La Cité universitaire internationale, le retour au mécénat (2/3)

Reportage de Virginie Bertereau Publié le
La Cité universitaire internationale, le retour au mécénat (2/3)
Les cuisines de la maison du Portugal. // © 
Vieille dame toujours élégante, la Cité internationale universitaire n'avait plus vu la construction de nouvelles maisons dans son parc parisien depuis la fin des années 1960. Un programme de nouveaux logements et de nouveaux projets sont en préparation, en faisant revenir les mécènes. Reportage sur un patrimoine et projection dans le futur de la CIUP.

Retour vers le passé. Ambiance années 20. Imaginez Paris en noir et blanc, tout juste sortie de la première guerre mondiale. « Plus jamais ça », jure-t-on. On compte alors un tiers d’étudiants en moins par rapport à 1913. André Honnorat, ministre de l’Instruction publique (et l’inventeur de l’heure d’été), lance le projet de la Cité internationale universitaire de Paris avec deux objectifs : redonner à la France son rôle international dans l’enseignement supérieur (délabré) et réunir les élites du monde entier « dans un espace de sociabilité interculturelle » pour favoriser la paix. Aujourd’hui encore, la cité défend ces valeurs.

Balade sur cinq continents  

Entre 1925 et 1969, soit près d’un demi-siècle, 37 maisons sont construites boulevard Jourdan, dans le 14e arrondissement de Paris, grâce aux fonds fournis par de (généreux) banquiers, industriels, collectivités et autres gouvernements. Toutes évoquent l’architecture de leur pays d’origine – Japon, Grèce, Suède, Maroc… – ou le courant de l’époque. Des architectes renommés, comme Le Corbusier ou Claude Parent, participent à la création.

Résultat : se promener dans la cité revient à une balade architecturale à travers le 20e siècle et sur les cinq continents. La première résidence, la fondation Deutsch de la Meurthe, tient son nom du premier mécène de la Cité, un industriel alsacien à la tête des pétroles Jupiter (ex-Shell). Elle se compose d’un groupe de cottages disposés autour du jardin central. Un vrai petit Oxford, où aucune nationalité ne prédomine. La première résidence étrangère construite reste la maison des étudiants canadiens, de conception assez simple. Suit ensuite, notamment, la fondation Argentine, dont les arcades, l’auvent et l’entrée à colonnes rappellent les estancias de la pampa.  

Le retour aux mécènes 

Depuis 1969, aucune construction de maison n’a été entreprise sur le site Jourdan. Manque de terrains, manque de moyens. La fondation privée (reconnue d’utilité publique) qui gère la cité n’a pas assez de fonds propres pour financer les travaux. Les aides du ministère de l’Éducation nationale (6 millions d’euros par an), du conseil régional et de la ville de Paris ne suffisent pas. La seule rénovation de la maison des étudiants de l’Asie du Sud-Est va coûter un million d’euros…

En 2008, la fondation a donc pris la décision de relancer le mécénat. Dans les années 20, plusieurs familles dont les Deutsch de la Meurthe, les Rockefeller, les Rothschild, les David-Weill, etc. avaient financé les constructions. « Aujourd’hui, il faut renouer avec leurs descendants et attirer de nouveaux investisseurs issus de la Net économie. Ce sont des actifs qui ont un parcours international et peuvent comprendre le but de la cité… On cherche ainsi 3 millions d’euros », confie Charline Corbel, une des responsables du lieu. A l’automne 2008, une société des amis de la CIUP sera créée dans ce but.  

La Russie devrait faire son entrée à la Cité  

D’ici 2015-2020, cinq nouvelles maisons devraient ainsi s’élever sur le site Jourdan, et non au-delà du boulevard périphérique, qui, érigé dans les années 60, a divisé la cité en deux. Résultat : la maison des élèves ingénieurs des Arts et métiers se retrouve de l’autre côté du périph’. Parmi les constructions prévues, celle de la Russie. Comme tout le bloc de l’Est, le pays n’était pas encore représenté. « On a arrêté de construire dans les années 60, en pleine guerre froide.

"La vision du monde n’était pas la même », explique Charline Corbel. Des maisons de la Corée, du Moyen-Orient, de l’Île-de-France, de la mobilité européenne seraient également dans les tuyaux. En 2008, la maison du Maroc va rouvrir à l’automne, celle de l’Asie du Sud-Est à la rentrée. « Avoir une maison, pour un État, c’est avoir une place à Paris. Cela permet d’envoyer des étudiants se former en France avant de les faire revenir au pays », analyse Charline Corbel.  

1000 nouveaux logements d’ici 2013  

De leur côté, les rénovations, amorcées à la fin des années 90, vont se poursuivre. Mille nouveaux logements sont prévus d’ici 2013. Aujourd’hui, les deux tiers des maisons sont rénovées. Environ six d’entre elles sont en travaux comme celle du Maroc ou de l’Asie du Sud-Est.

Parmi les plus belles réussites, figure la rénovation de la résidence André de Gouveia, ancienne maison des étudiants portugais inaugurée à la fin des années 60. Sa fermeture, pendant deux ans, a permis d’installer lavabo, toilettes et douche dans les 169 chambres, de prévoir une connexion wifi, de refaire les cuisines communes. Aujourd’hui, la résidence ressemble à un hôtel avec son papier peint baroque aux couleurs – aubergine, bordeaux, noir… – qui rappellent celles du Portugal, son hall et son mobilier design.

La cité offre ainsi du standing et du fonctionnel pour un loyer mensuel compris entre 350 et 450 € selon le statut du locataire (étudiant ou chercheur) et de l’état de rénovation de la maison. Dans la résidence André de Gouveia, il est également prévu de réaliser une salle culturelle ouverte au grand public. Mais les travaux sont en stand-by par manque de financements...   

Une fondation de droit privé
La Cité universitaire internationale de Paris est une fondation privée reconnue d’utilité publique qui appartient à la Chancellerie des universités de Paris. Il existe deux statuts juridiques de maisons : celles gérées par la fondation elle-même et administrée par son conseil d’administration et celles auto-gérées avec des conseils d’administration propres, souvent présidés par les représentants des membres fondateurs ou les ambassadeurs des pays, comme l’Italie. Chaque maison est dirigée par un directeur à temps partiel. Celui-ci est chargé de l’animation culturelle. Il est secondé par un responsable de la vie quotidienne et logistique et un responsable accueil-planning. Il s’agit souvent de professeurs, de chercheurs, de médecins.

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