Jean-Emile Gombert (président de Rennes 2) : « La fusion de Rennes1 et Rennes 2 est loin d'être exclue, mais elle n'est pas obligatoire »

Propos recueillis par Sophie Blitman Publié le
Jean-Emile Gombert (président de Rennes 2) : « La fusion de Rennes1 et Rennes 2 est loin d'être exclue, mais elle n'est pas obligatoire »
?? Gombert // © 
Vice-président chargé de la recherche dans l’équipe de Marc Gontard, Jean-Emile Gombert a succédé à celui-ci en décembre 2010. Fortement investi dans le dossier des Investissements d’avenir, le président de Rennes 2 détaille les logiques de structuration à l’œuvre dans l’ouest de la France et la place qu’y occupe son université.

Les Investissements d’avenir ont, pour l’instant, peu bénéficié à l’ouest de la France. Comment avez-vous vécu les résultats des premiers appels à projets ?

Globalement, nous nous sommes sentis un peu délaissés au niveau des Labex (Laboratoire d’excellence) et Equipex (Equipements d’excellence). En revanche, nous sommes plutôt bien servis pour les IRT (Instituts de recherche technologique) : il y en aura vraisemblablement 6 en France, dont 2 situés à Rennes et Nantes. Quant à notre projet de SATT (Société d’accélération du transfert de technologies), on nous demande de revoir notre copie mais nous avons une bonne assurance d’être retenus.

Cependant, il est vrai que pour l’instant, l'Ouest ne bénéficie pas d’importantes dotations , ce qui est sans doute dû à la façon dont nous avons présenté nos projets, non à la valeur de nos équipes de recherche.

De plus, la distribution territoriale relativement équilibrée des forces de recherche dans l’Ouest est ici un inconvénient : les Investissements d’avenir donnent l’avantage à des pôles métropolitains forts. Or, nos réponses sont inter-métropole, ce qui fragilise un peu nos candidatures, et il est aussi plus difficile de crédibiliser la gouvernance de projets distribués sur plusieurs sites. De l’extérieur, cela apparaît comme une faiblesse, bien que nous ayons l’habitude de fonctionner ainsi, avec notamment le Campus numérique breton qui permet à des gens éloignés de plusieurs centaines de kilomètres de travailler ensemble. Cela, nous ne l’avons pas assez fait valoir.

La deuxième vague de l’appel à projets des Initiatives d’excellence (Idex) a été lancée le 6 juin 2011. Quelle est votre stratégie pour faire partie des prochains lauréats ?

« Il y a un consensus interrégional autour d’un projet d’Idex plus restreint »

Nous sommes entièrement impliqués dans les projets breton et ligérien mais il y a un consensus interrégional autour d’un projet d’Idex plus restreint. Le premier projet d’Idex incluait explicitement l’université d’Angers et associait celles du Mans et de Bretagne Sud.

Nous allons continuer à travailler avec ces trois établissements mais il faut réduire la surface géographique et nous recentrer sur les pôles thématiques les plus lourds qui correspondent à des pôles géographiques : les STIC (Sciences et technologies de l’information et de la communication), essentiellement portées par Rennes, et la mer à Brest, sur lesquels le premier rapport fait des recommandations explicites. Des discussions sont par ailleurs encore en cours sur un éventuel pôle matériaux, qui peut être justifié par l’IRT Jules Verne, et se concentrerait autour de Nantes.

Il y aurait donc une structuration autour de ces trois pôles : Rennes, Brest et Nantes. Dans ce cadre, qu’en est-il du rapprochement de Rennes 1 et Rennes 2 ?

Nous sommes dans une logique de structuration de sites. En ce qui concerne Rennes, nous souhaitons rapprocher les deux universités, mais aussi tout le tissu des grandes écoles. Nous avons lancé une étude, dont les résultats sont attendus fin 2011, pour voir ce que l’on peut mutualiser et coordonner. S’il existe déjà des initiatives en ce sens, comme le centre de mobilité internationale de Rennes , il faut aussi réfléchir à la formation continue, aux services documentation et aux systèmes d’information. A terme, ces différents services administratifs pourraient être transversaux.

Nous devons également davantage envisager des formations communes, par exemple autour du sport avec Rennes 2 et l’antenne de l’ENS Cachan qui doit devenir autonome en 2012. Et il y a aussi un projet de département commun d’art numérique. Quant à la recherche, la structuration existe déjà, via notamment les conventions qui lient Rennes 1 et Rennes 2, tandis que les écoles participent aux projets de recherche universitaires.

Ces rapprochements impliquent-ils la fusion des deux universités ?

"On va arriver à une structuration très forte sur le site rennais"

La fusion est loin d’être exclue si elle apparaît comme la formule la plus pertinente mais elle n’est pas obligatoire. Et même si elle ne se faisait pas, il faut que les deux universités fonctionnent étroitement l’une avec l’autre. Ce qui est certain, c’est que l’on va arriver à une structuration très forte sur le site rennais. Ce que l’on ne sait pas, c’est la forme juridique que cela va prendre.

Dans tous les cas, le processus durera plusieurs années et la structuration définitive devrait se faire d’ici 5 ans. D’autant que nous voulons associer les personnels à la réflexion : c’est incontournable pour que le processus soit accepté. Cependant, il n’y a pas de doublons et donc pas de concurrence entre les deux universités. La situation de départ était beaucoup plus complexe à Strasbourg , Bordeaux ou Aix-Marseille .

Quant aux équipes de Brest et Nantes, elles se situent dans la même perspective de structuration, mais avec une seule université et moins de partenaires à articuler.

Plus globalement, comment voyez-vous l’évolution du paysage d’enseignement supérieur et de recherche dans l’Ouest ?

« Nous devons rationnaliser l’offre de formation régionale pour éviter les doublons »

Nous sommes dans une démarche de simplification avec des structurations claires sur des pôles et des structurations inter-pôles. L’avenir n’est pas de laisser quelques pôles juxtaposés. C’est pourquoi l’un des scenarii possibles serait le regroupement des deux PRES UNAM (Université Nantes Angers Le Mans, ndlr) et UEB (Université européenne de Bretagne, ndlr), qui articulerait l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la région, avec une grande autonomie, aux côtés d’une Idex fortement identifiée au niveau thématique. Mais il reste bien sûr une interrogation sur l’Idex : si nous ne sommes pas retenus, le poids des PRES serait beaucoup plus important que dans le cas d’une coexistence avec l’Idex.

D’autre part, nous devons rationaliser l’offre de formation régionale pour éviter les doublons. Par exemple, est-il vraiment utile de conserver une filière lettres classiques dans plusieurs universités avec des effectifs réduits ?

Dans le contexte actuel, en l’absence de création de postes et alors que la masse salariale n’est vraisemblablement pas appelée à évoluer, nous devons dépenser les deniers publics au mieux. Il nous faut raisonner pas seulement en termes de ressources, mais aussi de dépenses. Tout en nous assurant que les étudiants aient accès à la formation qu’ils désirent dans un environnement géographique relativement proche.

Rennes 2 prépare son prochain contrat quinquennal

S’apprêtant à négocier son contrat quinquennal pour les années 2012-2016, Rennes 2 souhaite mettre en avant trois points essentiel que développe son président Jean-Emile Gombert :
« Nous voulons faire valoir l’amélioration très nette de nos évaluations recherche : 8 de nos équipes sur 19 ont obtenu une note en augmentation, et nous sommes passé en quatre ans de 52 à 86 % de chercheurs publiants.
Deuxième axe sur lequel nous sommes maintenant bien identifiés : la pré-professionnalisation . En effet, nous sensibilisons nos étudiants au projet professionnel dès la L1 : ils ont 4 heures hebdomadaires pour s’y préparer, sur l’ensemble de leur licence. C’est une vraie originalité, reconnue notamment par la DGESIP (Direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle, ndlr), et nous attendons que cette reconnaissance se concrétise par des soutiens non négligeables, sur le plan financier mais aussi par la promotion officielle du modèle que nous défendons.
Enfin, nous allons faire valoir auprès du ministère la sous-dotation d’une université comme la nôtre : une université de sciences humaines et sociales (SHS) et, de surcroît, de province. En effet, notre dotation, à la fois en postes et financièrement, est infiniment plus basse que celle d’universités scientifiques. Pourquoi peut-on constituer des petits groupes de 15, alors qu’ils atteignent 40 étudiants en SHS ? »

Pour en savoir plus sur strong>Jean-Emile Gombert, un président au profil atypique : lire le billet de Pierre Dubois .

Propos recueillis par Sophie Blitman | Publié le