Concours des grandes écoles et laïcité : le Grand rabbin de France va demander que la Pâque juive soit inscrite dans les textes officiels

Propos recueillis par Sophie Blitman Publié le
Le 12 avril 2011, Mediapart lançait la polémique en affirmant que des "sessions secrètes de nuit" allaient être organisées pour permettre à des candidats de composer en dehors de la Pâque juive (Pessah). Après le démenti des responsables des concours Mines-Ponts et Centrale-Supélec , EducPros a interrogéle Grand rabbin Haïm Korsia, conseiller auprès du Grand rabbin de France sur les affaires de société, et donc notamment sur l’enseignement supérieur, qui dément également.

Comment sont déterminées les dates d’autorisation d’absence des fonctionnaires, qui sont par extension les mêmes que celles des élèves dans les classes ?

"Nous n’avons jamais voulu plier la République à nos fêtes"

Tous les ans, les représentants des différents cultes transmettent les dates de leurs principales fêtes au ministère [de la Fonction publique, ndlr]. Cela se fait depuis longtemps. En 1953, un texte mentionne de nombreuses fêtes juives : le Grand Pardon, le jour de l’An, Pâque, la Pentecôte, mais aussi la fête des cabanes et même les Chabbat. A l’époque, cela ne concernait que la religion juive.
C’est en 1992 qu’on a intégré d’autres cultes et qu’il a été décidé de fixer trois fêtes par religion. Mais cela est biaisé parce que les conditions respectives des uns et des autres ne sont pas les mêmes : les bouddhistes, par exemple, peuvent écrire pendant leurs fêtes.
Pessah a alors été supprimée, puis remise pendant quelques années, avant d’être à nouveau supprimée. Cependant on nous a dit : "on enlève Pessah, mais on fera attention chaque année aux dates". Cela ne nous posait pas de problème : nous n’avons jamais voulu plier la République à nos fêtes ! Ce qui nous importe, c’est que les étudiants n’aient pas à choisir entre leur religion et leur identité républicaine pleine et entière.

Cette année, pourtant, cela n’a pas été le cas. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche parle d’un "oubli". Quel est votre point de vue ?

"Les écoles sont souveraines et je le respecte"

Le calendrier des concours est très serré cette année, et c’est particulièrement problématique car il s’agit de "grands" concours. On a évoqué des pistes avec les écoles, mais il fallait bien sûr garantir l’équité du concours.
La demande d’un confinement est une banale pratique, qui a cours notamment dans les DOM-TOM. Nous ne sommes pas hors des cadres de la République ! C’est précisément parce qu’on a la chance d’être dans un pays laïc qu’on peut parfois faire des arrangements. Cependant, la solution aurait été de faire composer les élèves de nuit, puis le lendemain dès 8h, ce qui a été refusé. Or, les écoles sont souveraines et je le respecte.

Avez-vous contacté l’Elysée pour lui demander d’appuyer votre demande ?

"S’il y avait eu un ordre à donner, il aurait été de changer la date du concours"

Je n’ai aucune proximité avec l’Elysée, et je n’ai pas de lien avec le président, si ce n’est qu’il est mon chef [le Grand rabbin Korsia est aumônier général israélite des armées françaises, ndlr].
L’Elysée n’est absolument pas intervenu là-dedans que je sache : s’il y avait eu un ordre à donner, il aurait été de changer la date du concours, pas de faire des sessions supplémentaires. Cela n’a pas été le cas. Quant à l’aspect secret de ces sessions évoqué par Médiapart, je tiens à préciser qu’en 2009, j’ai fait très officiellement une requête auprès du médiateur de la République pour l’avertir du problème. Nous ne sommes pas dans une démarche de secret. Pour éviter tout problème à l’avenir, le Grand rabbin de France va demander que Pessah soit inscrite dans les textes officiels.

Propos recueillis par Sophie Blitman | Publié le