
La répartition des budgets 2015 des universités et des écoles publiques est enfin arrêtée, après plus de quatre mois d’attente. Elle sera examinée au Cneser (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) du 27 avril. Les dotations des établissements progressent en moyenne de 1,5%. Avec une exception : une cinquantaine d’établissements vont devoir, pour maintenir le niveau de leurs dotations, piocher dans leurs fonds de roulement car l'Etat a diminué d'autant sa contribution.
100 millions d’euros prélevés dans 47 établissements
Onze universités sont concernées : Artois en tête, qui devra prélever 24 millions d’euros dans ses économies, suivie de Lille 2 (8,7M€), Paris 2 Assas (7,6M€), Pierre-Mendès-France Grenoble 2 (6,6M€), Lyon 3 (3M€), Stendhal Grenoble 3 (2,7M€), l’université de la Polynésie (2,3M€), Corte (2,5M€), Nîmes (1,4M€), l’université de Bretagne-Sud (1,1M€) et celle de Bourgogne (1M€). Soit un total de plus de 60 millions d'euros. Vingt-deux écoles d’ingénieurs sont elles aussi visées, pour un montant global de 23,5 millions d'euros, ainsi qu’une dizaine d’autres établissements (IEP, Observatoires, écoles...). Les chancelleries des universités participeront également à cet effort à hauteur de 5 millions d'euros.
Résultat : 100 millions d’euros sont ainsi récupérés. Les établissements du Nord en portent à eux seuls plus d'un tiers, avec 35 millions d'euros à verser au pot commun. Les prélevements sur les facs et les écoles de la région Rhône-Alpes et d'Ile-de-France représentent chacun un quart de cette ponction.
En y ajoutant les 100 millions d’euros dégagés par l'Etat via l’achèvement d’un certain nombre d’opérations immobilières, dont Jussieu, cela donne la possibilité au ministère d’afficher une progression de l’enveloppe des universités de 200 millions d’euros. Tandis que le budget global de l’enseignement supérieur et de la recherche est en très légère baisse en 2015.
Ce redéploiement finance la création annuelle des 1.000 emplois, une partie de la progression des salaires des fonctionnaires (glissement-vieillesse-technicité), la compensation de l’exonération des boursiers ainsi que les mesures catégorielles pour les personnels de catégories B et C.
Un mécanisme de "solidarité" ou une "prime à la mauvaise gestion"
Les coupes ont néanmoins beaucoup de mal à passer dans les établissements concernés, qui dénoncent depuis plusieurs semaines une prime à la mauvaise gestion et une pénalisation des plus économes. "C’est un mécanisme de solidarité, un effort qui va bénéficier à tous", assure de son côté le cabinet du ministère. Et de contredire toute prime à la mauvaise gestion, les universités et les écoles visées disposant d’une épargne telle qu’on peut considérer cela comme "un excès de prudence", défend-on au cabinet. Des économies non "pertinentes économiquement", qui ne servent pas à investir, condamne le ministère, qui affirme vouloir encourager une "politique d’investissement".
Ce que démentent les universités visées. "Il n’y a pas 1 euro disponible dans mon fonds de roulement. Cet argent n’est absolument pas 'non mobilisé' ou 'dormant', comme certains voudraient le croire. Nous avons voté un plan pluriannuel d’investissement de 90 millions d’euros", s’énerve Xavier Vandendriessche, président de Lille 2, deuxième université la plus ponctionnée.
Quid de 2016 ?
Si la question est tranchée cette année, une autre crainte demeure : cette ponction va-t-elle se reproduire en 2016, pour boucler le prochain budget ? Le ministère argue qu’il ne peut se prononcer, "annualité budgétaire" oblige, mais glisse que cet "excès de prudence inutile" sera certainement toujours d’actualité en 2016. En effet, sur les 1,5 milliard d’euros des fonds de roulement, 350 millions ne sont pas mobilisés, estime le ministère, d’après le rapport rendu par les inspections sur les fonds de roulement début avril. Les universités n'ont plus d'autre choix que de casser rapidement leur tirelire.
TABLEAU des 47 établissements ponctionnés
Etablissements | Mobilisation des fonds de roulement (K €) | Nombre de jours de fonds de roulement restant |
Universités | -61 668 | |
Artois | -24 238 | 79 |
Lille 2 | -8755 | 72 |
Paris 2 - Assas | -7663 | 71 |
Pierre-Mendès-France (Grenoble 2) | -6682 | 69 |
Lyon 3 | -3020 | 92 |
Stendhal (Grenoble 3) | -2797 | 69 |
Corse | -2500 | 127 |
Polynésie Française | -2380 | 107 |
Nîmes | -1491 | 75 |
Bretagne Sud | -1109 | 66 |
Dijon | -1033 | 65 |
Ecoles d'ingénieurs | -23 452 | |
Ecole Centrale de Nantes | -2 720 | 105 |
INP Toulouse | -2 515 | 75 |
Ecole Centrale de Lille | -2 134 | 93 |
UT Compiègne | -2 057 | 75 |
IP Bordeaux | -1 599 | 80 |
ENSEA Cergy | -1 573 | 294 |
Ecole Centrale de Lyon | -1 263 | 76 |
ENSMA Poitiers | -1 232 | 91 |
INSA Toulouse | -1 163 | 72 |
ENI Brest | -1 115 | 123 |
ENI Metz | -1 108 | 98 |
ENSC Montpellier | -822 | 87 |
ENSMM Besançon | -759 | 97 |
ENSAIT Roubaix | -566 | 94 |
ENSI Caen | -557 | 76 |
ENI Tarbes | -445 | 74 |
ENSC Clermont-Ferrand | -427 | 106 |
UT Belfort-Montbéliard | -356 | 68 |
ENSC Lille | -335 | 84 |
UT Troyes | -270 | 67 |
ENI Saint-Etienne | -268 | 74 |
ENSC Paris | -168 | 73 |
Autres établissements | -11539 | |
GIP Amue | -2000 | 106 |
Inalco | -1565 | 70 |
Observatoire de Paris | -1527 | 134 |
Enssib Lyon | -1513 | 120 |
GIP Bulac | -944 | 73 |
Observatoire Côte d'Azur | -740 | 75 |
Ecole française d'Extrême-Orient | -698 | 68 |
IAE Paris | -568 | 128 |
IEP Lille | -499 | 140 |
Centre technique du livre | -478 | 108 |
IEP Aix | -419 | 68 |
Ecole française d'Athènes | -296 | 67 |
Académie des sciences | -156 | 127 |
IEP Lyon | -136 | 66 |
Les notifications aux établissements, qui interviendront dans la foulée du Cneser du 27 avril, sont également l’occasion de connaître la part de leurs budgets gelée. C’est-à-dire la réserve de précaution que bloque Bercy en début d’exercice budgétaire et qu’il peut débloquer ou non en fin d’année. Résultat pour 2015 : celle-ci augmente d’environ 1 point, atteignant un taux de 3,6% pour les établissements d’enseignement supérieur. Un pourcentage bien plus faible que pour les autres ministères, tient à souligner le cabinet.
Camille Stromboni | Publié le
Vos commentaires (5)
Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul...-
Une bonne solidarité acceptable ne peut s'établir que sur la réciprocité immédiate ou différée. En deux mots "donnant-donnant". Dans ce dispositif imposé par l'État, que rendent les universités bénéficiaires aux universités donataires ? Quels mécanismes d'équilibre ou de compensation ont été mis en place ? Sans ces mesures compensatoires équitables cette opération n'est qu'une prédation inconséquente organisée par l'Etat. Les conséquences sur la bonne gestion sont déjà connues et prévisibles.
Il serait intéressant de connaître les dotations de l'Etat par élève de ces universités et écoles. J'ai quand même le sentiment que la plupart des établissements touchés sont aussi ceux qui bénéficient le plus d'une répartition inéquitable des dotations et ce depuis des années. Il s'agit peut-être d'un début de péréquation entre établissements?
C'est le cas. Les modifications SYMPA de 2009 et 2010 ont favorisé de façon excessive certains établissements et les écoles bénéficiaient d'un traitement encore plus favorable. Le prélèvement sur les fonds de roulement apparaît comme la moins mauvaise solution alors que le budget de l'enseignement supérieur a été très fortement réduit (et pas en "très légère baisse" Educpro ;-) ).
Une bonne solidarité acceptable ne peut s'établir que sur la réciprocité immédiate ou différée. En deux mots "donnant-donnant". Dans ce dispositif imposé par l'État, que rendent les universités bénéficiaires aux universités donataires ? Quels mécanismes d'équilibre ou de compensation ont été mis en place ? Sans ces mesures compensatoire équitables cette opération n'est qu'une prédation inconséquente organisée par l'Etat. Les conséquences sur la bonne gestion sont déjà connues et prévisibles.
On peut avoir sur ce prélèvement deux vues opposées. Le première consiste à dire comme la CPU, c'est scandaleux, c'est la prime à la mauvaise gestion. Les bons élèves qui économisent pour investir demain sont punis. C'est tout à fait vrai, cela n'encourage pas la bonne gestion. C'est même contraire à l'autonomie des universités. Le deuxième point de vue est de dire, tout argent qui entre dans les caisses de l'Etat appartient à l'Etat. Donc tout ces fonds de roulement sont à l'Etat et pas aux microparcelles que sont les universités. Dans ce sens l'Etat étant en état de délabrement chronique et poussé a raison de ponctionner l'argent où il est. Là où le bas blesse, c'est que cette mesure ne peut être qu’exceptionnelle, "one shot", donc pour faire de l'investissement et certainement pas pour faire des dépenses de fonctionnements et encore moins de salaires. Pourtant c'est ce qui va se passer. Donc c'est une très mauvaise mesure. En effet l'année prochaine sera pire que cette année, l'incapacité de l'Etat à freiner ses dépenses le montre. Ainsi la mesure n'est là que pour éviter des grognements dans les universités. Grognements qui effrayent nos politiques. Politiques qui attendent un miracle économique. La République sera-t-elle sauvée par un miracle économique? Manifestons pour l'avoir!!!!
vous savez que nous sommes nombreux à avoir proposé une solution : supprimer le Crédit Impôt Recherche dont le détournement massif par les grands groupes industriels est maintenant une évidence publique. 5 Milliards d'euros de rentrées fiscales, cela donne des marges...