Comment former les architectes de demain ?

Nicolas Merli Publié le
De février à avril 2013, l’Ordre des architectes a organisé des débats autour de la formation de leur métier. Résultat : une vingtaine de propositions pour redynamiser et ouvrir la profession.

"Comment former les architectes pour qu'ils puissent remplir leurs missions professionnelles, leur rôle social, politique et de médiation dans la société du XXIème siècle ?". C'est la question qu'a posé l'ordre des architectes aux professionnels et aux acteurs de l'enseignement supérieur début 2013 pour élaborer une vingtaine de propositions présentées le 16 mai à la Tour Montparnasse.

Le ralentissement que connaît l'architecture depuis la crise économique pousse en effet les architectes à réfléchir aux évolutions de leur profession. Jusqu'en 2008, le secteur a bénéficié d'une bonne conjoncture. Depuis 2011, le nombre de projets réalisés et les chiffres d'affaires se sont tassés.

Difficile insertion professionnelle

Si les études d'architecture offrent un enseignement théorique de qualité, l'Ordre insiste sur la nécessite de mettre l'accent sur la pratique pour faciliter l'insertion professionnelle. Aujourd'hui, en effet, sur l'ensemble des diplômés (1.600 en 2011), seule la moitié s'inscrit à l'Ordre chaque année. Entrer dans une agence est quasi-impossible en fin d'étude : les 15.500 agences répertoriées comptent 1,7 salariés en moyenne. L'expérience est donc une véritable nécessité.

L'instance propose une revalorisation de la profession par la possibilité, pour les étudiants en licence et master, de prendre une année de césure au sein d'une entreprise d'architecture. Cette alternative à une formation en alternance est, pour Jean-Mathieu Collard, enseignant de l'ENSAS (ENSA de Strasbourg) et conseiller de l'Ordre, "bien plus adaptée à la situation économique des agences qui ne peuvent pas se permettre d'engager un étudiant pour 6 mois en temps partiel. Il faut laisser le temps aux jeunes de se familiariser avec le fonctionnement et la situation particulière des entreprises d'architecture".

Vers un enseignement plus transversal

Autre constat : l'enseignement de l'architecture est aujourd'hui de moins en moins adapté à une vision élargie de la profession et des métiers connexes qui s'y rapportent. L'Ordre a retenu plusieurs points de réflexion. Allier un pourcentage d'enseignements obligatoires à des modules complémentaires pendant les trois années de licence. Communs à tous les métiers de l'architecture, ces matières imposées permettront une meilleure appréhension de toutes les étapes de la conception et de la réalisation d'un chantier architectural.

L'HMONP (Habilitation à la Maîtrise d'Œuvre en son Nom Propre), qui s'effectue en un an à la fin du master, est remise en cause. L'Ordre voudrait supprimer l'appellation "architecte diplômé d'Etat" et rassembler l'ensemble du cursus (licence, master et HMONP) en un seul diplôme ouvrant droit au titre d'architecte après inscription au tableau de l'institution.

L'Ordre suggère aussi un développement de la "culture architecturale", le plus tôt possible : dès les classes du secondaire. Pour rompre avec l'image d'un domaine fermé et élitiste, il propose aussi une clarification des modes de sélection entre les 20 ENSA (Ecole Nationale Supérieure d'Architecture).

Plus de doubles diplômes

L'Ordre souhaite le développement de cursus proches pour les ingénieurs et les architectes, voire de doubles diplômes. Autre axe : faire croître la recherche doctorale et l'intégrer pleinement au parcours professionnel, en permettant aux jeunes architectes de s'investir dans l'innovation, l'expérimentation et les évolutions de la profession, liées aux contraintes nouvelles et toujours plus nombreuses (financières, écologiques, techniques, etc.).

Autre proposition structurelle : s'appuyer sur les grands pôles universitaires en cours de création. L'Ordre voudrait renforcer l'autonomie des écoles tout en les rapprochant de ces pôles pour créer un "effet campus" et élargir leurs offres. La formation continue est aussi mise en avant. Elle permettra aux professionnels en poste de suivre cette évolution.

Même si l'Ordre ne s'est pas exprimé sur les changements concrets qu'apporterait le projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche (et la possibilité d'une co-tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur sur les écoles d'architecture), il a fait part de ses propositions à Romane Sarfati et Jacques Fontanille, respectivement conseillers auprès des ministres de la Culture et de la Communication et l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Et attend leur retour...

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