un progrès sensible avec cette amorce de publicité autour des points forts et points faibles de chaque école.

Ces dernières reçoivent de leur côté des notifications très complètes, avec tous les arguments permettant d'étayer ces points forts et points faibles, ainsi que nos recommandations. Mais les rendre publiques est un sujet très sensible et nous y allons doucement : le moindre mot peut choquer et nuire à une école.

Étienne Gless | Publié le