À Metz, le directeur de l’ENIM mis en cause suite à la sanction d’un enseignant pour défaut d’activité de recherche

De notre correspondant dans l’Est, Philippe Bohlinger Publié le
Une vingtaine d’enseignants de l’ENIM (École nationale d’ingénieurs de Metz) portent un brassard noir depuis deux semaines. Ils dénoncent les dérives orchestrées depuis plusieurs années par Pierre Padilla, le directeur de l’établissement (1.000 élèves-ingénieurs, 80 enseignants permanents).

L’élément déclencheur de ce mouvement a été la sanction prononcée par la commission de discipline de l’ENIM à l’encontre d’un enseignant-chercheur pour « défaut d’activité de recherche ». Son salaire a été amputé de moitié pour une année et il s’est vu dispenser d’activité d’enseignement. Minimisant le mouvement de protestation à « six enseignants manipulés par le SNESUP et les Jeunesses communistes révolutionnaires », le directeur de l’ENIM explique avoir « rémunéré pendant six années avec l’argent du contribuable une personne qui ne travaillait que la moitié de son temps puisqu’elle n’avait aucune activité de recherche ».

Valérie Pécresse alertée

Selon le représentant du SNESUP à l’ENIM, René Zille, les relations entre l’enseignant-chercheur embauché il y a dix ans se seraient dégradées au point que son collègue « ne dispose plus de conditions matérielles satisfaisantes pour faire de la recherche. On lui a notamment retiré tous ses doctorants. » Les instances nationales du SNESUP ont adressé un courrier à Valérie Pécresse, le 23 mars 2011, pour dénoncer cette sanction abusive. Par solidarité, plusieurs enseignants de l’ENIM se sont regroupés pour compléter la rémunération de leur collègue. Et cela dans l’attente de la décision du CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche), devant lequel l’enseignant sanctionné a déposé un recours.

Dans ce dossier, le recteur de l’académie de Nancy-Metz, Jean-Jacques Pollet, a récemment pris position en faisant lui aussi appel de la décision de la commission de discipline de l’ENIM devant le CNESER. Une décision prise en accord avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a-t-il annoncé dans un communiqué diffusé le 28 mars 2011 (voir PDF).

Un rapport de l’IGAENR

Les dysfonctionnements dans la gestion de l’école d’ingénieurs auraient déjà été portés à la connaissance du ministère, en 2008, au travers d’un rapport confidentiel de l’IGAENR (Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche). Un document qui, selon René Zille, souligne « le clientélisme dans la gestion des ressources humaines et financières ». Pour le directeur de l’ENIM, « ce rapport n’a aucune existence légale. C’est de la diffamation. Il a été effectué à charge et instrumentalisé par des ramifications du SNESUP au sein de l’IGAENR. »

Cependant, ces dernières semaines les critiques à l’encontre des méthodes de Pierre Padilla se multiplient. Ainsi, une quarantaine de parlementaires français et européens ont signé, le 9 mars 2011, une lettre de protestation (voir PDF) stigmatisant la nomination d’Alvaro Uribe, l’ancien président colombien, au poste d’enseignant à l’ENIM en septembre 2010. Une nomination intervenue « en contrepartie des contrats juteux passés entre cette institution éducative et l'État colombien », accusent-ils. Estimant que les parlementaires devront « rendre des comptes sur leurs affirmations », Pierre Padilla relève que « nous avons fait beaucoup pour moderniser le système d’apprentissage colombien » et précise qu'« Alvaro Uribe assure ses cours à l’ENIM. »

Sous couvert d’anonymat, un enseignant porteur du brassard noir évoque « une situation de guerre ouverte » à l’ENIM et déplore « le management par la terreur » exercé par Pierre Padilla. Ce dernier devrait quitter ses fonctions en novembre 2011 après seize années à la tête de l’école messine. Mais l’enseignant met en garde : « Pierre Padilla prépare un départ à la Poutine, en plaçant ses fidèles à des postes clés. Or, nous souhaitons qu’il quitte l’école d’ingénieurs sans y conserver la moindre influence. »

De notre correspondant dans l’Est, Philippe Bohlinger | Publié le