La Cour des comptes alerte sur les disparités territoriales d'accès à l'université

Clémentine Rigot Publié le
La Cour des comptes alerte sur les disparités territoriales d'accès à l'université
Dans un rapport publié début février 2023, la Cour des comptes s'inquiète des inégalités d'accès à l'enseignement supérieur aggravées par l'origine géographique. // ©  HJBC / Adobe Stock
Paris et les outremers exceptés, la Cour des comptes se penche sur la relation entre accès aux études à l'université et origine géographique. Elle dénonce des inégalités sociales qui peinent à être endiguées malgré les dispositifs déployés. La cour met aussi en évidence une hétérogénéité des statuts des universités liée à la politique de financement par appels à projets.

"Le taux de diplômés diminue à mesure que l’on s’éloigne des grandes villes", constatent les sages de la rue Cambon, dans le rapport "Universités et territoires", publié début février 2023. Ceux-ci mettent en avant un critère décisif d’accès aux études : l’origine sociale des étudiants.

Chez les 20-24 ans, "77% des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants étudient ou ont étudié dans le supérieur, contre 52% des enfants d’ouvriers ou d’employés". Des inégalités aggravées par l'origine géographique avec de grandes disparités selon les territoires.

Endiguer les inégalités sociales via les antennes et sites délocalisés d'universités

Des inégalités persistantes que l'État avait tenté d’endiguer, dès les années 1960, grâce à l’ouverture progressive d'antennes universitaires, au nombre de 150 aujourd'hui. Ces sites délocalisés rattachés à une université mère devaient "rapprocher la formation des territoires".

Accueillant à elles seules près de 91.000 étudiants (dont environ un tiers en IUT), elles assurent "une mission de service public, principalement autour d’enseignements de premier cycle", selon la Cour des comptes. Avec un coût et un taux de réussite comparables aux sites principaux, la poursuite d’études en deuxième cycle y est cependant plus faible.

La solution coûteuse des campus connectés

Parmi la palette d’initiatives du ministère de l'Enseignement supérieur pour favoriser un accès plus équitable aux études, la haute juridiction s’est également attardée sur les campus connectés. Ces dispositifs, qui permettent aux étudiants éloignés des sites de suivre leur formation à distance, dans des salles de cours connectées, constituent une autre réponse "aux difficultés géographiques et sociales d’accès à l’enseignement supérieur".

Mais le succès de cette centaine de lieux est en demi-teinte. Seuls huit d’entre accueillent plus de vingt étudiants, "ce qui relativise l’intérêt de ce nouveau modèle et conduit parfois à un coût par étudiant exorbitant". À savoir moins de 5.000 euros pour cette poignée d’établissements, et jusqu’à 110.000 euros par an et par étudiant pour deux campus n’ayant qu’un unique bénéficiaire.

La cour appelle à dresser le bilan de ce dispositif lancé en 2019, en prenant en compte le devenir des élèves et les aspects financiers.

Des statuts d'universités de plus en plus hétérogènes

Mais face à ces initiatives pour endiguer les inégalités territoriales, les différentes politiques de site ont creusé des écarts entre universités. En effet, les universités ont connu plusieurs transformations juridiques et évolution de statuts — Comue, fusion, statuts expérimentaux — qui ont participé à l'affaiblissement du "concept même d’université à l’échelle du territoire national".

Ce faisant, le maillage territorial est devenu plus disparate, amplifiant les différences entre les universités. Ces évolutions rapide des statuts participent à la confusion pour les étudiants et "rend la politique universitaire française difficile à suivre".

Ces écarts sont aussi liés à la politique active autour des PIA (programmes d'investissement d'avenir) qui ont, depuis plusieurs années, constitué "le seul marqueur de différenciation", puisque "produisant de facto des catégories différenciées d’université", en fonction du montant moyen de leur dotation.

Acter les différences entre universités pour un meilleur pilotage

En plus de ces évolutions légales, le paysage de l’enseignement supérieur français pâtit de la mauvaise prise en compte de sa diversité. Derrière la dénomination unique d’université, se cache en réalité une multitude d’établissements.

Certaines universités "conduisent une recherche de premier ordre au niveau mondial et orientent leurs formations dans cette optique, alors que d’autres assurent une part plus importante de premier cycle et concentrent leurs forces de recherche sur quelques disciplines, faute de pouvoir bénéficier des financements par appels à projets", analyse la Cour des comptes. Elle recommande ainsi de mieux tenir compte de ces différences pour assurer un meilleur pilotage de établissements.

Et au-delà d’une nécessaire clarification — qui serait salutaire pour les étudiants et les acteurs de l’enseignement supérieur —, la cour enjoint l’État à un arbitrage en vue d’acter les différences entre universités, "non pour les y figer mais pour adapter les moyens à leur allouer au plus près de leurs besoins, des spécificités de leur territoire et de la qualité de leurs formations".


Les "universités" catholiques privées pointées du doigt

Toujours dans une volonté de lutter contre la confusion, qui freine l'accès à la formation, notamment en induisant les étudiants en erreur quant au cursus vers lequel ils s'orientent, la cour plaide en faveur du respect de la nomenclature de l'enseignement supérieur, aujourd'hui employée irrégulièrement par des établissements. Elle s'attarde ainsi sur le cas des instituts privés qui utilisent l’appellation "université", (notamment les établissements du supérieur catholique), alors que le Code de l’éducation l’interdit explicitement sous peine d’amende.

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche "entretient d’ailleurs lui-même la confusion en utilisant l’appellation d’université catholique dans ses propres publications ou sur son site internet". Les magistrats appellent donc au respect de l’usage et à la protection du titre d’université, dans l’intérêt premier des étudiants.

Clémentine Rigot | Publié le