Xavier de Glowczewski, conseiller « démocratisation » à Sciences po Lille : «Nous n'avons pas fait la révolution, mais nous faisons bouger les lignes »

Propos recueillis par Camille Stromboni Publié le
Xavier de Glowczewski, conseiller « démocratisation » à Sciences po Lille : «Nous n'avons pas fait la révolution, mais nous faisons bouger les lignes »
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Faut-il instaurer des quotas de boursiers dans les grandes écoles ? Conseiller du directeur de Sciences po Lille sur les questions de démocratisation, Xavier de Glowczewski a préféré miser sur un autre modèle d'ouverture sociale.Ce professeur d'histoire-géographie au lycée Faidherbe a monté, il y a deux ans, un programme « égalité des chances » pour les lycéens les plus défavorisés intitulé « PEI » (programme d'études intégrées). Cette préparation gratuite est désormais mutualisée aux cinq autres IEP du réseau du concours commun. Elle sera officiellement soutenue par le ministère de l'Education nationale, lors de la signature d'une convention le 19 janvier 2010. Rencontre avec le créateur d'un programme « égalité des chances », Xavier de Glowczewski, dans notre série « Les entrepreneurs pédagogiques ».

D'où vient l'idée d'une préparation gratuite pour les lycéens les plus défavorisés au concours d'entrée de l'IEP lillois ?

J'ai souvent été confronté à des lycéens qui s'autocensuraient, alors qu'ils possédaient toutes les capacités pour mener de brillantes études dans l'enseignement supérieur. Il y a deux ans et demi, Pierre Mathiot , directeur de l'IEP de Lille, m'a demandé de réfléchir, aux côtés de Jacques Staniec, professeur en khâgne et également conseiller « démocratisation » de l'institut, à un projet pour les lycéens les plus défavorisés.

Il avait au départ l'idée de mettre en place une semaine de formation pour préparer les lycéens au concours. Nous avons proposé d'y ajouter un travail en amont et en aval. D'où l'idée de la plate-forme de formation en ligne. Nous avons commencé à penser ce système à trois, pendant l'été 2007. À ce stade du projet, on se met à une table et on rêve.

Quel est l'objectif de cette prépa « égalité des chances » ?

Il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'une « prépa », mais d'une préparation. La nuance est de taille : nous ne sommes vraiment pas dans la mentalité « prépa », mais dans l'accompagnement.

Notre postulat de départ est simple : sans remettre en cause notre concours très sélectif, nous voulons hisser les catégories modestes avec une sorte de détecteur des talents. Il s'agit d'aider les élèves boursiers à réussir le concours, mais aussi de leur ouvrir les portes de l'enseignement supérieur. Ainsi, en 2009, 86 % des élèves du PEI (terminale) ont obtenu le bac avec mention, 30 % ont intégré un IEP et 40 % poursuivent leur scolarité en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).


Le projet PEI a été élaboré en collaboration avec les lycées. Comment ce partenariat fonctionne-t-il ?

Introduire une plate-forme de formation dans les lycées, c'était un peu révolutionnaire. Dans l'Éducation nationale, un enseignant est en principe un professeur devant une classe. En septembre 2007, nous avons réuni une équipe d'une vingtaine de professeurs de l'IEP, de prépas et du lycée, à qui nous avons présenté la maquette de PEI et le cahier des charges. La plupart ont répondu présent. Il était impossible de monter un tel projet seuls.

La plate-forme devait être prête moins de deux mois plus tard. Elle a été lancée le 26 novembre. Il y avait donc ceux qui travaillent et ceux qui travaillent ! Il faut réunir les contenus, déterminer les critères de sélection, trouver un informaticien, etc. Le diable se cache vraiment dans les détails. Cela va jusqu'à penser à l'estrade pour le discours des intervenants, lors des journées organisées à l'IEP avec les 100 jeunes du programme.

Comment gérez-vous le programme au quotidien ?

Nous avons organisé des équipes par discipline et nous nous sommes réparti les tâches. Avec Jacques, nous coordonnons l'ensemble en définissant certains cadres. Par exemple, après une réflexion collective, nous avons lancé la « dissertation en quatre semaines ». Elle comporte quatre étapes : la préparation du sujet, un éclairage, une correction, une ouverture.

Dès le mois de novembre 2007, les professeurs nous ont fait remonter les problèmes. Par exemple, au départ, nous n'avions pas assez développé certaines informations importantes sur l'orientation des lycéens. C'est ensuite un travail quotidien d'amélioration de la plate-forme.

Le projet PEI, c'est un modèle qui est fabriqué par ses utilisateurs et c'est pour cela qu'il marche. Nous n'étions pas là pour calquer un modèle tout fait. C'est un objet simple qui s'adapte. La plupart du temps en France, on pense un modèle par le haut, pour ensuite l'appliquer à la base. Et souvent, cela se solde par un échec.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?

Il faut être un vrai « Sioux » pour monter un tel projet, c'est-à-dire être très patient. Avec l'équipe de professeurs, cela s'est très bien passé. La difficulté, c'est plutôt de convaincre les journalistes de s'intéresser au projet. Le grand drame de l'Éducation nationale, c'est qu'il y a des personnes géniales, comme les enseignants qui s'impliquent pour faire tourner la machine PEI, mais personne pour le dire.

Pour les financements, c'est la même chose : il faut convaincre. L'IEP finance notre projet. Nous sommes également aidés par le conseil régional et les entreprises comme Randstad, KPMG ou la BNP Paribas (1). Réaliser un dossier de synthèse et aller parler aux politiques, ce n'est pas nouveau pour moi. J'ai été attaché parlementaire de la présidente de la commission de la culture du Bundestag.

Heureusement, nous sommes rompus aux règles du système éducatif. Nous connaissons bien l'institution. J'ai par exemple déjà monté une section Abibac à Lille (bac franco-allemand).

PEI entame sa troisième année d'existence. Votre fonction de coordinateur a-t-elle évolué ?

Lorsque le projet aboutit et commence à bien fonctionner, c'est une très grande joie. Environ 70 enseignants interviennent sur le projet ainsi qu'une chargée de mission de l'IEP. Tous les services de l'institut sont d'ailleurs mobilisés ponctuellement.

La préparation s'est développée et notre travail a changé. Il existe désormais un « PEI terminale » et un « PEI première » (2). Certains ont pris des responsabilités : il existe désormais des responsables qui coordonnent chacun de ces niveaux. Il reste néanmoins encore à accomplir un important travail de coordination car nous voulons nous adapter en permanence.

Nous avons également lancé le projet IEPEI avec les cinq autres instituts du concours commun. Il s'agit ici de mutualiser notre outil, pas de calquer ce qui se fait à Lille aux autres IEP. Chacun utilise la plate-forme à sa manière et un comité de pilotage technique réunissant les six IEP coordonne le tout.

Quelles sont les clés de la réussite d'un projet selon vous ?

Pour qu'une idée se concrétise, il faut bien sûr un directeur et une équipe motivés. Mais le plus important, c'est d'avoir un projet qui fait sens. Avec la préparation PEI, nous n'avons pas fait la révolution, mais nous faisons bouger les lignes. Ce n'est pas que de la com'. Il ne suffit pas de créer une plate-forme, il faut surtout que le public concerné adhère à cette dernière.

(1) La BNP Paribas a signé une convention nationale avec les six IEP du concours commun le 22 novembre 2009.
(2) Les lycéens de première ont accès à la plate-forme avec des éléments de réflexion sur le programme d'histoire et sur les langues vivantes, ainsi qu'une  méthodologie de la dissertation.

Le programme PEI : un accompagnement des lycéens vers le supérieur

De janvier à juin, les lycéens de terminale sélectionnés dans le programme PEI ont accès à une plate-forme en ligne, qui agrège les contenus, mais aussi une vaste panoplie de conseils méthodologiques et un suivi pointu de l'actualité. Devoirs par correspondance et concours blancs jalonnent la préparation, avec une semaine de cours à l'IEP en juin. Des étudiants de l'IEP lillois jouent également le rôle de tuteurs auprès des jeunes recrues.

L'objectif est de préparer les lycéens au concours de l'IEP mais aussi leur entrée dans l'enseignement supérieur (classes préparatoires aux grandes écoles, université, écoles de commerce et d'ingénieurs, etc.). En 2008, 140 élèves de première ont participé au PEI ainsi que 170 élèves de terminale issus de 60 lycées (soit le tiers des lycées de la région Nord-Pas-de-Calais). 86 % des élèves de PEI (terminale) ont obtenu le bac avec mention, 30 % ont intégré un IEP, 40 % poursuivent leur scolarité en CPGE.

Une prépa gratuite pour les concours des écoles de journalismes

Lancée en 2007 par l’association des anciens élèves du CFJ (Centre de formation des journalistes), la « Chance aux concours » prépare gratuitement les étudiants boursiers (Bac+2 au minimum) au concours des écoles de journalisme (CFJ, ESJ, IPJ, Sciences Po, CUEJ, CELSA etc.).

Chaque samedi de janvier à juin, des journalistes en activité dans les principaux médias (France 2, Le Canard Enchaîné, Reuters, l’AFP, L’Express) corrigent les travaux des étudiants et leur donnent des conseils. Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 10 janvier 2010 .

Lire l'article sur cette prépa "journalisme" gratuite sur letudiant.fr.

Propos recueillis par Camille Stromboni | Publié le