Enseignement supérieur : les chantiers qui attendent Benoît Hamon

Camille Stromboni Publié le
Enseignement supérieur : les chantiers qui attendent Benoît Hamon
Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche // © 
Benoît Hamon attendu au tournant. Le nouveau ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche prend ses fonctions au moment où les inquiétudes et la défiance prédominent dans la communauté universitaire. Tour d'horizon des chantiers à venir.

La communauté universitaire semble être restée quelque peu sur sa faim, après les deux années de Geneviève Fioraso à la tête du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Les attentes sont très fortes, dans cet univers à l'esprit critique pour le moins aiguisé.

La question budgétaire au cŒur des préoccupations

Au premier chef : c'est la question du manque de moyens des universités, qui figure en tête de liste des inquiétudes. Les établissements réduisent la voilure et multiplient les économies, tiraillés entre leur vocation d'accueillir toujours plus d’étudiants et des budgets qui ne suivent pas. "Il faudra remettre sur les rails nos universités, financièrement", note Julien Blanchet à la tête du syndicat étudiant La Fage.

"C'est une question cruciale car les universités n'ont aujourd'hui pas les moyens de développer leurs politiques. Il faut trouver des solutions rapidement", insiste Alain Beretz, président de l'université de Strasbourg.

"La question budgétaire est capitale car elle draine tout le reste, ajoute Claudine Kahane, co-secrétaire générale du Snesup (syndicat national de l’enseignement supérieur). Mais compte tenu des orientations du président de la République avec le pacte de responsabilité et la baisse des dépenses publiques, nous avons extrêmement peu d’espoir que la tendance s'inverse."

Remettant en cause l'ensemble de la loi LRU du précédent gouvernement de droite, le syndicat préconise la reprise en main par l’Etat de la masse salariale des universités. Une position qui est loin de faire l’unanimité chez les universitaires.

Dans tous les cas pour la présidente de l'université Montpellier 3 Anne Fraïsse, connue pour ses positions très critiques contre la politique du ministère, "l’Etat doit arrêter de se défausser en poussant les établissements à s’appuyer financièrement sur leurs étudiants".

Stop les réformes !

La présidente montpelliéraine préconise en outre une pause dans les réformes, dans une communauté épuisée. "Nous avons subi une succession de lois mal ficelées, dans une perpétuelle précipitation. Il est temps d’arrêter les frais et les nouveaux chantiers dans tous les sens, en s’occupant simplement des problèmes des universités", espère la latiniste. Un point de vue partagé par les grandes écoles.

"J'aimerais que le nouveau ministre ne mette pas trop vite sur la table un nouveau chantier, confie Philippe Jamet, à la tête de la CGE (Conférence des grandes écoles). Nous essayons déjà, péniblement, de digérer une dizaine d'années de lois portant sur l'organisation de l'enseignement supérieur."

"En revanche au niveau opérationnel, l’Etat doit reprendre les choses en main, estime-t-il, précisément concernant les regroupements entre universités et écoles en cours. Il doit réaliser l’assurance-qualité de la loi ESR, en veillant à de vraies concertations sur le terrain. Cela permettrait d’éviter que trop d'énergie ne soit gaspillée en querelles locales à faible valeur ajoutée."

"Les calendriers sont serrés en la matière pour le nouveau ministre : les établissements doivent en effet rendre leur copie sur les modes de regroupements [fusion, communauté, association] d'ici juillet 2014. Sauf si ce planning est d'ici là modifié.

Les étudiants scrutent les bourses

Côté syndicat étudiant, le président de l’Unef William Martinet espère quant à lui de nouveaux grands changements à l'horizon. "La question est de savoir si le nouveau ministre va se contenter de laisser vivoter l’enseignement supérieur, en considérant que tout a été fait avec la dernière loi, ou bien porter des objectifs ambitieux, sur la démocratisation des masters, la question de la sélection à l’entrée du M2 ou encore les poursuites d’études après un BTS ou DUT. Et évidemment, s'il aura les moyens de ses ambitions", défend-t-il.

Pour La Fage et l’Unef, la priorité demeure néanmoins très claire : il s'agit des bourses étudiantes. Le nouveau ministre est ici fortement attendu, quant aux promesses de sa prédécesseur, qui s’est engagée sur une progression d'environ 200 millions d’euros, dont 100 millions restants cette année. "Et ce n'est qu’un début, rappelle William Martinet. Il doit s'agir d'une montée en charge aboutissant à la création de l'allocation autonomie", qui figurait au programme du candidat Hollande.

Les grands chantiers en suspens : HCERES, Idex, Sympa 2

Pour la droite, deux autres questions sont incontournables : "les leviers clés du prochain ministre devront être l'insertion professionnelle et le lien entre la recherche et l'innovation", estime ainsi Patrick Hetzel.

A court terme, plusieurs chantiers d'envergure vont retomber immédiatement dans l'escarcelle du nouveau ministre : la mise en place du HCERES (haut conseil de l'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche), qui va succéder à l'AERES, supprimée par la loi ESR ; la gestion de la nouvelle vague des Investissements d'avenir, avec de nouvelles Idex [Initiatives d'excellence] sur lesquelles misent beaucoup d'établissements ; ou encore la question très sensible du nouveau système d'attribution des moyens aux universités, en cours de préparation, pour succéder à "Sympa". Tout sauf une mince affaire.

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