L'application des frais différenciés pour les étudiants étrangers est en hausse

Amélie Petitdemange Publié le
L'application des frais différenciés pour les étudiants étrangers est en hausse
Le nombre d'étudiants internationaux payant les frais différenciés est en hausse. // ©  DEEPOL by plainpicture
La part d'étudiants étrangers qui se sont acquittés des frais différenciés a augmenté de 36% en un an, selon une récente note du SIES. La grande majorité des étudiants extracommunautaires restent cependant exonérés, puisque de nombreux établissements refusent d'appliquer ces frais.

Va-t-on vers une plus grande application des frais différenciés pour les étudiants internationaux ? Le nombre d’étudiants étrangers (hors Union Européenne) qui paient des frais différenciés pour étudier en France a augmenté de 36% entre 2021 et 2022, selon une étude du SIES, publiée en février. Ils sont passés de 5.900 en 2021 à 8.000 étudiants à payer un tarif plein, à la rentrée 2022.

Plusieurs facteurs expliquent cette hausse. D'une part, les étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur avant la mise en place de ces droits différenciés, en 2019, ne sont pas concernés. Or, ils quittent petit à petit l'enseignement supérieur et sont remplacés par des nouveaux entrants, qui sont eux soumis à ces frais.

D'autre part, le nombre d’étudiants étrangers dans le périmètre d’application des droits différenciés augmente. Ils sont passés de 96.600 à 103.200 entre les rentrées 2021 et 2022.

Enfin, les étudiants sont moins nombreux à être totalement exonérés des frais - à savoir des frais différenciés et des droits d'inscription. La note du SIES souligne que ce type d'exonérations a diminué de 14% entre les rentrées 2021 et 2022. Les exonérations partielles - qui permettent aux étrangers extracommunautaires de bénéficier des mêmes frais que les étudiants européens - ont, quant à elles, augmenté de 9%.

Seuls 7,8% des étudiants internationaux payent la totalité des frais

Mis en place en 2019, les droits différenciés concernent potentiellement les étudiants extracommunautaires inscrits en diplôme national de licence, master ou cycle d’ingénieur à l’université.

Cinq ans après l'instauration du dispositif, la majorité des étudiants étrangers sont donc exonérés - 60 % partiellement et 10% totalement - tandis qu'un quart d'entre eux demeurent hors du périmètre d’application.

Si la hausse des étudiants payant ces frais différenciés est notable, leur part reste donc faible. En effet, ce sont 7,8% des étudiants étrangers qui paient la totalité de ces frais en 2022.

Une majorité d'universités s'opposent aux frais différenciés

Ce faible pourcentage s'explique notamment par une résistance des établissements du supérieur à leur application. La majorité des universités, soucieuses de leur ouverture, refusent de les appliquer. C'est par exemple le cas à l'université de Poitiers, qui compte plus de 4.000 étudiants internationaux.

"Depuis leur mise en œuvre, nous n'appliquons pas les frais différenciés. Et notre objectif est de ne pas les appliquer, aussi longtemps que nous le pourrons", indique Noëlle Duport, vice-présidente en charge des formations à l'université de Poitiers. Le conseil d'administration de l'université a en effet voté le fait que les étudiants extracommunautaires ne soient pas assujettis à ces frais. "Nous avons une politique inclusive, y compris envers ces étudiants", affirme Noëlle Duport.

Même prise de position à l’université Sorbonne nouvelle, qui accueille environ 5.000 étudiants internationaux, soit un tiers de leurs effectifs. "Notre objectif est d’exonérer un maximum d’étudiants", affirme sans détour Daniel Mouchard, président de l’établissement.

La possibilité d’exonérer 10% des effectifs d'étudiants étrangers

Légalement, les universités peuvent exonérer totalement ou partiellement seulement 10% de leurs effectifs étudiants étrangers. La Sorbonne nouvelle veut "optimiser" ce quota en multipliant les exonérations pour les internationaux jusqu’à atteindre ce chiffre. Aucune tendance baissière n’est donc à prévoir dans cette université.

Pour autant, les exonérations sont accordées sur des critères précis et objectifs, votés par le conseil d’administration. Sont notamment pris en compte le fait d’être boursier, en situation de handicap, en apprentissage, en enseignement à distance, ou encore avec un visa longue durée.

L'université de Poitiers n'atteint pas non plus ce quota, notamment grâce à un autre mécanisme. "Nous avons des conventions avec des universités à l'étranger, dans lesquelles nous intégrons systématiquement une exonération. Or, ces partenariats n'entrent pas dans le quota imposé", pointe Noëlle Duport. Si les conventions ne sont pas signées uniquement dans ce but, l'université est toutefois attentive à inclure ce point.

Une menace pour l’attractivité et les valeurs de l’université

Face à l'augmentation du nombre d'étudiants concernés, les universités sont cependant de plus en plus nombreuses à frôler cette limite, et pourraient donc être contraintes à davantage appliquer les frais différenciées. Une situation redoutée par les chefs d’établissement.

"Cela aurait clairement des conséquences négatives, notamment en termes d’attractivité", souligne Daniel Mouchard. L’université de Poitiers anticipe elle aussi la perte de nombreux étudiants si ces frais venaient à être appliqués.

Une crainte nuancée par Donatienne Hissard, directrice générale de Campus France. "On peut avoir l'impression que ces frais différenciés provoquent un rejet à l'étranger. Mais, au contraire, c'est très accepté dans les mœurs. En tout cas, il n'y a pas eu d'effet dissuasif", assurait-elle dans un entretien à EducPros.

D'ailleurs, les derniers chiffres de Campus France montre une hausse du nombre d'étudiants étrangers de 3% en 2022-2023 par rapport à l'année précédente, avec 412.087 étudiants inscrit dans l'enseignement supérieur français. Sur cinq ans, entre 2017 et 2022, la croissance des étudiants étrangers accueillis en France atteinte 17%. Le pays reste la sixième destination mondiale des étudiants en mobilité.

Au-delà de l'attractivité de la France, les universités de Poitiers et de Sorbonne Nouvelle pointent par ailleurs la mise en danger des valeurs fondamentales de l’université : l’ouverture sur le monde et la solidarité.

Une hausse de 34% des effectifs d'étudiants d'Afrique Subsaharienne

Selon la dernière étude de Campus France, publiée mi-avril, les plus fortes hausses d'effectifs d'étudiants étrangers viennent d’Afrique subsaharienne (+34%) et d’Europe continentale (+21%).

Les cinq premières origines des étudiants accueillis en France restent le Maroc, l’Algérie, la Chine, l’Italie et le Sénégal.

Amélie Petitdemange | Publié le