Enseignement supérieur : 34 établissements travaillent à leur premier contrat d'objectifs, de moyens et de performance

Sarah Nafti Publié le
Enseignement supérieur : 34 établissements travaillent à leur premier contrat d'objectifs, de moyens et de performance
L'université Le Havre Normandie fait partie de la première vague des établissements qiu vont expérimenter les contrats d'objectifs, de moyens et de performance. // ©  Michael LUMBROSO/REA
Une trentaine d'établissements vont expérimenter les premiers contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP), lancés par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en mars 2023. Avec, à la clef, 100 millions d'euros par an, pour cette première vague durant trois ans, liés à la réalisation d'objectifs précis.

D'ici l'été, ils seront 34 établissements à avoir signé les nouveaux Contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP), annoncés mi-mars. Ces contrats sur trois ans visent à prendre le relais du dialogue stratégique de gestion qui disparaîtra progressivement. Ils introduisent un suivi de la performance des établissements sur la poursuite d'objectifs prioritaires.

"Nous avons déjà l'habitude de travailler avec des indicateurs associés à des volets dans les contrats", note Gilles Roussel, président de l'université Gustave Eiffel – concernée par cette première vague de COMP. Il estime que la mise en place des COMP n'est pas un changement "majeur", mais permettra un dialogue plus régulier avec le ministère, par le biais du rectorat.

Ce dernier échangera régulièrement avec l'établissement pour, à la fois accompagner la mise en place du contrat et vérifier le bon suivi des indicateurs. Les subventions des COMP s’effectueront en plusieurs versements, qui seront suspendus si l’établissement ne tient pas ses objectifs annuels, prévient le ministère.

Des objectifs précis assortis d'une enveloppe budgétaire

En complément du contrat quinquennal qui perdurera pour porter des axes de plus long terme, le COMP a des objectifs spécifiques fixés par le ministère, qui conditionnent la reconduction des aides financières dédiées : la formation aux métiers en tension, le bien-être et la réussite des étudiants, le développement de la recherche et de l'innovation, la mobilisation en faveur de la transition écologique et l'optimisation de la gestion et du pilotage de l'établissement.

"Ce qui est intéressant, c'est l'explicitation par le ministère des objectifs à atteindre", souligne Gilles Roussel.

L'État propose ainsi des moyens supplémentaires, qui correspondent à un peu moins de 1% de la subvention pour charge de service public - principale source de financement des universités -, ce qui "n'est pas négligeable" dans le budget total, utilisé pour l'essentiel par la masse salariale et les charges fixes. Pendant trois ans, 100 millions d'euros par an seront débloqués pour cette première vague, selon une répartition "équitable entre l’ensemble des établissements et en fonction de projets", précise le ministère.

Des indicateurs en cours d'élaboration pour un suivi stratégique

Les établissements travaillent actuellement à l'élaboration des indicateurs à mettre en place, en lien avec le rectorat. "Nous travaillons à fournir des éléments de bilan qui nous sont demandés, avec de nombreux indicateurs", remarque Étienne Peyrat, vice-président de l'université de Lille.

L'objectif est de signer les contrats d'ici l'été, un "calendrier très serré" car ce travail s'ajoute à celui de construction du projet pour le COMP, pour lequel "la présidence souhaite des discussions dans le comité de direction, des échanges avec les doyens et les directeurs de composantes".

En outre, l'université de Lille va également bâtir son projet en concertation avec l'Ensait et Sciences po Lille, qui font partie de l'EPE (établissement public expérimental) et de la première vague des COMP.

Étienne Peyrat salue la "relation de proximité" qu'implique le rôle du rectorat dans les COMP ainsi que la volonté du ministère" de renouer un vrai dialogue stratégique".

Même diagnostic à l'Insa Centre Val de Loire. "Nous avons un mois pour établir les priorités dans le cadre défini" pour ensuite décliner les aspects budgétaires, observe Yann Chamaillard, directeur. Un temps "très court", mais "cette approche, efficace, est intéressante".

L'école d'ingénieurs envisage d'élargir son offre de formation continue dans des domaines comme les énergies décarbonées et les énergies renouvelables notamment. L'établissement réfléchit également à des projets autour du bien-être étudiant et de la transition écologique, avec l'amélioration bâtimentaire ou la réalisation d'un bilan carbone.

Plus de visibilité pour lancer des projets via les COMP

"Ce qui change avec les COMP, c'est de faire le lien entre les objectifs et les moyens attribués par l'État", explique Pedro Lages Dos Santos, président de l'université Le Havre Normandie. En théorie, nous aurons plus de visibilité sur les moyens que nous aurons à disposition."

Ainsi, auparavant, les moyens étaient négociés chaque année et "revenir sur une échéance pluriannuelle nous permet de nous organiser pour mettre en œuvre nos actions".

Les COMP peuvent concerner des projets existants. L'université porte un projet intitulé "Vers un campus polytechnique des territoires maritimes et portuaires", qui vise à créer un "écosystème innovant" impliquant les partenaires territoriaux et le monde socio-économique. Le COMP peut permettre de "faire levier" pour mettre en place certaines transformations structurantes.

"Par exemple, sur la formation professionnelle, nous avons développé un hub qui pourrait regrouper les acteurs volontaires et offrirait au territoire une porte d'entrée unique et plus performante afin de mieux anticiper les besoins."

Pour le président, là où l'exercice est difficile, c'est dans le fait "de déterminer les bons indicateurs sur des actions jamais entreprises par le passé".

Selon Yann Chamaillard, le passage à l'échéance pluriannuelle, après une période plus court-termiste, est une bonne nouvelle "même si l'enveloppe reste modeste par rapport à l'ensemble des moyens alloués". L'échéance de trois ans "doit nous permettre d'initier des projets et d'arriver à mobiliser d'autres fonds pour leur donner plus d'ampleur et les pérenniser".

Des points à éclaircir pour intégrer à terme 140 établissements dans les COMP

Toutefois, remarque Gilles Roussel, les COMP restent des financements à trois ans, ce qui peut poser problème pour la mise en œuvre de projets nouveaux.

"Aujourd'hui, la question est de savoir comment pérenniser les compétences, et comment l'accompagnement des transformations se fait dans la durée. Par exemple, c'est bien de pouvoir financer l'introduction du numérique dans certains métiers, mais ça ne se fait pas en seulement deux ans, avec des personnels en contrats courts."

La logique des COMP est de financer des projets qui, à terme, n'auront plus besoin de soutien de l'État et trouveront des financements par ailleurs. Le but n'est donc pas d'embaucher des personnels de manière pérenne.

"Pourtant, si par exemple, nous souhaitons ouvrir une filière dans l'intelligence artificielle pour répondre à la problématique des métiers d'avenir, il faut financer des emplois. La logique du COMP serait plutôt de financer la transformation de filières déjà existantes ou d'en fermer certaines pour en ouvrir d'autres. Mais nos filières sont déjà pleines et offrent des débouchés. Il s'agirait plutôt de savoir comment prendre davantage d'étudiants."

Par ailleurs, Yann Chamaillard relève que si les projets relevant de la formation continue ou de l'apprentissage peuvent plus facilement trouver d'autres sources de financement au bout des trois ans, certains projets, comme ceux autour du bien-être et de la réussite étudiante "n'ont pas vocation à générer des recettes".

De son côté, Étienne Peyrat s'interroge sur l'articulation avec d'autres crédits déjà prévus dans le dialogue stratégique de gestion (DSG). Ainsi, une partie du financement servait à compenser le GVT (Glissement vieillesse technicité), un point "épineux" dans le budget des universités. "Quid de cette compensation ? "s'interroge t-il.

Des éclairages à apporter puisque ce sont, à terme, 140 établissements qui doivent être concernés par ces contrats, mis en place en trois vagues successives.

Sarah Nafti | Publié le