Journée de mobilisation des jeunes : les étudiants aussi

Fabienne Guimont Publié le
Journée de mobilisation des jeunes : les étudiants aussi
Manif du 12 octobre 2010 à Paris // © 
A la veille d'une nouvelle journée de mobilisation des lycéens et des étudiants le 21 octobre, une dizaine d'universités étaient perturbées. Le président de l'UNEF appelle les étudiants à amplifier le mouvement des salariés, sans radicalisation.

Mercredi 20 octobre 2010, à la mi-journée le ministère de l’enseignement supérieur indiquait que sur 83 universités, 4 universités étaient fermées (Rennes 2, Lyon 2, Montpellier 3 et Toulouse 2), que l’université de Pau était bloquée et que trois étaient perturbées avec certaines UFR touchées (Caen, Poitiers et Orléans). A Montpellier 3, la direction de l’université indique dans un communiqué avoir fait évacuer un amphithéâtre occupé par les étudiants en appelant les forces de l’ordre.

De sources syndicales, une douzaine d’universités seraient bloquées la plupart partiellement. Selon l’UNEF, des assemblées générales étudiantes ont voté le 20 octobre 2010 le blocage des universités à La Rochelle, Saint-Etienne, Amiens, Lille 3, Paris 4 et Perpignan. A Limoges, les étudiants de lettres avaient aussi voté le blocage. Selon le syndicat étudiant, six universités étaient déjà bloquées la veille : Paris 1-Tolbiac, Poitiers, Nantes, Pau, Le Havre et Clermont 2. Du côté du Snesup (le principal syndicat des enseignants-chercheurs), la liste des universités bloquées n’est pas tout à fait identique. Paris 10, Toulouse 2, Lyon 2, Montpellier 3, Rennes 2, Strasbourg (département de philosophie), Orléans, Pau, Paris 8 et Poitiers seraient concernées.

Sit-in, barrages filtrants

La journée d’actions et de mobilisation des jeunes prévue le 21 octobre 2010 organisée à l’initiative de l’UNEF, de la Fidl et de l’UNL devrait se traduire par des manifestations à Paris et dans les principales villes universitaires et à des opérations « coup de poing » (rassemblement, sit-in…). A la veille de cette journée, le principal syndicat étudiant appelait les étudiants à privilégier des « actions de blocage [dans les universités] les jours de manifestation nationale ». Aux blocages durs, l’UNEF préfère appeler à des barrages filtrants ou des journées banalisées. Côté enseignants-chercheurs, le Snesup et Sud Education appellent aussi à rejoindre les cortèges de lycéens et étudiants, jeudi 21 octobre.
 

Interview de Jean-Baptiste Prévost, président de l’UNEF

Quelles sont les revendications des étudiants ?
Les périodes d’études, de stages et d’inactivité forcée doivent être prises en compte dans le calcul des retraites. De façon plus globale, la contestation reflète l’inquiétude des jeunes face à l’avenir. Il n’y a pas de différence entre les lycéens et les étudiants dans ce mouvement. La mobilisation plus précoce des lycéens tient au calendrier scolaire qui a démarré avant le calendrier universitaire.

Quel état d’esprit percevez-vous dans la jeunesse aujourd’hui ?
Il y a du mépris pour toute une génération depuis les mouvements dans les banlieues de 2005, contre le CPE en 2006 ou dans les mouvements en 2007, 2008-2009. La mobilisation dans la jeunesse est profonde et le gouvernement est soit dans le déni, soit dans la répression. Cette attitude de mépris par rapport à la jeunesse est susceptible de créer de la colère chez les jeunes. Mais les jeunes et la population relève la tête malgré la précarité. On demande du respect quand les gens s’expriment.

A quelles sortes d’actions appelez-vous ?

L’UNEF appelle les étudiants à faire des AG, pas à la radicalisation du mouvement. Nous appelons au rassemblement du plus grand nombre aux côtés des salariés dans cette mobilisation contre la réforme des retraites. Il faut élargir le mouvement dans les universités avec des barrages filtrants et des journées banalisées pour pouvoir continuer à informer davantage d’étudiants. Ce n’est pas en brûlant des voitures que nous mobiliserons et globalement la mobilisation se fait dans la bonne humeur. Les incidents qui donnent lieu à un traitement spectaculaire ne peuvent occulter tout le mouvement. Je note que les CRS se sont déplacés devant les établissements de Lille sud exclusivement et non dans le centre-ville. Le gouvernement se complait dans le face-à-face entre casseurs et CRS. Hier le gouvernement disait que les jeunes étaient instrumentalisés, et aujourd’hui il change de registre et doit s’expliquer.

Craignez-vous des débordements lors de la journée de mobilisation du 21 octobre ?

Le gouvernement a créé une situation de blocage et semble instrumentaliser plus que prévenir les incidents pour les exploiter à la télévision. Je remarque qu’alors qu’en 2006 lors du mouvement contre le CPE [contrat première embauche], l’UNEF, la Fidl, l’UNL avaient été contactés par le ministère de l’Intérieur [Nicolas Sarkozy était alors ministre de l’Intérieur] pour encadrer les manifestations. Cette fois, nous n’avons pas été contactés par le ministère de l’Intérieur. Pour jeudi, l’UNEF, la Fidl et l’UNL se sont organisées seules pour avoir un service d’ordre étudiant.

Le Mét dénonce les violences des étudiants anti-blocage

Le Mét, syndicat étudiant de droite (ex-Uni) condamne les violences à l’endroit des étudiants opposés aux blocages des universités. « Jeudi dernier à Rennes 2, hier à Nantes, ce matin à Brest et au Havre… la liste des agressions menées à l’encontre des étudiants opposés au blocage des facs commence à s’allonger », indique un de ses communiqués. Une campagne intitulée « Stop la grève » est en ligne depuis une semaine sur Internet. Selon le communiqué, trois plaintes auraient été déposées suites à des agressions commises à Brest et au Havre. Le syndicat communique également sur l’effraction de son local à Sciences po Paris où de « nombreux documents » auraient été volés.

Et les enseignants-chercheurs ?

 « A Paris, enseignants-chercheurs, chercheurs et personnels des universités réunis en intersyndicale étaient 3000 dans la manifestation du 7 septembre et 11000 dans celle du 19 octobre. La participation des enseignants-chercheurs est croissante avec parfois des assemblées générales communes avec celles des étudiants », indique Stéphane Tassel, le secrétaire général du Snesup. Leurs revendications spécifiques portent notamment sur les carrières courtes et morcelées des maîtres de conférences (thèse pas prise en compte si elle n’est pas financée et début de carrière tardive). Ceux-ci représentent deux tiers des enseignants-chercheurs. Pour lui, « alors que les enseignants-chercheurs ont traversé un mouvement historique, l’ardoise reste pleine. La mobilisation va se renforcer de la présence des étudiants ».

Cette analyse n’est pas celle de Lionel Collet, président de la CPU. « En 2009, on avait affaire à un mouvement des personnels des universités. Aujourd’hui, les universités souvent exposées aux mobilisations le sont à nouveau mais ce mouvement est de beaucoup plus grande ampleur dans les lycées que dans les universités », affirme Lionel Collet. Le président de Lyon 1 craint surtout une radicalisation du mouvement. 

Fabienne Guimont | Publié le