Face à la précarité, l'enjeu de la mensualisation des vacataires à l'université

Malika Butzbach Publié le
Face à la précarité, l'enjeu de la mensualisation des vacataires à l'université
Obligatoire depuis septembre 2022, la mensualisation du salaire des vacataires peine pourtant encore à être mise en place. // ©  Pierre VASSAL/HAYTHAM-REA
Les collectifs de vacataires n'ont de cesse de dénoncer, au niveau national comme local, la précarité qu'ils subissent de plein fouet. Outre les faibles rémunérations, ils s'indignent contre le paiement de leurs heures qui n'intervient qu'à la fin du semestre, parfois en retard.

C'est l'une des rares dispositions de la loi de programmation de la recherche (LPR) qui avait connu un accueil favorable au sein de la communauté universitaire. L'article 11 du texte prévoit la mensualisation des vacataires dans les universités.

Autrement dit, ces enseignants non-titulaires se verront verser leur salaire chaque mois. Une mesure devenue obligatoire en septembre 2022 qui peine encore à être mise en place.

Des retards de paiement de plus d'un an

Les heures de cours de ces intervenants sont toujours payées au rythme des semestres, souvent avec des retards qui peuvent aller jusqu'à un an. Parce que leur salaire est versé avec parfois plusieurs mois de retard, les contractuels se retrouvent face à "des galères sans nom", témoigne Baptiste Giron, doctorant élu à la commission recherche de l'université de Clermont-Auvergne.

"Par exemple, avec Pôle emploi qui demande de rembourser un trop-perçu parce que l'unique feuille de paie ne correspond pas à l'attestation employeur prévoyant une intervention tous les mois. Et même hors des questions Pôle emploi : un loyer se paie tous les mois, pas deux fois par an !", martèle le doctorant.

Nous représentons près de 60% du personnel enseignant. (Alexis*, membre du collectif vacataires.org)

Une difficulté qui accentue la précarité que subissent déjà une partie de ces contractuels. En avril 2023, le collectif vacataires.org signait dans Le Monde une tribune pour protester contre leurs conditions de rémunération.

Et pourtant, on compte 130.000 enseignants vacataires dans l'enseignement supérieur public en France. "Nous représentons près de 60% du personnel enseignant", souligne Alexis*, membre du collectif. C'est également le cas au sein du département d'histoire de l'université de Clermont-Auvergne. "Les 150 vacataires prennent en charge 60% des heures de cours", indique Baptiste Giron.

Des vacataires de plus en plus précaires

Deux types de vacations coexistent au sein de l'enseignement supérieur public. D'un côté, les chargés d'enseignement vacataires (CEV) disposent d'un emploi par ailleurs et interviennent ponctuellement à l'université.

En revanche, les agents temporaires vacataires (ATV), eux, sont principalement des doctorants, puisque l'une des conditions pour exercer est d'avoir le statut d'étudiant. Ceux-ci peuvent assurer des cours, avec un service plafonné à 96 heures annuelles.

Ces derniers profils sont davantage touchés par la précarité, constate Philippe Aubry, qui suit le sujet pour le Snesup-FSU. "L'un des indices pour mesurer la précarité de ces personnes, c'est de regarder combien d'entre elles assurent ce maximum de 96 heures de cours par an. Cela signifie que c'est leur seul moyen de subsistance."

Or, selon une enquête du syndicat, leur part est passée de 8% en 2013 à 21% en 2020. Selon un récent rapport de la Confédération des jeunes chercheurs, 8.000 thésards deviennent ATV en l'absence de contrat doctoral.

Des rémunérations jugées trop faibles

"On accepte des conditions de travail et de rémunération indignes pour remplir nos CV et espérer devenir titulaire. Mais le système repose sur les contractuels qui prennent en charge un quart des heures de cours, souligne Alexis, du collectif vacataires.org. Très peu de postes titulaires sont créés, le système repose sur un mensonge."

Le doctorant s'indigne également du faible montant que représente une heure de travaux dirigés. "Les vacataires sont payés 41,41 euros pour une heure de cours, mais cela ne prend pas en compte le travail personnel que cela implique."

En moyenne, chaque heure passée devant les étudiants exige trois heures de travail, que ce soit pour préparer les cours ou corriger les copies. "Nous sommes payés 10 euros de l'heure, alors que le Smic est à plus de 11 euros depuis janvier." 

Dans sa tribune, le collectif demandait aux présidents d'université de doubler leur rémunération en déclarant, pour une heure de vacation, une heure de préparation en plus.

La complexe mensualisation des vacataires

Face à cette problématique, les doctorants de l'Université Clermont-Auvergne, dont Baptiste Giron fait partie, se sont mobilisés et l'établissement mettra en place la mensualisation de leur rémunération à la rentrée prochaine.

Une première, salue Anne Fogli, première vice-présidente. "Le principal obstacle est que notre agent comptable ne peut payer que les heures de service effectuées. Or, il est impossible à moyens constants d'exiger des personnels RH qu'ils vérifient chaque mois ce service fait."

En dialoguant avec les différents acteurs, un compromis a été trouvé : les heures du semestre seront réparties sur quatre mois puis le service fait sera vérifié à la fin du semestre.

"En bref, nous serons payés pour deux heures de cours mensuel en octobre, novembre puis décembre. Et en janvier ou février, si l'on a effectué plus que ces deux heures par mois, le solde différentiel nous sera versé", poursuit à son tour Baptiste Giron.

Dans un premier temps, cette mesure concerne les vacataires les plus précaires, précise Anne Fogli. "Il s'agit des doctorants non financés et demandeurs d'emploi qui font au moins 10 heures de vacations. Soit environ 120 personnes sur les 3.000 vacataires que compte l'université." Un premier pas timide mais qui montre une certaine prise de conscience.

*Le prénom a été modifié.

Malika Butzbach | Publié le