Inscriptions post-bac : l'université devrait pâtir des deux mois de mobilisation

Fabienne Guimont Publié le
Inscriptions post-bac : l'université devrait pâtir des deux mois de mobilisation
Manifestation 11/03/09 (Paris) // © 
Si l'organisation de cours hors les murs ont démontré l’inventivité et la vitalité des enseignants-chercheurs pendant ces deux mois de mobilisation, quelles conséquences laisseront les grèves de longue durée des personnels et les blocages organisés par les étudiants sur l’image de chaque établissement ? A l’heure où les lycéens ont enregistré leurs vœux pour leurs études supérieures sur le service admission post-bac, Educpros a mené l'enquête.

Quelle sera l’ampleur des répercussions de la très longue mobilisation de cette année sur les choix d’inscription des lycéens ? Même s’il est encore un peu tôt pour le dire, quelques indices permettent de se faire une idée. D’abord, toutes les universités n’ont pas connu la même intensité de mobilisation. Début avril, une dizaine d’universités étaient en grève ou faisaient l'objet de blocage total, une trentaine comptaient des mouvements de grève partiels et 25 fonctionnaient normalement.

Toutes les universités ne sont pas logées à la même enseigne

Toutes les universités ne devraient donc pas être affectées de la même manière. Et les lycéens souhaitant s’inscrire à l’université opteront en majorité pour la licence de l’établissement le plus proche de chez eux. Mais le risque de s'écarter des filières universitaires est réel.

« Les mouvements de grève et de blocage ont influencé mon choix de poursuite d'études dans le supérieur, confie Anaelle, en terminale S, pour justifier son choix. La plupart du temps, il s'agit d'une minorité d'étudiants qui sont à l'origine de ces agitations, tout comme dans les lycées. La différence réside dans la longévité des blocages. Je préfère aller en prépa, sachant que les lycéens risquent de bloquer une ou deux semaines plutôt que de prendre le risque de perdre un mois de cours, et pour beaucoup d'étudiants un mois signifie une année ».

La cote de la licence amoindrie

Les listes de vœux d’études sur le site admission-postbac , qui rassemble la majorité des inscriptions dans des établissements d’enseignement supérieur, peuvent fournir un bon observatoire sur l’attitude des lycéens. Les élèves de terminale avaient jusqu’au 20 mars 2009 pour enregistrer leurs candidatures. Sur les 12 académies* déjà dans ce système centralisé de référencement des vœux l’année dernière, quelques comparaisons peuvent être faites sur les candidatures enregistrées entre 2008 et 2009.

Cette année, les lycéens sont 12,5 % de moins à avoir placé la licence (y compris médecine) en premier vœu de leur liste sur le site. Les disparités sont très fortes entre académies : - 4% et - 6% en Corse et à Strasbourg contre – 22 % et – 31 % à Reims et Caen.  Des chiffres à prendre avec quelques précautions puisque le classement entre ces vœux peut varier jusqu’au 6 juin 2009, date de référence pour les chiffres de 2008.

Deux vœux sur trois en IUT et BTS

En revanche, les différentes candidatures sont proportionnellement stables entre grandes filières d'études, toujours en comparant les 12 académies d’une année sur l’autre. Les BTS/BTSA restent les plus plébiscitées par les lycéens qui leur concèdent près de 43 % de leurs candidatures (contre 42 % en 2008), soit près de deux fois plus que celles portées sur les licences (24 % des vœux) et les IUT (20 %, en recul de 1 %).

Les mouvements dans certains IUT auront-ils les mêmes répercussions que dans le reste des universités ? « Paradoxalement, après le mouvement anti-CPE et anti-LRU, nous avons enregistré des hausses de candidatures alors qu’on s’attendait à l’inverse. On est considéré comme des filière offrant plus de sécurité », analyse Gilles Broussaud, vice-président de l’ADIUT (association des directeurs d’IUT). Mais il reste néanmoins prudent en attendant le 3 avril 2009, date limite de réception des candidature papier des lycéens après leur enregistrement électronique pour tirer ses conclusions.

Au-delà de l’image dégradée des universités sur les nouveaux étudiants, les inscriptions en IUFM (intégrées aux universités) risquent elles aussi de pâtir d'une part du mouvement de longue durée contre la réforme des formations et d'autre part de la confusion engendrée sur les conditions d’inscription. Certains directeurs d’IUFM constatent de plus faibles intentions d’inscription aux concours dans leur établissement. Sans compter les propos polémiques du ministre de l'Education nationale qui indiquait qu'il pouvait recruter en se passant des universités ("Je suis recruteur"). A moins que la crise n'incite à se tourner davantage vers la fonction publique jugée plus protectrice...    


* Aix-Marseille, Caen, Corse, La Réunion, Lille, Montpellier, Nancy-Metz, Nantes, Poitiers, Reims, Rouen, Strasbourg.

L’université déjà affaiblie par la démographie

Avant même le mouvement de contestation, l’université devait déjà compter avec une prévision à la baisse de ses effectifs, expliquée en partie par une démographie moins avantageuse et des poursuites d’études plus faibles. Les dernières statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur estiment que le nombre d’étudiants va chuter de 15 % entre 2007 et 2017 dans les universités (hors IUFM). Soit le double de la baisse prévue dans l’ensemble de l’enseignement supérieur.

Si à la rentrée 2005, l’université (hors IUT) a inscrit davantage d’étudiants en première année et en licence en général (avec un petit + 0,5 %), les trois années suivantes ont été négatives. Moins 3,3 % (- 26 500 inscrits) d’étudiants en licence en 2006, moins 4,3 % (- 33 500) en 2007. Si le ministère n’a pas publié de chiffres pour la rentrée 2008, les chiffres prévisionnels donnaient un recul de 2,4 % (- 17 500) pour cette année en cursus licence. Et la diminution sur dix ans est estimée à 16 % des effectifs (- 119 000 étudiants) pour ce niveau d’études. Les lettres et les sciences essuient l’essentiel de cette hémorragie d’étudiants.

Moins d'inscriptions d’étudiants dans les facs contestataires

Quelles conséquences dans les facs très mobilisées ? Après la contestation anti-CPE (contrat première embauche) au printemps 2006, certaines universités avaient enregistré de fortes baisses d'inscriptions à la rentrée suivante. Rennes 2 a perdu 5500 étudiants entre 2006 et 2009, passant de 22 000 à 16 500, avec une perte de 2000 inscriptions en 2007. "J'ai des craintes très fortes pour l'université. Nous allons subir à nouveau une forte dégradation de notre image après le troisième blocage du campus en trois ans", expliquait avec désarroi Marc Gontard, son président qui a dû essuyer les mouvements anti-CPE et anti-LRU avant celui de 2009 (voir l’article du Télégramme de Brest : Rennes 2. Le blues d’un président d’université ). Montpellier 3 voit ses effectifs fondre de 7 % en moyenne depuis trois ans. Et la bouillonnante université de Toulouse Le Mirail compte 5000 étudiants de moins qu’il y a six ans.

Les présidents craignent pour les finances de leur établissement

Les présidents d’université redoutent d’autant plus ces contrecoups dans leurs effectifs que les moyens alloués devraient prendre en compte le nombre d’étudiants inscrits aux examens… Les dotations de l’Etat attribuées en décembre 2008 avaient fait monter au créneau certains chefs d’établissement, notamment pour les baisses de moyens engendrés par le nouveau système de répartition des moyens.

Fabienne Guimont | Publié le