S. de Miollis (groupe IGS) : "Nous menons notre plus grand virage structurel"

Agnès Millet Publié le
S. de Miollis (groupe IGS) : "Nous menons notre plus grand virage structurel"
Le futur campus d'Igensia dédié à l'alternance dans le quartier des Groues à Nanterre. // ©  Photo fournie par l'établissement
À la tête du groupe d'enseignement supérieur privé IGS - qui devient Igensia education en septembre -, Stéphane de Miollis nous explique ses projets. Tandis qu'une restructuration juridique est en cours, le groupe s'est allié à l'Institut Supérieur Maria Montessori (ISMM) et veut défendre son modèle privé non-lucratif.
stephane de Miollis directeur général IGS
stephane de Miollis directeur général IGS © Photo fournie par le témoin

Après avoir occupé différents postes à responsabilité chez Renault, Amaury Group et Adecco, Stéphane de Miollis a été nommé directeur général exécutif du groupe IGS en 2021. Il nous partage ses ambitions pour le groupe d'enseignement supérieur privé.

Le groupe IGS, rebaptisé groupe Igensia education en septembre 2024, rassemble plusieurs écoles dont l'ICD, l'IGS RH, l'ISCPA et l'IMSI ainsi qu'un pôle insertion, inclusion et un pôle formation continue, soit 15.000 apprenants.

Quels sont vos projets pour le groupe IGS ?

Le groupe se porte bien, puisque nos deux derniers exercices sont excédentaires et que le prochain le sera également. C'est une performance significative, avec une croissance de 8% en formation initiale, un peu au-dessus du marché.

En tant que fédération d’associations indépendantes à but non lucratif, nous n'avons pas d'actionnaires. Nous réinvestissons donc trois millions par an dans la recherche et deux millions d'euros par an dans l'inclusion, pour un chiffre d'affaires de 140 millions d'euros.

Nous sommes aussi en train de mener le plus grand virage structurel du groupe, depuis sa création, il y a 50 ans. Aujourd'hui, il est composé de 27 associations : elles seront regroupées dans quatre entités. Il n'y aura ainsi qu'une seule association pour nos dix écoles.

Nous faisons notre choc de simplification, pour réaligner les structures, fluidifier les relations et les processus en interne

Nous faisons notre choc de simplification, pour réaligner les structures, fluidifier les relations et les processus en interne. Cette redéfinition juridique, qui doit déboucher à la rentrée, nous permettra d'avoir une agilité structurelle forte.

Ce travail, lancé il y a 18 mois, mobilise nos collaborateurs. Nous sommes accompagnés par les parties prenantes – dont les institutions – afin de conserver nos grades, nos titres et notre présence sur Parcoursup. Pour les étudiants, il n'y aura pas d'impact en termes de lisibilité.

Avez-vous d'autres projets ?

A moyen ou long terme, nous avons un plan de marche pour tendre à la qualification Eespig. Nous discutons avec la Dgesip (Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle) mais, pour le moment, le dossier est en suspens puisque des décisions doivent être prises sur la création d'un label pour réguler l'enseignement supérieur privé lucratif.

De même, nous voudrions décrocher de nouveaux visas pour nos bachelors de l'ISCPA et de l'Esam… Mais là aussi, le sujet est en suspens.

Quelle est votre position sur le projet de régulation de l'enseignement supérieur privé ?

Il faut encourager tout ce qui apporte de la lisibilité aux familles et tout label qui prône la qualité des formations et l'employabilité. Je suis favorable à tout ce qui ira vers le qualificatif, pour écarter les opportunistes lucratifs. Dès que l'on touche de l'argent public, il faut être exemplaire.

Je suis favorable à tout ce qui ira vers le qualificatif, pour écarter les opportunistes lucratifs

La question de ce que veut dire "reconnu par l'État" - une expression utilisée abusivement - se pose. Par exemple, à l'IGS, nous formons des apprenants de 17 à 60 ans, du bac pro à la formation continue.

Nous avons trois tutelles : le ministère de l'Education nationale, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et le ministère du Travail. Cela implique de nombreux contrôles, pour les visas et les grades, mais aussi pour Qualiopi. Mais les demandes ne sont pas toujours cohérentes et les visions ne sont pas toujours compatibles.

Est-ce qu'un RNCP est suffisant pour garantir la qualité ?

Obtenir un titre RNCP ou le faire renouveler n'est pas facile. La difficulté vient du nombre de ministères qui délivrent des certifications, ce qui complexifie la notion de reconnaissance par l'État.

Il faudrait un travail interministériel pour établir un socle de standards communs, qui ne soient ni exclusivement académiques ni exclusivement professionnalisants et avec un niveau de qualité à la hauteur de l'enjeu. Assorti d'un contrôle, il permettrait d'avoir le tampon "reconnu par l'État".

Si l'on crée un nouveau label, cela veut dire que tout le monde ne sera pas éligible et qu'il y aura un effet de régulation. Je pense que les moyens mis en œuvre pour la pédagogie doivent faire partie des critères de ce label.  

Reste à se demander : si l'on crée un label, cumulera t-on les certifications ? Sinon, quel contrôle enlève-t-on à la place ? Et comment l'articule-t-on avec Parcoursup?

La mission de l'éducation n'est pas une mission comme les autres. Ce n'est pas un marché comme les autres, ni un bien de consommation

La mission de l'éducation n'est pas une mission comme les autres. Ce n'est pas un marché comme les autres, ni un bien de consommation : c'est un marqueur de vie. Il ne faut pas en faire n'importe quoi. Le fait qu'il y ait du privé et du public est une richesse, mais ce n'est pas le bon secteur pour les acteurs qui veulent juste chercher le profit.

Vous avez construit votre carrière dans d'autres secteurs : l'automobile, les médias et le sport et les ressources humaines… Ce n'est donc pas pareil de travailler dans l'industrie automobile ou dans l'éducation ?

Non, pas pour moi. J'ai exercé 33 ans dans trois groupes avec des modalités capitalistiques différentes, mais je suis venu à l'IGS car je voulais rejoindre une association. Passés 50 ans, le sujet de la transmission devient important.

Je ne connaissais pas l'associatif mais je prône ce modèle pour des secteurs ayant une vocation de service public. Le modèle associatif, utilisé pour une mission d'éducation, crée un engagement très fort des collaborateurs.

La qualification Eespig clarifierait définitivement ce positionnement d'association à but non lucratif.

Et l'IGS a procédé à la reprise de l'Institut supérieur Maria Montessori, qui était placé en redressement judiciaire, à l'automne dernier...

L'ISMM est un organisme de formation. Il forme des éducateurs à cette méthode pédagogique, avec un diplôme accrédité par l'association Montessori internationale. Il compte aussi deux "écoles d'application", pour mettre en pratique la formation, qui accueillent 170 enfants de 3 à 12 ans.

L'ISMM a rencontré de grandes difficultés avec la crise sanitaire. Nous avons donc formé cette alliance : nous garantissons que nous pouvons couvrir leurs dettes. Cette alliance est très récente, elle ne date que de février.

Quels projets communs seront lancés?

Nous voulons d'abord connaître les pratiques Montessori, pour voir comment elles pourraient imprégner nos pédagogies. Nous pensons que beaucoup d'ingrédients pourraient être adaptés aux 18-24 ans.

Nous avons monté un comité scientifique, regroupant des acteurs de l'ISMM et des enseignants-chercheurs d'IGS. Nous avons aussi rencontré l'organisation internationale pour discuter de ce projet pilote [baptisé M 1824]. Et, par ailleurs, au sein de Pédadogia, notre école dédiée à la pédagogie, une cellule de recherche travaillera aux modalités de l'application de la méthode Montessori dans le supérieur.

Nous voulons lancer une expérimentation de filière Montessori pour les 18-24 ans, à la rentrée 2026. Nous ne savons pas encore à quelle école ou quelle discipline elle sera adossée.

Se pose aussi la question d'un projet de crèche d'application. Et pourquoi pas, à terme, regrouper, dans un même bâtiment IGS, des structures allant de la crèche à l'enseignement supérieur. C'est un rêve que je trouverais intéressant. Nous voudrions aussi explorer le champ du grand âge. Nous pourrions élaborer un continuum de formation basé sur Montessori.

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