Idex : le site de Lyon-Saint-Étienne prépare les statuts de son futur établissement

Muriel Florin Publié le
Idex : le site de Lyon-Saint-Étienne prépare les statuts de son futur établissement
L'École normale supérieure de Lyon fait partie des cinq membres les plus engagés dans le projet d'un établissement cible. // ©  Stephane AUDRAS/REA
En période probatoire pendant deux ans, l’université de Lyon veut créer un établissement nouveau pour conserver le label Idex. Une étape décisive est fixée en mai 2019, avec la publication d’un document d’orientation stratégique qui servira de base aux statuts de la future entité.

Labellisée depuis 2017, l’université de Lyon doit donner des gages de sa dynamique durant une période probatoire de deux ans pour conserver son Idex. Le jury lui a fixé deux conditions à remplir d’ici le 1er janvier 2020 : donner au futur établissement un "modèle de gouvernance réaliste (…) qui permette à la présidence, d'une part, de prendre les décisions clés nécessaires en termes de politique des ressources humaines et d’allocation des moyens", et d’autre part, "mettre en œuvre une signature commune".

Une évaluation de mi-parcours était prévue en février 2019. Elle a été reportée à l’automne prochain, "à la demande du jury", selon Jean-François Pinton. Le président de l’ENS, porteur de l’Idex n’en dira pas davantage. Il juge prématuré de s’exprimer sur l’élaboration ou les contours du futur établissement, renvoyant au "document d’orientation stratégique" promis en mai (1). Un "texte fondateur qui traduit les ambitions, les engagements mais aussi les principes d’orientation et de fonctionnement de l’université-cible", selon les termes d’un courrier que les membres du consortium candidat ont adressé le 2 avril aux établissements. Ce "DOS" sera soumis aux instances des établissements avant l’été. Il servira de base à la rédaction des statuts du futur établissement prévue après l’audition devant le jury de l’Idex.

L'évaluation de mi-parcours prévue en février 2019 a été reportée à l’automne prochain, à la demande du jury.
(J.-F. Pinton)

Si ces statuts pourraient voir le jour à l’automne 2019, la mise en place de l’établissement cible a peu de chance d’être effective dès janvier 2020. D’après les informations obtenues auprès de l’équipe de direction par les représentants du personnel de l’université Lyon 1, ce serait plutôt en janvier 2021, après une période transitoire permettant de boucler le projet.

En attendant les points techniques, il reste à définir des pans de l’organisation. "Plus de 30 groupes de travail sont mobilisés depuis la rentrée 2018 (…). Le processus de co-construction de notre université-cible s’accélère et entre dans une phase décisive qui doit faire converger l’ensemble des travaux réalisés", assure le même courrier.

Depuis fin octobre, moment où les cinq membres les plus engagés dans le processus ont dessiné à grands traits l’établissement cible, le projet n’a pour autant pas fait l’objet de communication externe. Seuls des documents diffusés en interne apportent des informations sur la construction de cet EPCSCP (établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel).

Le même nom mais un périmètre différent

Une note de synthèse diffusée mi-mars au sein du conseil d’administration de la Comue Université de Lyon (12 membres et 25 établissements associés) suggère que cet établissement cible prendra le nom "Université de Lyon" dès sa création, ce qui entrainera, de facto, un changement de nom pour la Comue actuelle. "Cela peut poser problème dans la mesure où tout le dispositif reconnu comme UdL a été construit à plusieurs", glisse Nathalie Dompnier, présidente de l’université Lyon 2, écartée de l’établissement cible, mais membre de la Comue.

Pour l’heure, cinq établissements ont manifesté leur volonté de rapprochement avec le consortium candidat, sous forme d’une déclaration commune affirmant "la ferme intention de continuer à travailler en synergie". Ce "partenariat renforcé" concerne donc cinq des membres de la Comue (École centrale de Lyon, École nationale d’ingénieurs de Saint-Étienne, École nationale des travaux publics de l’État, Sciences po Lyon, VetAgro Sup) et les cinq "historiques" du consortium candidat (université Claude-Bernard - Lyon 1, université Jean-Monnet - Saint-Étienne, université Jean-Moulin - Lyon 3, École normale supérieure de Lyon, Institut national des sciences appliquées de Lyon).

Des questions en suspens

Si le découpage en huit pôles n’a pas évolué (2) depuis octobre 2018, le premier cycle fait l’objet de discussions. Dans un premier temps, il était question d’un collège universitaire de premier cycle, juxtaposé à une "école supérieure de technologie", regroupant les IUT et les licences professionnelles ; les licences sélectives étant rassemblées de leur côté. Mais, dans un document diffusé mi-mars devant les instances de l’ENS, l’école supérieure de technologie a disparu.

D’autres questions portent sur le statut des pôles (UFR, départements, instituts ?) et la marge de manœuvre à l’intérieur de ces pôles à direction unique. L’ENS et l’Insa conserveront leur personnalité juridique et morale au sein de "leurs" pôles respectifs sciences et humanités, et ingénierie. Quid des autres "composantes" ? Qui signera les contrats d’objectif et de moyens avec la gouvernance centrale ?

Il n’est pas question de couper les ponts.
(N. Dompnier)

Sur ce thème, les personnels de la faculté des sciences et technologies de Lyon 1 ont déjà fait savoir qu’ils étaient attachés à leur périmètre et compétences actuels. Côté ingénierie, l’École centrale de Lyon sera "partie prenante selon des modalités qui seront débattues sereinement d’ici à quelques semaines", temporise Frank Debouck. Le directeur de l’ECL affirme son enthousiasme pour le projet de structuration. Interrogé sur les conditions de son intégration, il précise toutefois que "le doctorat continuera de porter les deux marques : UDL et Centrale" et que, dans le projet, "Centrale garde bien sa marque, son budget et ses moyens".

À Lyon 2, Nathalie Dompnier affiche son détachement pour les manœuvres en cours. "Nous avons été écartés de l’université cible, mais cela ne nous empêche aucunement de travailler (…). Il n’y a pas de pôle SHS dans l’université cible. Nous avons donc une place à occuper." La présidente souligne que "de nombreux masters sont coaccrédités, [que] de nombreux laboratoires de recherche sont multitutelles" et "qu’il n’est pas question de couper les ponts". Et de mettre en avant le potentiel de son université lettres et sciences humaines, forte de 1.100 doctorants : "Nous avons une activité internationale, mais pas orientée sur les classements."

Convaincre les établissements

Les promoteurs du nouvel établissement ont encore du pain sur la planche. Accréditation à délivrer des diplômes, modalités d’inscription, politique des ressources humaines et d’allocation des moyens… Ces points devront apparaître dans le DOS car ils préfigurent les statuts, qui répartiront pouvoir et compétences entre l’établissement central, les pôles et les composantes des pôles. Un DOS qui doit être suffisamment précis pour convaincre le jury. Mais auparavant, avant l’été, il doit aussi être soumis aux instances de chaque établissement. En vue de ce passage obligé, les membres du consortium candidat viennent d’annoncer la création d’un " GST" (groupe de suivi de la transformation) auxquels sont invités les représentants syndicaux. Il s’agit d’aborder "les questions majeures d’un pacte social et les engagements qui seront pris, parmi lesquels les conditions de travail, la politique indemnitaire, les parcours professionnels et le déroulement des carrières, la politique d’égalité-diversité, l’action sociale, la charte des personnels contractuels et la qualité de vie au travail", peut-on lire dans un courrier du 12 avril adressé aux établissements.

Nous craignons des licences à la carte avec des frais d’inscription variables.
(L. Margain)

Du côté des personnels et des étudiants, des craintes ne sont pas levées. Le 11 avril, une réunion d’information a rassemblé environ 300 personnes à Lyon 3. Par ailleurs, l’association DTUL (Démocratie et transparence à l’université de Lyon), les collectifs IDDE (à Lyon 1) et Idexit, ainsi que plusieurs représentants syndicaux opposés au principe de l’Idex travaillent de leur côté à pointer des dangers. "Pour le moment, on refuse la fusion telle qu’elle est présentée, explique Lucas Margain, responsable de l’Unef à Lyon. Il y a très peu d’élus étudiants dans l’instance qui la supervise ; nous craignons des licences à la carte avec des frais d’inscription variables. Nous avons peur que les sciences humaines reçoivent moins de financements."

Les personnes mobilisées contre le projet n’entendent pas lâcher l’affaire. Dans un communiqué daté du 8 avril, dénonçant notamment "l’université à deux vitesses" et "l’éloignement des principes démocratiques de fonctionnement", ils exigent, dès la publication du DOS, des référendums organisés par les établissements sur celui-ci, avant que les conseils d'administration ne soient amenés à statuer.

(1) Khaled Bouabdallah, président de l’université de Lyon, n'a pas souhaité répondre aux questions d’Educpros.
(2) Les huit pôles : santé humaine, biosciences et sciences pharmaceutiques, sciences et humanités, économie-gestion-management, droit, éducation, sciences-technologie et société.

Muriel Florin | Publié le