Budget 2022 : dans l’éducation et l’enseignement supérieur, les efforts financiers laissent les acteurs insatisfaits

Malika Butzbach Publié le
Budget 2022 : dans l’éducation et l’enseignement supérieur, les efforts financiers laissent les acteurs insatisfaits
Dans le second degré, 350 postes d'enseignants vont être redéployés. // ©  Stephane Mahe / REUTERS
Avec une hausse de 1,6 milliard d’euros pour l’Education nationale et 385 millions d’euros pour l’Enseignement supérieur, le budget 2022 apparaît conséquent. Mais si ces efforts financiers sont reconnus par la plupart des organisations syndicales, ils demeurent en deçà des moyens nécessaires sur le terrain.

À la veille d’une année marquée par l'élection présidentielle, le gouvernement prévoit des efforts budgétaires pour les enjeux liés à l’éducation et à la formation. C’est ce qu’il ressort de la loi de finances 2022, publiée le 31 décembre 2021 au Journal officiel.

Premier poste du budget de l’État, l’Éducation nationale bénéficie d’une augmentation de son enveloppe de 1,6 milliard d’euros par rapport à l’année précédente (+3%), soit un total de 55,2 milliards d’euros. Les crédits budgétaires concernant le ministère de l’Enseignement supérieur, issus notamment des programmes 150, "Formations supérieures et recherche universitaire", et 231, "Vie étudiante", représentent 17,29 milliards d’euros, soit une hausse de 2,3% en un an (+ 385 millions d’euros).

Dans le second degré, 350 postes d’enseignants "redéployés"

Sur le papier, aucune suppression de poste n’est prévue dans l’Éducation nationale. Dans le premier degré, ce maintien des emplois devrait permettre d’augmenter le taux d’encadrement des élèves, et notamment poursuivre la limitation à 24 élèves par classe de la grande section au CE1.

Toutefois, dans le second degré, si le nombre d’emplois reste stable, des "redéploiements" sont prévus. En supprimant 350 postes d’enseignants, le ministère va créer 300 emplois de CPE et 50 d’assistants de service social ou d’infirmier.

"Durant ce quinquennat, 7.900 emplois d’enseignants ont été supprimés au collège et au lycée", dénonce le secrétaire national du Snes-FSU, Grégory Frackowiak.

Revalorisation des salaires et école inclusive

La hausse du budget de l’Éducation nationale vise en grande partie à revaloriser les salaires des personnels, en y consacrant une enveloppe de 700 millions d’euros. Celle-ci comprend la prime d’attractivité et des revalorisations catégorielles de certains postes, notamment les personnels de direction d’école et les AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap). "Si pour les personnels de direction, c’est un élément positif, bien qu’imparfait, on constate que les enseignants et assimilés sont laissés de côté", pointe Jean-Rémi Girard, à la tête du Snalc.

Pour les organisations syndicales, s’il y a un réel effort de la part du gouvernement, c’est sur l’école inclusive. Son budget est en hausse de 211 millions d’euros par rapport à 2021, notamment avec le recrutement de 4.000 AESH supplémentaires.

L’enseignement supérieur bénéficie de la LPR

Du côté de l’enseignement supérieur, la hausse de 700 millions d’euros des moyens en 2022 est composée des mesures issues de la loi de programmation de la recherche, pour sa deuxième année de mise en œuvre, et de l’amélioration des conditions de vie étudiante.

Cette "deuxième marche de la loi de programmation de la recherche" correspond à une hausse de 138 millions d'euros pour le programme 150 et de 334 millions d'euros pour le programme "recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires".

En plus de ces crédits issus de la LPR, 66 millions d’euros supplémentaires seront distribués aux établissements. En tout, le budget consacré à cet accompagnement s’élève à plus de 14 millions d’euros.

Mais cela ne compense pas les années de sous-dotation de certains établissements, souligne Hervé Christofol du Snesup-FSU. "Selon nos calculs, pour que toutes les universités atteignent la moyenne des dotations de leur type, il faut investir en 2022 634 millions d'euros et recruter 7.435 agents, ce qui représente une hausse du programme 150 de l’ordre de 4,5%. C’est possible, il faut que l’État fasse les efforts nécessaires", estime-t-il.

Des créations de places dans les filières en tension jugées insuffisantes

Le programme 150 "Formation supérieure et recherche universitaire" est doté d’une enveloppe de 14 milliards d’euros. Parmi les nouveaux moyens, 27,8 millions d’euros seront consacrés à la poursuite de la réforme des études de santé avec la création de places en LAS et en 2e année de médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie.

Lors du Cneser du 15 novembre, qui a rejeté la répartition des moyens de l’enseignement supérieur pour 2022, la CPU a alerté sur la sous-évaluation des moyens nécessaires pour cette réforme qu’elle estime à 100 millions d’euros. D’autant que, compte tenu des économies induites par la suppression de la Paces et des redoublements, les crédits alloués à cette réforme diminuent de 15 millions d’euros par rapport à 2021.

Plus de 200 millions d’euros sont également consacrés pour continuer la mise en place de la loi ORE et du plan Etudiant. La majorité de cette enveloppe est destinée à la création de nouvelles places dans les filières en tension ainsi qu’aux dispositifs et parcours d’accompagnement 'oui si'.

Mais, si cet effort est réel, il demeure insuffisant au regard de la hausse du nombre d’étudiants et du faible taux d’encadrement proposé, contextualise Françoise Lambert du Sgen-CFDT. "La loi ORE proposait des pistes pour améliorer la réussite des étudiants, notamment en L1. Mais, sans moyens supplémentaires à la hauteur, ces objectifs deviennent irréalisables."

Un budget de 152 millions d’euros supplémentaires pour les bourses

Le programme 231, relatif à la vie étudiante est également en hausse de 6,4%, pour atteindre 3.088 millions d’euros. La majorité de ce budget est dédiée aux aides directes, pour lesquelles 152 millions d’euros supplémentaires sont octroyés. Cette hausse, destinée aux bourses sur critères sociaux, s’explique "à la fois par l’augmentation prévisionnelle du nombre d’étudiants boursiers de 2,85% en 2021 et de 0,21% en 2022 et à la revalorisation des bourses sur critères sociaux à hauteur de 1% qui a eu lieu à la rentrée 2021", précisait dans son avis le député Philippe Berta, rapporteur du PLF.

Enfin, une enveloppe de près de 6 millions d'euros est destinée à la prolongation de l'accompagnement psychologique des étudiants mis en place en 2021 pour répondre aux impacts de la crise sanitaire. Pour Françoise Lambert, s’il est important que l’Etat réponde aux urgences de précarité et de santé mises en lumière par la crise sanitaire, "il faut aussi réfléchir à des solutions sur le plus long terme".

Malika Butzbach | Publié le