Conférence de l’EUA : l’attraction des talents au coeur des débats

Mathieu Oui, envoyé spécial à Aarhus (Danemark) Publié le
Conférence de l’EUA : l’attraction des talents au coeur des débats
Inauguration de la Conférence // © 
Comment continuer à attirer et former les talents de demain dans un monde marqué par la globalisation ? Réunie à l’université d’Aarhus au Danemark du 13 au 15 avril à l'occasion de sa conférence annuelle, l’Association des universités européennes (EUA) a tenté de répondre à cette question hautement stratégique. Extraits des échanges.

En élisant pour la première fois une femme comme présidente , les membres de strong>l’Association européenne des universités (en anglais EUA) ont-ils voulu envoyé un message à leurs pairs ? Réunis pour leur conférence annuelle à l’université d’Aarhus, au Danemark, du 13 au 15 avril, les participants ont débattu deux jours durant autour du thème : "Investir aujourd’hui dans le talent de demain". Une thématique qui a permis, entre autres sujets, d’aborder la question de la parité et de l’égale opportunité de carrières universitaires entre les sexes.

Déséquilibre des postes

"Nous avons beaucoup de doctorantes et de professeurs associées dans notre université, mais les femmes sont beaucoup plus rares dans les postes à hautes responsabilités", a ainsi témoigné Babette Simon, vice-rectrice de l’université d’Oldenbourg en Allemagne. "Il suffit de regarder notre assemblée aujourd’hui pour comprendre de quoi je parle", a ironisé l’universitaire devant une assistance très majoritairement masculine. A propos de la recherche de talents, l’universitaire allemande a souligné combien son pays était confronté à une crise de recrutement, relevant le manque de jeunes dans des carrières scientifiques et la difficulté à remplacer les départs d’ingénieurs en retraite. "Sans actions concertées pour la rectifier et au regard de la globalisation croissante de l’économie, cette tendance pourrait conduire à une perte de croissance et de compétitivité." Des actions concertées qui passent par une ouverture des universités à de plus larges publics, qu’ils soient étrangers ou salariés en reconversion mais qui passe aussi par la sensibilisation des futurs étudiants dès leur scolarisation dans l’enseignement primaire.

A l’université d’Ankara, pas de plafond de verre

"Nous n’avons pas de plafond de verre à l’université d’Ankara", s’est de son côté félicité  Cemal Talug, son recteur. Et ce dernier de donner quelques statistiques quant  à la place des femmes dans son établissement : elles occupent deux-tiers des postes de vice-recteurs, 46% des ceux de directeurs administratifs et 38% des postes de professeurs. "C’est le résultat d‘une politique concrète en faveur de l’émergence des femmes que nous poussons dès le début à prendre des responsabilités, par exemple en leur proposant des postes d’assistant." Le recteur a également reconnu une tradition des familles turques, surtout dans les grandes villes, à encourager les filles vers les carrières universitaires. 

Sensibiliser à la recherche dès le premier cycle

Parmi les groupes de travail de la conférence, l’un d’entre eux était consacré au thème  "développer les capacités de recherche dès le premier cycle". Un sujet qui a suscité plus d’interrogations qu’il n’a apporté de réponses concrètes. Au cœur des débats : la difficulté à développer les capacités de recherche dans le contexte d’une université de masse. Et compte-tenu de la compétition internationale, du poids croissant des rankings et des politiques nationales qui s’y référent (initiatives d’excellence en Allemagne, opérations campus en France…), les fonctions d’enseignement et de recherche rentrent elles mêmes en concurrence en termes de temps, d’espace ou de ressources dégagées par les universités. Ont étaient aussi abordées la nécessité de former les enseignants-chercheurs à leur activité de pédagogue. Comme l’a fait remarquer Tamas Meszaros de l’université Corvinus de Budapest, "les nouvelles technologies utilisées aujourd’hui pour faire face à la massification des étudiants, ne pourront en aucun cas remplacer la relation entre l’étudiant et son professeur. En matière de recherche, c’est cette relation qui va permettre de se confronter à la méthodologie et surtout aux questionnements qu’implique la recherche."

De la difficulté à faire émerger des leaders

Un autre groupe de travail portait sur le thème : "Comment identifier et former les futurs leaders ?". Si la première question a été un peu éludée, la formation semble encore une zone à défricher pour les universités. Des formations au leadership ont bien été présentées, notamment un exemple suédois, mais leurs retombées sont difficiles à mesurer, le leadership s'évaluant sur le moyen ou long terme d’une carrière. Paule Biaudet, de l’institut de formation doctorale de l’UPMC, a souligné la difficulté à éloigner les doctorants de leur labo pour des sessions de formation non directement en lien avec leurs travaux. "Il n’est pas évident de convaincre les superviseurs de thèse que s’investir dans d’autres activités n’est pas une perte de temps mais un investissement pour développer d’autres compétences et notamment des capacités de leader." Et Paule Biaudet de souligner l’avance des universités britanniques en la matière, à travers les programmes d’accompagnement des chercheurs de l’organisme Vitae .

Post-doc : le maillon faible 

Sur cette question de l’accompagnement des carrières des jeunes chercheurs, la période post-doctorale apparaît clairement comme le "maillon faible" de ces parcours universitaires. "Nous devons améliorer le suivi des jeunes docteurs et les accompagner après l’obtention de leur thèse", a déclaré Babette  Simon. La vice-rectrice de l’université d’Oldenbourg a relevé la difficulté de trouver des stages et la nécessité d’envisager des programmes de financement spécifiques. Cette attention au post-doctorat est d’autant plus nécessaire que 50% des détenteurs d’une thèse ne poursuivent pas une carrière académique. Là encore et au plan européen, il n’est pas certain que la préparation vers l’insertion en entreprise soit également bien assurée sur l'ensemble du continent.

Mathieu Oui, envoyé spécial à Aarhus (Danemark) | Publié le