Anne-Lucie Wack : "Attention à ne pas casser la dynamique de l’apprentissage dans le supérieur"

Étienne Gless Publié le
Anne-Lucie Wack :  "Attention à ne pas casser la dynamique de l’apprentissage dans le supérieur"
Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE, au congrès de la Conférence à Lille, le 4 octobre 2018. // ©  CGE
Financement de l’apprentissage, grade de licence pour les formations Bachelor, politique de sites… Au congrès de la Conférence des grandes écoles, à Lille, les 4 et 5 octobre 2018, sa présidente, Anne-Lucie Wack, s’est fait l’écho des craintes des établissements membres. Interview.

Les promoteurs de la réforme de l’apprentissage ont rappelé à plusieurs reprises que l’enseignement supérieur en était la locomotive. Pourtant, les grandes écoles se montrent inquiètes, notamment sur la question du financement. Pourquoi ?

Il y a une forte inquiétude sur le financement de l’apprentissage dans les grandes écoles. Pour nous, l’apprentissage est un nouveau modèle pédagogique, un modèle d’excellence et un levier d’ouverture sociale. Il ne faut pas casser cette dynamique. 15 % de diplômés des grandes écoles le sont par la voie de l’apprentissage. Nous voulons aller plus loin, et atteindre les 25 %.

Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE (Conférence des grandes écoles).
Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE (Conférence des grandes écoles). © Christian Jacquet

Pour cela, il faut trouver le bon modèle économique. Le problème, c'est que nos écoles développent les formations en apprentissage mais cela a un coût. Nous demandons de pouvoir raisonner en coûts complets pour financer les apprentis à hauteur des coûts réels supportés par les écoles. Sinon, certaines risquent de se désengager de l’apprentissage alors même que c’est une évolution sociétale, un changement systémique dans l’enseignement supérieur qui doit être accompagné.

Lors du colloque, il a été regretté que les grandes écoles n'aient été pas associées à la gouvernance de France Compétences, la future institution nationale chargée de piloter l’apprentissage et la formation professionnelle. Quelles en sont les conséquences ?

La Conférence avait en effet souhaité être associée à la gouvernance de France Compétences. Nous avions fait cette demande de manière concertée avec la CPU (Conférence des présidents d’université) et la Cdefi (conférence des directeurs des écoles d’ingénieurs).

Finalement, aucune conférence des établissements d’enseignement supérieur n’y a été associée. On nous dit que nous serons écoutés, auditionnés, notamment sur la détermination des coûts des formations des apprentis. Mais ce n’est pas la même chose que d’être au cœur de l'organisme qui élaborera les nouvelles bases de l’apprentissage.

Aucune conférence des établissements d’enseignement supérieur n’a été associée à la gouvernance de France Compétences.

L’aide unique à l’embauche pour les petites entreprises qui recrutent un apprenti concernera seulement les formations infrabac ou de niveau bac. Pourquoi cela vous inquiète-t-il ?

Nos enquêtes d'insertion montrent que 40 % de nos diplômés sont embauchés dans des TPE-PME, 30 % dans des entreprises de taille intermédiaire et 30 % dans de grands groupes. Les TPE- PME sont donc le premier employeur des diplômés de grandes écoles. Or, la réforme prévoit que celles-ci ne seront plus aidées pour les apprentis inscrits dans une formation de l'enseignement supérieur. Notre question est : y aura-t-il d’autres dispositifs d’aide ?

Frédérique Vidal a échangé avec les membres de la CGE, à Lille, le 4 octobre 2018. Vous a-t-elle rassurée sur la nouvelle rédaction du projet d’ordonnance sur les regroupements de sites ?

Nous avons rencontré la ministre en septembre. Une de nos principales remarques portait sur les articles 5 et 11 du projet de texte, qui définit un régime de droit commun pour les écoles souhaitant rejoindre les établissements expérimentaux.

Ceux-ci perdront de fait leur accréditation à délivrer leurs diplômes et l’affectation directe de crédits par leur tutelle. Elles pourront demander à les récupérer en demandant à le préciser dans les statuts des établissements expérimentaux .

Mais cela positionne de débat de façon biaisée, et il nous paraît aberrant et contre-productif que, dans le cadre des regroupements, on commence à affaiblir des écoles, alors que l’idée est justement qu’elles apportent leur force et leur valeur ajoutée. La ministre nous a rassurés à ce sujet.

Il nous paraît aberrant et contre-productif dans le cadre des regroupements de commencer à affaiblir des écoles, alors que l’idée est qu’elles apportent leur force et leur valeur ajoutée.

Avez-vous avancé sur la question du grade de licence que vous réclamez pour vos programmes Bachelor ?

Nous revendiquons le grade de licence car il existe une vraie demande de la part des étudiants, des familles, des entreprises, ainsi que des partenaires internationaux d’embaucher des jeunes formés à bac +3 ou bac + 4. Le Bachelor est le diplôme roi à l’international et beaucoup souhaitent pouvoir mettre en place des coopérations à ce niveau-là. Mais en France, nous ne disposons pas de système d’accréditation cohérent pour ces formations.

On se tire une balle dans le pied ! Quand Frédérique Vidal parle de lisibilité des formations, ce système d’accréditation serait un gage de qualité. Aujourd’hui, n’importe qui peut ouvrir un Bachelor. C’est absurde de ne pas donner à nos écoles cette reconnaissance de l’État.

Le Bachelor est le diplôme roi à l’international et beaucoup souhaitent pouvoir mettre en place des coopérations à ce niveau-là.

Quel bilan vos écoles ont-elles dressé de l'an 1 de Parcoursup ?

Nos suggestions rejoignent celles de la CPU et de la Cdefi, tout comme celles du ministère. Tout le monde est d’accord pour faire converger le système beaucoup plus tôt. Les candidats et les établissements doivent obtenir des réponses en juillet, et ne pas avoir à attendre le mois de septembre. Nous travaillons encore à des propositions .

Un point sur lequel la ministre ne nous a pas apportés de réponse claire, c’est sur la question des étudiants internationaux qui candidatent dans nos écoles postbac : doivent ils passer obligatoirement par Parcoursup ou par une autre voie d'entrée ? Il y a des problèmes de compréhension de Parcoursup, des question de langue – la plate-forme n’est pas accessible en anglais ! – ou de calendrier. C'est une question qui, pour l'heure, reste en suspens.

Étienne Gless | Publié le