Concours de l’enseignement : des notes inadmissibles pour être prof ?

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Concours de l’enseignement : des notes inadmissibles pour être prof ?
Les concours d'entrée devront-ils subir un lifting pour s'adapter à la réforme du baccalauréat ? // ©  Jessica Gourdon
Les concours de l’enseignement sont réputés difficiles d’accès et nombre de candidats malchanceux échouent chaque année aux épreuves. Pourtant les rapports de jury, année après année, montrent qu’avec des notes inférieures à 8/20, on peut devenir enseignant.

Pour devenir enseignant, il n’est pas nécessaire de décrocher la moyenne aux concours de recrutement. C’est donc… avec des notes qu’un proviseur qualifierait d’ "inadmissibles" pour ses élèves que la plus grande partie des candidats au métier d’enseignant sont déclarés admissibles – puis admis.

4/20 pour être admissible au concours de prof des écoles

L’Express a pointé les piètres résultats, pour la session 2014, aux écrits des concours académiques de professeur des écoles. "La barre d'admissibilité est ainsi, selon nos informations, fixée à 4/20 à Créteil, 5/20 à Paris, 4,5/20 à Versailles, et 7/20 à Strasbourg", précise  le magazine.
Des chiffres qui sembleraient inférieurs aux années précédentes… déjà pas brillantes. Dans l’académie de Limoges, par exemple, en 2012, la moyenne de l’épreuve de maths était de 6,13, et celle de l’épreuve de français, de 5,45. D’où des barres d’admissibilité (et ensuite d’admission) très basses pour atteindre le nombre de postes à pourvoir dans les écoles primaires.

Les copies du CAPES de philo : "d’indéchiffrables palimpsestes"

Quant aux concours pour enseigner dans le secondaire, tel que le CAPES, ils ne relèvent pas le niveau. Il suffit pour s’en convaincre de se plonger dans la lecture annuelle des rapports des membres de jury.
Ceux du CAPES de philosophie, en 2012, constatent que "nombre de copies se disqualifient elles-mêmes, soit d’être rédigées dans une langue mal maîtrisée, tant du point de vue de la syntaxe que de l’orthographe, soit de se présenter comme des brouillons, accumulant ratures, abréviations, innombrables rajouts dans les marges et les interlignes, graphie illisible, livrant ainsi d’indéchiffrables palimpsestes". Malgré tout, les barres d’admissibilité et d’admission ont pu être fixées, cette année-là, à 11/20. Un exploit ! Dans les autres disciplines, on est loin de la mention.

7/20 en compo d’histoire ou de géo au CAPES

Au CAPES d’espagnol, la même année, la barre d’admissibilité était de 5,38/20 (avec une moyenne d’admissibilité des candidats de 7,50/20) et la barre d’admission à 7,38/20 (avec une moyenne de 9,42/20).
En sciences économiques et sociales, ce n’est guère mieux : 6,50/20 pour la barre d’admissibilité et 7,63/20 pour la barre d’admission (avec une moyenne générale de 10,1/20 pour les admis).
Quant aux lettres modernes, la barre d’admissibilité s'établit à 6/20 et celle d'admission à 7,25/20 (avec une moyenne générale de 9,31 à l’admissibilité et 11,08 à l’admission).

Au CAPES d’histoire-géographie, la barre d’admissibilité est restée à 6/20 en 2010, 2011 et 2012. La barre d’admission a été respectivement, pendant ces trois années, de : 8,58, 9,13 et 8,83. Souvent, ce sont les notes de l’oral qui permettent de remonter les résultats des écrits. Toujours au CAPES d’histoire-géo en 2012, la moyenne de la compo d’histoire était de 7,13/20 et celle de la compo de géo de 7,01/20.

"L’excellence n’est jamais le fruit du hasard"

Les sujets sont-ils trop difficiles ? Les correcteurs trop sévères ? Les candidats pas à la hauteur ? Ou le nombre de postes trop important par rapport au vivier de postulants ? En poursuivant la lecture des rapports du jury, il semblerait pourtant que certains lauréats aient toutes les capacités requises.
Comme le soulignent les membres du jury du CAPES de philo, toujours en 2012 : "trop de copies, en somme, trahissent l’impréparation et la méconnaissance des exigences les plus élémentaires de la dissertation, relatives aussi bien à la lecture et à l’analyse du sujet qu’à la construction du devoir – apparemment, la nécessité d’élaborer une introduction, de présenter sous forme de parties les différents moments de la réflexion, de rédiger une conclusion, ne va pas de soi pour tous. A l’opposé, les meilleures copies témoignent toujours d’un savoir-faire, d’une culture solide, maîtrisée, convoquée avec discernement, d’un sens des problèmes auquel seules la fréquentation assidue des auteurs et la régularité des exercices, ont pu permettre de donner son entière acuité. Ici comme ailleurs, l’excellence n’est jamais le fruit du hasard".

Décrocher la moyenne ne pourra jamais être une condition pour être reçu : trop peu de candidats sont dans ce cas

Les bons candidats ne sont pas légion

Ces "bons éléments" décrochent des notes plus qu'honorables : la candidate classée première au CAPES d’anglais, en 2012, a eu plus de 16 de moyenne (alors que la moyenne des candidats admis était de 9,24/20) ; la même année, au CAPES de lettres, la major du concours a obtenu une moyenne de 17,9/20 (la moyenne des admis étant de 11,08/20).
Mais à quoi bon se décarcasser… puisque leurs excellents résultats ne les démarqueront pas des autres lauréats, une fois en poste ? Et que décrocher la moyenne ne pourra jamais être une condition pour être reçu : trop peu de candidats sont dans ce cas.
Les membres du jury du CAPES d’espagnol, en 2012, sont atterrés : "hormis quelques prestations très brillantes, exprimées dans une langue fluide, naturelle et précise, le niveau de langue général des candidats a semblé préoccupant au jury. La langue espagnole est souvent mal maîtrisée, parfois vraiment martyrisée et quand tel n’est pas le cas, elle reste imprécise et artificielle. Ces remarques, qui s’appliquent à l’écrit aussi, sont flagrantes pour l’oral".

Peut mieux faire… mais il faut le vouloir

La variable d’ajustement des examinateurs la plus simple pour pallier le faible niveau des candidats reste finalement de ne pas pourvoir tous les postes. Impossible, en revanche, de trop relever les barres d’admissibilité et d’admission. Surtout dans les disciplines où les candidats manquent à l’appel. Comme au CAPES de maths. En 2008, il y avait plus de 4 présents pour 1 poste à ce concours, aujourd’hui, le ratio est de 1,5 (avec un jury qui ne veut pas descendre trop bas : la barre d’admissibilité était de 6,75/20 et celle d’admission de 9,40/20, en 2012).
Malgré tout que les candidats recalés se rassurent. Quota de postes pourvus ou pas, le ministère recrute aussi parmi les non-admis (ceux-là même dont les résultats sont encore inférieurs aux barres d’admission pourtant fixées par les jurys) quand il faut placer dans l’urgence des enseignants remplaçants dans les établissements scolaires. Inadmissible ?

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