Entrée à l'université : le Conseil supérieur de l'éducation se prononce contre le projet de loi

Laura Taillandier Publié le
Entrée à l'université : le Conseil supérieur de l'éducation se prononce contre le projet de loi
L'instance consultative du ministère de l'Éducation nationale s'est prononcée contre le projet de loi sur l'entrée dans le premier cycle, jeudi 9 novembre 2017. // ©  ©Nicolas TAVERNIER/REA
42 votes contre et 30 pour. Le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants a recueilli un vote négatif du Conseil supérieur de l’éducation, jeudi 9 novembre 2017. Un message mitigé envoyé au gouvernement pour ce premier passage devant une instance consultative avant l'examen par le Cneser, lundi 13 novembre.

Le Conseil supérieur de l'éducation a rendu son verdict sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants. Avec 42 votes contre (dont la FSU, la CGT, SUD, la FCPE, le SGL et l'Unef) et 30 en sa faveur (comme la CFDT, l'Unsa, le Medef, le Snalc ou la Peep), le texte recueille un avis négatif de l'instance consultative du ministère de l'Éducation nationale. Un rejet qui témoigne de l'opposition d'une partie des organisations syndicales et associatives, qui y voient l'introduction d'une sélection ou regrettent un manque de garanties sur la mise en place de la réforme du premier cycle.

Un calendrier d'application qui reste à préciser

Des organisations que la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a tenu à rassurer en ouverture de la séance. "Nous avons à examiner un texte législatif. Par nature, il ne peut pas tout dire, ni tout expliciter", a souligné Frédérique Vidal. "Nous sommes ici au niveau de la loi et non du décret, de l’arrêté ou de la circulaire et nous allons modifier ensemble des articles centraux de notre Code de l’éducation. Nous aurons aussi, que ce soit au sein du CSE ou au sein du Cneser [Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche], à examiner d’autres textes, qui seront eux aussi déterminants et qui sont parfois plus importants encore dans la vie quotidienne de nos établissements", a-t-elle ajouté.

Ce sera notamment le cas de l’arrêté licence. La liste des textes d'application, leur nature et le calendrier prévisionnel d’élaboration devraient être précisés "dans les jours qui viennent".

Le dernier mot aux bacheliers

La ministre s'est montrée également ouverte à certaines modifications : "Si, à vos yeux, il est nécessaire d’affirmer plus nettement ce principe du dernier mot (aux bacheliers), j’y suis prête et nous pourrons travailler ensemble, aujourd’hui et dans les jours qui viennent, à trouver la bonne manière de l’écrire dans le texte de loi ou dans son exposé des motifs." Cette demande formulée par le Sgen-CFDT serait ainsi prochainement intégrée au projet de texte. "Il devrait être précisé qu'aucune inscription ne peut être prononcée sans l'accord du bachelier", affirme Françoise Lambert, secrétaire fédérale de l'organisation syndicale, chargée de l'enseignement supérieur.

"Le ministère s'est également engagé à ce qu'il soit procédé à une évaluation des mesures, comme celle de la mise en place des dispositifs de remise à niveau", rappelle-t-elle. Et si le projet de loi ne mentionne pas que ces dispositifs donneront lieu à une prise en compte en ECTS, "ce sera le cas lorsque l'arrêté licence sera modifié". Selon Claire Krepper, secrétaire nationale du SE-Unsa, le ministère devrait également spécifier l'objectif et le sens poursuivi par la mise en place des quotas (mobilité géographique, meilleurs bacheliers...), et ce à la demande du Conseil d'État.

Nous avons à examiner un texte législatif. Par nature, il ne peut pas tout dire, ni tout expliciter.
(F. Vidal)

Le "point noir" des filières en tension

De son côté, le Snes-FSU, opposé au projet de loi, "attend de voir réellement inscrites" les modifications discutées en séance. "Nous avons déjà eu des mauvaises surprises", pointe Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe. Pour le syndicat, "le point noir" du texte réside dans "l'instauration d'une sélection, notamment dans les filières en tension, sans en dire le mot".

C'est sur ce point que la FCPE s'est décidé à voter contre le texte. "Nous ne sommes pas pour le statu quo et saluons l'effort de sortir de la situation actuelle et du tirage au sort mais il n’y aura pas suffisamment de places créées pour faire face à l'afflux des étudiants à la rentrée et pour garantir qu'il n'y ait pas de sélection sur de nouvelles formations en tension", argumente la présidente de la fédération de parents d'élèves, Liliana Moyano.

Le gouvernement prévoit la création de 130.000 places dans les cinq prochaines années dont une partie dans les filières en tension. "Site par site, nous regardons avec les recteurs et les présidents et chefs d’établissement comment créer, d’ici à la rentrée prochaine, des milliers de places en Staps et dans les formations aux métiers du sport, mais également en Paces et dans les filières où les places manquent aujourd’hui, y compris en BTS et en IUT", a redit la ministre en ouverture du CSE.

Une année "crash test" ?

C'est également la question de la mise en place de la réforme à la rentrée 2018 qui interroge certaines organisations. "Nous avons des inquiétudes sur la temporalité. Le conseil de classe du second trimestre tombera comme un couperet et ne servira pas de conseils aux lycéens pour leur choix de vœux", regrette Valérie Sipahimalani.

Le Snes craint également que la limitation à dix vœux ne "tendent davantage la situation". "Nous n'avons aucune indication certaine sur les délais dont disposeront les élèves pour se positionner sur les réponses qu'ils auront reçues. Cela va être une année crash test pour les lycéens et les équipes", estime la secrétaire générale adjointe.

Le SE-Unsa a également quelques inquiétudes pour septembre 2018, mais a choisi de voter en faveur du projet de loi. "Quand le statu quo n'est plus envisageable, il n'y a pas d'autres réelles solutions que celles proposées par le gouvernement dans sa réforme, note Claire Krepper. Le projet de loi ne cherche pas à réduire l'accès à l'enseignement supérieur et acte des grands principes." Le syndicat attend toutefois des précisions sur la définition concrète des attendus "dans des délais si courts" et sur le processus de confirmation des vœux par les candidats.

Ce sont désormais aux organisations syndicales et associatives de l'enseignement supérieur de se prononcer sur ce projet de loi. L'examen est prévu lundi 13 novembre 2017 en Cneser.

Laura Taillandier | Publié le