Interview de Laurent Wauquiez : "Pour développer l'alternance, il faut secouer la poussière à l'Education nationale"

Propos recueillis par Sandrine Chesnel Publié le
Interview de Laurent Wauquiez : "Pour développer l'alternance, il faut secouer la poussière à l'Education nationale"
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Laurent Wauquiez a reçu Educpros pour une interview en exclusivité. Deux semaines après la remise du rapport de synthèse sur les Ateliers de l'apprentissage, le secrétaire d'Etat à l'emploi détaille les mesures qu'il entend prendre pour développer l'alternance, et celles qu'il laisse de côté. 

Le rapport des Ateliers de l’apprentissage et de l’alternance compte plus d’une quarantaine de propositions. Quelles sont celles qui ont le plus de chances d’être retenues ?

Je suis très attaché à toutes les propositions qui abordent le problème de l’orientation. Nous allons travailler là-dessus avec Luc Chatel, pour que les services d’orientation recommandent davantage l’alternance, qui a un taux d’intégration dans l’emploi quasiment deux fois plus élevé que les formations « classiques ».

Toutes les propositions qui visent à simplifier les démarches de recherche de contrat, et d’enregistrement de contrat, sont aussi intéressantes. Tout comme la définition d’un cadre de référence de l’alternance qui pourrait permettre de rendre plus lisibles les formations en alternance à l’échelle européenne, et contribuer à développer les échanges avec les autres pays.

En revanche, je m’interroge davantage sur l’élargissement du quota d’alternants aux TPE, et sur la création d’une nouvelle voie de l’alternance, avec les stages alternants. Sur ce dernier point, je suis favorable à des expérimentations, tout en n’affaiblissant pas les contrats d’apprentissage et de professionnalisation. Mais le débat est ouvert : je souhaite que l’ensemble des acteurs de l’alternance puisse réagir aux différentes propositions.

Lors des rencontres sénatoriales de l’apprentissage, la semaine dernière, vous avez dit que vous vouliez « secouer la poussière » à l’Education nationale. Qu’entendiez-vous par là ?

On ne fait pas assez la promotion de l’alternance. C’est une réalité. Il est essentiel que les services d’orientation recommandent davantage l’alternance, une voie qui permet de payer ses études, un vrai outil d’intégration et d’ascension sociale, qui permet d’aller jusqu’au niveau bac+5 ! Et pour paraphraser Lagardère, je pense que si l’Education nationale ne vient pas à l’alternance, c’est à l’alternance d’aller à elle. Organiser des journées d’informations sur l’alternance dans les collèges et les lycées peut contribuer à faire passer l’information. Je pense que les professeurs des CFA (centre de formation des apprentis), qui ont un vrai besoin de reconnaissance, seront ravis de venir présenter leurs filières devant les jeunes.


En 2009, les primes à l’embauche d’un apprenti et le soutien apporté par l’Etat au déploiement des développeurs de l’apprentissage semblent avoir bien fonctionné pour amortir les effets de la crise. Mais depuis le début de l’année, les recrutements en alternance recommencent à baisser. N’y a t-il pas urgence à agir ? Quel est votre calendrier ?


Lors du sommet social du 10 mai 2010, le Président de la République a confirmé ma proposition de relancer l’alternance sur le long terme. Maintenant, nous allons donc rencontrer les partenaires sociaux et les régions et négocier avec eux sur la base du rapport des Ateliers de l’apprentissage. J’espère que cette concertation aboutira à des annonces avant l’été ou juste après. Mais je suis lucide, il est certain que notre dispositif ne sera pas opérationnel pour la prochaine rentrée. Par ailleurs, puisque la situation reste fragile, il a déjà été décidé de prolonger les primes à l’embauche et le soutien aux développeurs de l’apprentissage jusqu’en décembre 2010.

 
Les jeunes apprentis souffrent parfois d’un manque de reconnaissance. Que leur proposez-vous ?

Parmi les propositions des Ateliers de l’apprentissage, il est prévu de permettre à tous les apprentis de bénéficier des mêmes avantages que les étudiants en terme de transports, de logement, de loisirs, etc. C’est une façon de montrer concrètement, dans les faits, qu’on croit à ces formations. J’ajoute que, dans le cadre du grand emprunt, nous allons aussi consacrer un budget de 250 millions d’euros à la rénovation des CFA et 250 millions pour le logement des apprentis.

Beaucoup de jeunes en réorientation ou au chômage qui souhaiteraient se former en alternance au niveau bac ou infra bac rencontrent des difficultés quand ils ont plus de 21 ans : les entreprises leurs préfèrent des apprentis plus jeunes, qui leur coûtent moins cher. Que proposez-vous pour lever cet obstacle ?

C’est un problème difficile. La plupart des jeunes qui sont dans ce cas postulent pour des contrats de professionnalisation, des contrats qui coûtent effectivement un peu plus cher aux entreprises que les contrats d’apprentissage. Nous allons donc chercher un moyen d’harmoniser le coût de ces deux contrats.


Pourquoi ne pas fusionner les deux dispositifs pour plus de lisibilité et d’efficacité ?

Je suis très réservé sur cette idée. Ces contrats ne s’adressent pas aux mêmes publics et n’ont pas les mêmes objectifs. Il faut les conserver tous les deux.


Quid du développement de l’alternance dans la fonction publique ? Le rapport des Ateliers de l’apprentissage et de l’alternance fait bien des propositions pour développer l’alternance dans la fonction publique territoriale mais ne dit rien sur la fonction publique d’Etat. Pourquoi ?
 
Ce qui est certain, c’est que dans nos propositions pour relancer l’alternance il y aura un volet sur la fonction publique. Le dispositif du PACTE [Parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'Etat] est trop étroit et ne fonctionne qu’avec un public très ciblé. Pour développer l’alternance dans la fonction publique, il faut repenser l’articulation avec les modalités de recrutement qui sont la réussite à un concours. Dans tous les cas il faut mettre en avant l’acquisition d’une formation et d'une première expérience professionnelle à vendre aux recruteurs. C’est une piste de réflexion.


Vous venez d’annoncer le lancement du portail de l’alternance ? A quoi va-t-il servir ?


Notre objectif est de faire en sorte que plus de jeunes puissent plus facilement accéder à une formation en alternance. Jusque là, pour trouver un contrat, les jeunes devaient souvent se contenter du bouche à oreille : avec ce portail, nous leur proposons un lieu unique, pour faciliter leur recherche. Dans un premier temps, notre but est donc d’avoir un maximum d’offres en ligne – il y en a déjà plus de 20 000. Dans un deuxième temps, je veux que ce portail devienne un « Meetic » de l’alternance, qui permettra aux jeunes de déposer leur CV, et sur lequel les entreprises pourront faire un certain nombre de démarches en ligne, comme les déclarations aux chambres consulaires ou aux OPCA [organisme paritaire collecteur agréé].

Propos recueillis par Sandrine Chesnel | Publié le