L'université de Nantes a-t-elle un an d'avance ? Depuis la rentrée 2017, les UFR de Staps, d'histoire et de sociologie expérimentent une licence à plusieurs rythmes. Une option débattue pendant la concertation sur le premier cycle universitaire et qui pourrait donc être bientôt duppliquée dans d'autres universités.
UN DISPOSITIF BASÉ SUR LE VOLONTARIAT
Ce dispositif expérimental est réservé aux bacheliers professionnels et technologiques volontaires. "En Staps, ces étudiants représentent 55 des 300 néo-inscrits. Et ils réussissent difficilement : ces sept dernières années, aucun des bacs pro et seulement 10 % de ceux issus de bacs techno ont eu leur L1 du premier coup. Nous sommes progressivement arrivés au constat qu'il serait intéressant de leur proposer une année supplémentaire", rappelle Arnaud Guével, le directeur de l'UFR Staps.
Les trois UFR ont répondu il y a trois ans à un appel à projets du Conseil régional visant à soutenir la réussite de ces bacheliers. La subvention de 30.000 euros octroyée leur permet de financer le coût intégral du programme. À la rentrée, 31 étudiants se sont portés volontaires, dont une majorité en Staps. Ils auront quatre ans pour obtenir leur diplôme.
40% DU PARCOURS EN LICENCE AMÉNAGÉ
Le principe : étaler sur trois ans au lieu de deux la L1 et la L2. "En deuxième année, les étudiants finiront le parcours de la L1, puis démarreront la L2. Et l'année suivante, ils valideront la L2. L'année de L3 est allégée pour leur permettre de faire un stage professionnel dense", décrypte Arnaud Guével. "Certes, c'est une année supplémentaire mais à la sortie, nous indiquerons sur le diplôme ce qu'ils auront pu faire en plus, comme ce stage", défend le directeur de l'UFR.
Un parcours aménagé a été mis en place pour leur permettre de travailler sur leurs faiblesses. En première année, les 31 volontaires suivent 60 % des cours de licence avec les autres étudiants. Le reste du temps d'enseignement est réparti en plusieurs modules.
Le premier – quatre heures de cours de français, expression écrite et culture générale – est assuré par des enseignants du second degré de terminale professionnelle et technologique, payés comme vacataires, en complément de leur service. Le deuxième module, d'une heure par semaine, est consacré à un programme culturel (visite de musée, pièce de théâtre...).
Le dernier module – d'une heure également –, mené par le service d'orientation de l'université, consiste à travailler sur le projet professionnel des étudiants. Au cours du second semestre, ces élèves devront également mener un projet collectif, "type TPE de première", encadré par un étudiant "tuteur" de master.
DÉCOUVRIR LES CODES DE L'UNIVERSITÉ
"Nous essayons de les préparer aux attentes de la fac et de leur donner une culture universitaire. Le niveau est complétement différent de la terminale, détaille Céline Le Bras, professeur en lycée professionnel qui assure une partie des enseignements. Il y a beaucoup d'implicite dans la culture universitaire que ces étudiants ne saisissent pas."
L'essentiel des cours porte donc sur du travail méthodologique, autour de l'écrit notamment. "Nous travaillons beaucoup sur la prise de notes en cours magistral, l'écriture argumentative. Pour l'instant, c'est là où se situe les plus grosses difficultés des élèves mais nous projetons aussi un accompagnement méthodologique sur la dissertation, le commentaire et la recherche documentaire", précise-t-elle.
PAS DE NOTATION, PAS DE PRESSION ?
Les étudiants ne sont pas notés sur ce parcours, qui n'est pas comptabilisé dans le capital ECTS. "C'est un choix de notre part pour qu'ils n'aient pas de pression. Pour l'instant, la bonne nouvelle, c'est qu'ils sont très assidus", se réjouit Arnaud Guével. Comment les élèves sont-ils évalués ? "En L1, nous avons reconstruit une maquette sur la base de l'existant, en sélectionnant d'abord les matières qui leur posent le moins de problème."
Les UFR engagés dans la démarche se sont fixé un objectif de 70 % à 80 % de réussite en licence. "Mais les statistiques peuvent être un peu faussées : les étudiants sont volontaires, donc motivés", observe Arnaud Guével. "Peut-être qu'à la rentrée prochaine, en fonction des résultats de la concertation [sur le contrat de réussite étudiant] nous envisagerons de le rendre obligatoire", glisse-t-il.
"UN SYSTÈME À DEUX VITESSES"
Une des craintes exprimées par l'Unef est justement de voir ce dispositif passer d'une option à une obligation. "Nous sommes contents que l'université se préoccupe de la diversité des profils de ses étudiants. Mais ce dispositif allonge le diplôme : nous craignons un nouveau système à deux vitesses", regrette Émilie Bourdon, la présidente de l'organisation étudiante de l'université de Nantes. "Faire des études a un coût pour un étudiant. Ce n'est pas rien, une licence en quatre ans..." souligne-t-elle.
"Cela remet en question la pédagogie et son adaptation pour faire réussir tous les étudiants", juge Émilie Bourdon. "Dans la réflexion actuelle sur les prérequis, nous sommes vigilants. Il y a du positif dans la démarche. Pour nous, la clef tient en un mot : le volontariat."