« Learn anything, anytime, anywhere. » Au-delà du slogan deiTunes U , la plate-forme d'Apple, faisant miroiter la diffusion des connaissances par-delà les frontières, quelles sont les réelles motivations des institutions françaises en se lançant sur ce créneau ?
HEC veut se servir de cette vitrine de luxe qui met en avant les plus prestigieux établissements américains pour asseoir sa notoriété internationale. De fait, dans la catégorie « Business » de iTunes U (13 catégories en tout), la grande école – arrivée en février 2010 – se retrouve aux côtés de Harvard, Cambridge, Yale ou encore du MIT. Son cours « 2.0 marketing communication » cartonne dans les plus téléchargés du site, mais n'a pas (encore) grimpé dans le top ten...
« Cet outil ne remplacera jamais l'enseignement en face-à-face, mais nous sommes heureux de faire découvrir au monde entier nos travaux de recherche et notre pédagogie fondée sur l'interactivité, l'échange et le travail en équipe. Les retombées en termes de notoriété seront positives si les cadres candidats à nos MBA ou à nos formations continues sont plus nombreux », estime Bernard Ramanantsoa, directeur général d'HEC. La satisfaction est pour l'heure d'être arrivé le premier sur ce créneau, avant les autres écoles de commerce... françaises. Ses concurrentes, l'EM Lyon, l'ESCP Europe ou l'INSEAD, avaient choisi avant HEC de faire leur entrée sur YouTube Edu.
Attirer les meilleurs chercheurs et des mécènes
L'exposition au public international a également motivé l'entrée du Collegium de Lyon sur YouTube, le site général, avec la présentation par ses chercheurs de leurs travaux scientifiques en cours . « C'est absolument indispensable pour s'affirmer sur la scène européenne et mondiale car il faut attirer les meilleurs chercheurs », affirme Olivier Faron, président du Collegium, qui en a fait un passage obligé pour tous les chercheurs recrutés. Il y voit également un outil pour séduire de futurs mécènes.
Le Collège de France, lancé dans cette diffusion de savoirs depuis plus d'un an à travers iTunes, Dailymotion, puis récemment iTunes U, affiche comme premier objectif d'élargir son public au-delà de ses cours gratuits dispensés au Quartin latin et sur son site Internet . Celui-ci avait déjà recueilli un beau succès d'audience avec 3,5 millions d'heures de cours téléchargés en un an.
« Trouver une information validée par le Collège de France est un gage pour l'internaute et il sait qu'on ne diffuse pas pour l'argent. Notre objectif n'est pas la notoriété pour attirer les meilleurs, comme HEC », se défend Pierre Corvol, l'administrateur général du Collège. Pourtant, sa volonté de créer une « marque pédagogique » n'est pas très éloignée de la démarche d'HEC... « Notre contenu est haut de gamme : chaque cours est le fruit d'une recherche sur une année. On veut maintenir cette spécificité, c'est notre marque », ajoute d'ailleurs le professeur de médecine.
iTunes U et YouTube Edu : jouer sur deux gammes
Quel est le prix d'entrée dans ces vitrines internationales ? Les exigences de iTunes U et de YouTube Edu (la plate-forme rachetée par Google) ne sont pas les mêmes. La première veut jouer très select dans le registre de l'excellence académique. Elle demande aux universités de « disposer de 150 fichiers audio et vidéo d'une qualité acceptable prêts à la diffusion dès le premier jour », de respecter une charte graphique et de ne pas seulement diffuser des conférences. Les institutions qui ont choisi Apple se sont donc appuyées sur leur stock de podcasts à l'usage de leurs étudiants au départ, avant de développer une nouvelle production.
HEC propose ainsi quelque 200 vidéos sur iTunes U et enregistre en retour quelque 60.000 visites par semaine. Sa centaine de vidéos mises en ligne sur YouTube Edu répond plus à un teesing. Le site de Google n'exige comme ticket d'entrée que d'être une institution d'enseignement supérieur et ses 12 catégories thématiques triant au départ les fichiers par discipline ont disparu. « YouTube Edu est plus ludique, moins poussé dans la logique de diffusion du savoir que iTunes U. On s'en sert davantage dans une optique de réseau social », explique Delphine Loevenbruck, directrice de la communication d'HEC.
« Les jeunes sont de gros consommateurs de vidéos sur YouTube. Si vous n'occupez pas le terrain, vous prenez le risque de les laisser communiquer à votre place, au détriment de la communication de votre établissement », met en garde Brigitte Fournier, directrice de l'agence Noir sur Blanc. De fait, si les institutions peuvent compter sur un trafic d'internautes très important, les contenus sont beaucoup plus éclectiques et laissent de la place aux lipdubs et autres vidéos plus légères.
Investissements : stop ou encore ?
Quels sont les investissements engagés ? Dans le cas d'HEC, le lancement s'est appuyé sur son partenariat technologique avec Apple et sur ses équipes audiovisuelle et informatique mobilisées pendant un an. Les étudiants ont également été mis à contribution pour filmer des cours. « Je pense que, dans cinq ans, tous nos cours seront sur iTunes U, ambitionne Bernard Ramanantsoa. Nos équipes dédiées devront passer de trois à six personnes. » Des investissements que le responsable de la business school sait limités : « Le MIT lui-même, avec son expérience, a mis de moins gros volumes en ligne car cela représente de gros investissements. »
Pour le Collegium de Lyon, l'entrée sur YouTube s'est adossée sur une campagne de promotion plus globale orchestrée par l'agence Noir sur Blanc. Au Collège de France, les fonds ont été puisés dans le budget de la communication, à moyens constants. La marge de manœuvre est venue des contrats de mécénat avec l'ouverture de chaires annuelles financées par Total, l'AFD, l'Inria ou Liliane Bettencourt. Une partie des 250.000 € versés par an et par chaire a été allouée à la diffusion des cours en vidéo. « Il faut trouver aujourd'hui de nouveaux mécènes. Le grand emprunt pourrait aussi nous aider. Avec un million d'euros annuels, on pourrait offrir une diffusion audio et vidéo plus large et traduire davantage de cours en anglais », considère Pierre Corvol, qui ambitionne de donner la possibilité de télécharger les cours sur iPhone dans l'année et de mieux guider les internautes dans ce maquis de connaissances avec des résumés.
Des repères qui deviennent de plus en plus capitaux dans cette foire à la connaissance, certes mondiale, mais très embouteillée. Avec un autre défi en filigrane pour les institutions : gérer et stocker les fichiers audio et vidéo sur leurs serveurs – limités en capacité – pour ne pas perdre les pépites de leurs enseignants.
Qui est où ?
Une quinzaine d'écoles et d'universités françaises ont ouvert des pages sur iTunes U et YouTube Edu.
Qui est sur iTunes U ?
Paris-Descartes, Nice-Sophia-Antipolis, le Collège de France, Paris 1-Panthéon-Sorbonne , UPMC, HEC, l'École des mines de Nantes , Supinfo, link http%3A%2F%2Fwww.itunes.unistra.fr>Université de Strasbourg
Qui est sur YouTube Edu ?
L'ECE Paris École d'ingénieurs , l'ESCP Europe , l'EM Lyon, HEC Paris , l'Institut français de géopolitique -université Paris 8, l'INSEAD et Sciences po.
A lire
L'agence de communication spécialisée sur l'enseignement supérieur Com Campus a consacré sur son site un dossier complet en plusieurs volets sur le sujet sous le titre, Les nouvelles universités et écoles françaises sur iTunes U .
En savoir plus
Pour compléter ce panorama, voici quatre billets publiés sur les blogs d'Educpros.
Deux de Brigitte Fournier montrent les intérêts à investir YouTube : « L'enseignement supérieur sur Youtube » et « Démocratiser les savoirs : les chercheurs du Collegium de Lyon s'expriment sur YouTube » .
Deux autres billets de Yann Bergheaud, spécialiste du droit sur Internet :
« Le statut juridique des ressources en e-learning et le statut des enseignants » et « Le droit applicable à la diffusion du podcast » .